Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗
Mais la ville tenait toujours bon et, bientot, le petit pont d'une poterne s'ouvrait devant les trois voyageurs qui le franchirent a pied, tenant leurs chevaux par la bride. Au-dela, un arbaletrier attendait, une torche a la main.
Xaintrailles s'adressa a lui, anxieusement.
— Sais-tu si le capitaine de Montsalvy est toujours vivant ?
— Il l'etait encore au coucher du soleil, messire. Il avait meme sa connaissance. Mais, pour l'heure presente, je l'ignore.
Sans repondre, Xaintrailles aida les deux femmes a remonter a cheval.
Sans lui, Catherine n'y fut sans doute jamais parvenue. Ses jambes tremblaient sous elle et refusaient de la porter. Xaintrailles l'enleva dans ses bras pour la remettre en selle puis rendit a la pauvre Sara a demi morte le meme service.
Arnaud est a l'abbaye Saint Corneille ou les religieux le soignent de leur mieux, chuchota-t-il. Pour Dieu, n'oubliez pas que vous etes un garcon ! Les benedictins sont severes sur le chapitre des femmes. Et tachez de faire entendre raison a votre suivante, si elle peut encore entendre quelque chose.
Bientot, la haute ogive de pierre du portail abbatial se decoupa dans la grisaille du jour levant. Xaintrailles se pendit a la cloche du tour et parlementa un instant avec le frere portier dont le visage mefiant etait apparu derriere le grillage du guichet.
— Grace a Dieu, soupira-t-il pour Catherine tandis que le moine faisait ouvrir la porte, Arnaud vit encore ! Il dort a ce qu'il parait...
Tout en suivant Xaintrailles sous les arcades du cloitre, Catherine adressa, du fond de son c?ur, une ardente action de graces a celui qui l'avait exaucee en permettant qu'elle revit Arnaud vivant. La vie, le courage lui revenaient.
Peut-etre que tout n'etait pas perdu, peut-etre qu'il vivrait... et peut-etre que le bonheur etait pour demain.
Sur la couchette d'une cellule, Arnaud reposait, couche sur le dos, les yeux clos. Un moine veillait a son chevet, assis sur un escabeau, un chapelet aux doigts. Une chandelle de cire jaune, brulant dans un chandelier de fer brut pose sur une table, eclairait seule la scene. A l'exception d'un crucifix au mur et d'un missel sur une planche, c'etait tout l'ameublement de l'etroite piece dans laquelle entrerent Xaintrailles et Catherine. En les voyant paraitre, le moine se leva.
— Comment va-t-il ? chuchota Xaintrailles.
Le religieux eut un geste vague et haussa les epaules.
Guere mieux ! Il souffre beaucoup mais il a retrouve sa connaissance. Les nuits sont mauvaises. Il respire avec peine...
En effet, un bruit de soufflet de forge s'echappait de la poitrine haletante du blesse. Il etait d'une paleur de cire et deux plis profonds, ombres de gris, se creusaient des ailes du nez aux commissures des levres. Ses mains, crispees sur le drap, allaient et venaient tragiquement. Catherine, bouleversee, incapable d'articuler un mot, se laissa glisser a genoux aupres du lit et d'un doigt leger, repoussa une meche noire, collee au front par la sueur. Elle entendit Xaintrailles renseigner le moine.
— C'est la personne qu'il m'avait demande de chercher. Voulez-vous nous laisser un moment, mon pere ?
Sans se retourner, Catherine entendit le claquement leger des sandales sur la pierre du sol. La porte grinca en se renfermant. Arnaud ouvrit les yeux. Son regard, vague d'abord, joignit son ami, debout aux pieds du lit, puis se fit plus net.
— Jean !... fit-il dans un souffle. Te revoila ? Est- ce que...
— Oui, murmura Xaintrailles. Elle est la ! Regarde...
Une intense expression de joie s'etendit sur le visage ravage d'Arnaud.
Peniblement, il tourna la tete, vit Catherine qui se penchait vers lui.
— Vous etes venue... Merci !
— Ne me remerciez pas, balbutia la jeune femme d'une voix si enrouee qu'elle ne la reconnut pas. Vous saviez bien que je viendrais. Pour vous, Arnaud, j'irais au bout du monde et...
— Il ne s'agit pas de... moi ! Je... meurs, mais... 1 d'autres vivent !
La joie qui, un instant, avait illumine le visage du jeune homme s'etait eteinte, comme effacee. Il detournait deja les yeux et ses traits reprenaient leur immobilite sinistre. Seule, la bouche remuait mais la voix qui en sortait etait si faible, que Catherine dut se pencher davantage pour mieux entendre.
— Ecoutez... car j'ai peu de forces. Philippe... de Bourgogne tient Jehanne ! Elle est... prisonniere de Jean de Luxembourg, donc de lui. Il faut... que vous alliez vers lui... a son camp... et que vous obteniez la liberation de Jehanne.
Atterree, Catherine crut avoir mal entendu.
— Que j'aille chez le duc ? Moi ? Arnaud... vous ne pouvez pas vouloir cela ?
— Si... il le faut ! Vous seule pouvez... gagner cette bataille. Il vous aime!
— Non !... C'etait presque un cri qui avait franchi les levres de Catherine.
— Honteuse, elle baissa le ton, reprit plus doucement : — Non, Arnaud... ne croyez pas cela ! Il ne m'aime plus. Son orgueil est immense et il ne m'a pas pardonne ma fuite. Mes terres ont ete saisies par son ordre... je suis proscrite.
De plus, il est marie, je crois... et ne se soucie plus de moi.
Une brusque colere crispa la figure d'Arnaud, tendit son corps dans un effort pour se redresser. Mais, avec une plainte, il retomba sur son lit. Ce fut Xaintrailles qui repondit, d'une voix neutre.
— Vous vous trompez, Catherine. Votre pouvoir est entier, bien certainement, sur le duc Philippe. Au mois de janvier de cette annee, il a, en effet, epouse l'infante Isabelle et de grandes fetes ont eu lieu a Bruges pour cet evenement. Mais la plus grande de ces fetes, Philippe l'a consacree a la creation d'un ordre de chevalerie, fastueusement dote, vrai monument d'orgueil. Savez-vous, Catherine, comment s'appelle cet ordre ?
Elle hocha la tete, tres vite et sans lever les yeux sur lui, pressentant qu'a nouveau elle allait se trou ver prisonniere du passe. La voix de Xaintrailles lui parvint comme du sommet d'une montagne.
— C'est l'ordre de la Toison d'Or. Et nul ne s'est trompe-sur l'origine de ce nom. Les gens de Bruges n'ont qu'une voix pour declarer que Philippe ne l'aurait pas choisi s'il n'avait porte au c?ur le regret d'une maitresse a l'incomparable chevelure. C'est un hommage, Catherine, ne vous y trompez pas, et, pour etre tellement public, tellement inoui, la plus criante des declarations d'amour. Certes, votre pouvoir est intact et la confiscation de vos biens ne signifie rien d'autre que le depit d'un homme frustre, le desir secret de vous voir revenir.
Toujours agenouillee aupres de la couchette, Catherine n'avait pas l'air d'entendre. Ses yeux brules de fievre etaient rives au visage d'Arnaud, cherchant desesperement a y saisir une denegation, un refus des paroles de son ami. Mais non, il ecoutait avec attention, suivant du regard le mouvement des levres du capitaine... Il n'avait meme pas un regard pour elle, pas meme quand Xaintrailles se tut et que Catherine, timidement, toucha sa main.
— Il faut... y aller ! dit-il seulement, c'est notre seule chance !...
Ecrasee de chagrin et de deception, Catherine posa sa joue inondee de larmes sur la grande main brulante.
— Arnaud..., supplia-t-elle, ne me demandez pas cela... Pas vous !
Les prunelles noires du jeune homme glisserent vers elle, l'envelopperent de leur feu fievreux. Il haletait et chaque parole semblait lui couter une souffrance terrible.
— Je vous le demande pourtant... parce que vous etes la seule... que Philippe ecoutera... et parce que Jehanne... a plus d'importance pour le royaume... que vous... ou moi !
Une revolte souleva Catherine. Elle oublia d'un seul coup le lieu ou elle se trouvait et jusqu'a la plus elementaire prudence.
— Mais je vous aime ! s'ecria-t-elle douloureusement, je vous aime a en mourir et vous voulez que je retourne aupres de Philippe ? Je sais que vous me meprisez, oh oui je le sais ! Mais je croyais que vous m'aimiez tout de meme un peu... un tout petit peu !