Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗
— Jean ! Comme je suis heureuse de vous rencontrer. Mais que vous voila beau !
Instinctivement, elle retrouvait pour lui le ton leger et familier de leurs anciennes relations et cela lui fut salutaire. Elle se ressaisit, retrouva tout son controle d'elle-meme. Cependant, Saint-Remy pivotait sur ses talons avec des mines de gravure de mode et terminait par un profond salut.
— Voyez en moi, ma chere amie, le roi d'armes Toison d'Or, elu a l'unanimite par les membres du college heraldique de Bourgogne. Je suis devenu un grand personnage. Comment me trouvez-vous ?
— Magnifique ! Mais, Jean, c'est le duc que je voudrais voir. Pensez-vous qu'il me recevra ?
Le sourire s'effaca du visage de Saint-Remy qui se rembrunit.
— Il vous attend ! Mais il n'est pas de bonne humeur, sachez-le. Il y a si longtemps, en fait, qu'il vous attend ! Ou etiez-vous passee ? Et comme vous voila faite ! Oh, vous etes toujours aussi belle mais vous avez maigri... et puis, vous semblez lasse.
— Je le suis, mon ami. Lasse de tout, croyez- moi !
Le nouveau roi d'armes hocha tristement la tete et prit la bride du cheval de la jeune femme.
— J'espere que Monseigneur Philippe saura ramener le sourire dans vos yeux. Notre Cour a moins d'eclat depuis que vous avez disparu.
— Vous avez une duchesse...
— Elle a beaucoup d'allure, son education est parfaite et sa beaute incontestable. Mais elle est un peu statue et je la trouve froide. Venez vite.
Je bavarde, je bavarde et Monseigneur attend. Il est inutile d'augmenter sa colere !
Quelques instants plus tard, Catherine sautait de cheval devant l'entree de la tente ducale, ou veillaient deux soldats de la garde personnelle.
Instinctivement, Catherine chercha le plumet blanc de Jacques de Roussay mais le jeune capitaine n'etait visible nulle part. Precedee de Saint-Remy un peu nerveux tout a coup, elle penetra dans l'immense pavillon de velours pourpre et de drap d'or. Une seconde apres, elle etait en face de Philippe le Bon.
En revoyant le duc, Catherine eut l'impression qu'il avait vieilli. Ses traits avaient quelque chose de plus accentue et d'un peu fige. Cela tenait peut-
etre aussi aux ombres mouvantes des flambeaux deja allumes et poses un peu partout. Il se tenait debout, tres droit, aupres d'une table qui supportait un gros evangeliaire d'ivoire, une main posee dessus, dans une attitude de hauteur qui devait lui etre devenue naturelle mais qui avait quelque chose d'un peu trop pompeux et officiel. Il portait le harnois de guerre avec, autour du cou, un grand collier d'or, ou alternaient des briquets et des bouquets de flammes. Le meme mouton d'or plie en deux terminait ce joyau, tout comme celui du roi d'armes.
Lentement, mais sans courber la tete, Catherine plia le genou, retrouvant d'instinct le vieux salut feodal en face de celui en qui elle ne voulait voir pour le moment que le suzerain. Le costume masculin qu'elle portait eut d'ailleurs rendu ridicule la reverence. Mais, d'un geste bien feminin, elle fit glisser sur ses epaules le capuchon noir qui enserrait sa tete, livrant aux lumieres l'or de sa chevelure tressee. Philippe n'avait meme pas cille. Ses yeux gris demeuraient attaches au visage de Catherine sans qu'aucun sourire vint en attenuer la durete. Ce fut lui, pourtant, qui parla le premier.
— Vous voila tout de meme, Madame ? Je n'esperais plus vous revoir jamais. En verite, je vous ai crue morte et je m'etonne de votre audace. Vous disparaissez deux ans... ou peu s'en faut et, tout soudain, vous revenez et reclamez audience comme si vous vous etiez toujours comportee convenablement et comme si cette faveur vous etait due !
En parlant, la voix breve de Philippe s'elevait peu a peu. Catherine eut l'impression qu'il cherchait a monter lui-meme sa colere et decida de payer d'audace.
— Pourquoi donc me l'avoir accordee si je n'y avais point droit ?
— Pour voir si je vous reconnaitrais ; si vous etiez toujours semblable au souvenir que je gardais de vous. Grace au ciel, il n'en est rien ! Vous avez beaucoup change, Madame... et pas a votre avantage !
La brutalite de Philippe, son manque total de la plus elementaire courtoisie n'impressionnerent pas Catherine. Il y avait longtemps qu'il avait perdu le pouvoir de lui faire peur. Si meme il l'avait jamais possede ! Tout au contraire, cela l'aida a retrouver la pleine possession d'elle-meme et elle se permit un mince sourire.
— Vous ne supposez pas, Monseigneur, que je suis venue jusqu'a vous pour vous prier de remplacer mon miroir ? Ces deux annees ecoulees vous ont ete douces, profitables meme. Pour moi, elles ont ete deux annees de misere et de souffrance.
— Qui donc vous obligeait a tant souffrir ?
Personne ! Et ne vous imaginez pas que je les regrette ! J'ai souffert, oui, mais j'ai du moins cesse de me mepriser.
L'eclair de colere qui brilla dans les yeux de Philippe fit comprendre a Catherine qu'elle avait ete trop loin et que, si elle poursuivait sur ce ton, son ambassade serait gravement compromise des le depart. Or, elle n'avait, tout compte fait, rien a reprocher a Philippe et elle desirait obtenir de lui une faveur insigne. Elle fit aussitot marche arriere.
— Pardonnez-moi ! Mes paroles ont depasse ma pensee. Je voulais dire seulement que, puisque vous alliez prendre femme, je n'avais plus rien a faire aupres de vous. J'ai appris que vous etiez marie... heureux, je pense ?
— Tres !
— Vous m'en voyez ravie. Les prieres que j'ai faites pour votre bonheur ont, du moins, ete exaucees...
Un silence pesant tomba entre eux, trouble seulement par le gresillement des chandelles et par le baillement prolonge d'un grand levrier couche pres de la porte. Catherine ne savait plus comment reprendre le dialogue et cherchait une idee. Mais, brusquement, Philippe quitta sa pose hieratique et, arrachant le large chapeau de feutre noir, orne d'une plume de heron et d'une boucle de rubis qui le coiffait, fit le tour de la table et saisit Catherine par le poignet.
— Assez de faux-fuyants et de paroles officielles ! J'ai droit, je pense, a une explication. Voila deux ans... deux ans, tu m'entends, que je l'attends.
Pourquoi m'as-tu quitte ?
Le tutoiement ancien fit voler la gene en eclats. Catherine se sentit sur un terrain solide.
Je te l'ai dit : parce que tu allais te marier. J'ai trop d'orgueil pour accepter une seconde place et je ne voulais pas, apres ce que j'avais ete pour toi, servir de risee aux gens de ta Cour.
Une surprise sincere se peignit sur la figure de Phi- lippe. -
— De risee ? Etais-je donc, a tes yeux, un si pauvre prince que tu me jugeais incapable de t'assurer un rang conforme a celui que je t'avais donne ? Toi qui pleurais notre fils ?
Catherine refusa de se laisser attendrir par le souvenir de l'enfant.
Oh bien sur, je pense que tu songeais a me marier... une fois de plus !
Quel mari postiche me destinais-tu cette fois, apres ce malheureux Garin dont tu avais si froidement exploite la terrible infirmite ? Saint-Remy ?
Lannoy, Toulongeon ? Lequel de tes seigneurs etait pret a epouser ta maitresse pour te plaire... et a fermer soigneusement les yeux ensuite ?
— Aucun ! Je n'ai jamais admis de te partager avec personne. Je t'aurais faite duchesse, princesse independante... tu aurais pu choisir celui de mes etats qui t'aurait convenu. Comme si tu ne savais pas que je t'aimais plus que tout au monde... comme si je ne t'en avais pas donne assez de preuves ! Et tout recemment encore. Sais-tu ce que c'est que cela ?
Il arrachait d'un geste brutal son grand collier d'or et le mettait sous le nez de la jeune femme.
— Le sais-tu ?
— Mais oui, repondit-elle doucement... La Toison d'Or. L'ordre que tu as cree en l'honneur de ton mariage.
— Mon mariage ? A qui crois-tu que je pensais en lui donnant ce nom ? Qui a jamais etale, aupres de moi, la plus merveilleuse des toisons d'or ? Qui ai-je jamais appele ainsi, sinon toi ?