Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗
Philippe ne devina pas la somme de sacrifice et d'abnegation qu'enfermaient ces simples mots «je te reviendrai » mais ils le tinrent tout de meme muet un instant. Finalement, il murmura :
— Non... meme a ce prix, pourtant inestimable pour moi, je ne puis accepter. Cette fille a mis la Bourgogne en peril, je ne puis permettre qu'elle retrouve la liberte et continue a nous nuire.
— Promets au moins de ne pas la livrer a l'Anglais ?
— Impossible ! Dans le traite qui me lie a l'Angleterre, une clause stipule que les prisonniers pris en cette guerre lui seront remis afin qu'elle en dispose a son gre. Au surplus... elle est la prisonniere de Luxembourg, pas la mienne ! C'est a lui de decider.
— C'est ton dernier mot ?
— Le dernier ! Aucun autre n'est possible...
— Meme... a moi ?
— Meme a toi. Si tu etais a ma place, tu comprendrais...
Lentement, la jeune femme se detourna, se dirigea vers les tentures pourpres qui fermaient la tente. La partie, elle le comprenait bien, etait perdue irremediablement, pour une raison contre laquelle elle ne pouvait rien
! Philippe avait peur... une peur terrible et primitive de cette fille etrange, litteralement tombee du ciel pour arracher de l'orniere le royaume de France.
Et cette peur dominait tous les autres sentiments. Catherine savait qu'il etait inutile de lui demander le secret de l'entrevue qu'il avait eue avec la Pucelle parce qu'il aimerait mieux se couper la langue que le confier a qui que ce soit. Sans doute n'y avait-il pas eu le dessus. Mais, si la jeune femme comprenait la frayeur qui tenait le puissant duc de Bourgogne, cela n'empechait pas, en elle-meme, la colere et la deception de faire leur ?uvre destructrice. Un gout amer emplissait la bouche et elle avait besoin de le cracher.
Tendant la main pour ecarter les tentures de soie, elle se retourna, tres droite, si mince dans son vetement noir, au seuil du fragile palais. Les yeux froids, elle le toisa.
— Te comprendre ? Je suppose que, jadis, un homme qui se nommait Pilate a, lui aussi, demande qu'on le comprenne. Si tu ne rends pas Jehanne, je ne te pardonnerai jamais ! Adieu !
Elle partit, sans se retourner, sourde meme a ce qu'elle crut bien etre l'echo de son nom, prononce du fond de la tente. Cette fois, les ponts etaient bien coupes... jamais plus elle ne reverrait cet homme parce qu'il lui avait refuse la seule chose qui eut une reelle importance a ses yeux. Dehors, elle retrouva son cheval, son escorteur et aussi Saint-Remy qui accourait a nouveau.
— Alors, Catherine, vous nous revenez ?
Elle secoua la tete, tendit la main au brillant gentilhomme.
— Non, Jean... Pardonnez-moi. Je crois meme qu'il vous faudra oublier que vous m'avez jamais connu !
— Comment ? Monseigneur le Duc vous aurait refuse son pardon ? A qui ferez-vous croire une chose pareille ?
— A personne... car c'est moi qui n'en ai pas voulu ! Adieu, Jean... je ne vous oublierai pas. Vous avez toujours ete un ami si fidele...
Le visage long du jeune homme s'empourpra sous la poussee d'une emotion soudaine. Il serra tres fort les doigts minces entre les siens.
— Et je le resterai ! J'ignore ce qui vous separe de Monseigneur et je demeure son humble serviteur. Mais rien ni personne ne m'empechera de rester votre ami !
Catherine, emue, sentit ses yeux s'embuer. Brusquement, elle se haussa sur la pointe des pieds, posa un baiser rapide sur la joue du roi d'Armes.
— Merci ! Je m'en souviendrai. Maintenant, adieu... Adieu, Seigneur Toison d'Or...
Avant qu'il ait pu la retenir, elle avait saute en selle, sans l'aide de personne, et piquait des deux en direction du pont. La nuit etait completement venue maintenant mais de nombreuses torches eclairaient le camp et les fantastiques silhouettes de ses machines de guerre au repos. Sur les murs de la ville, des pots a feu flambaient, couronne dansante suspendue dans l'obscurite. Bientot Catherine et l'ecuyer eurent disparu aux yeux de Saint-Remy qui, tres vite, furtivement mais avec une sorte de rage, essuya ses yeux a sa manche somptueuse.
Passee la porte de la ville, Catherine trouva Xaintrailles qui l'attendait avec une troupe tout armee. Les garcons qui la composaient ouvrirent des yeux ronds sous leurs chapeaux de fer en constatant que le messager de tout a l'heure etait une femme comme l'attestaient les longs cheveux flottant sur son dos mais le capitaine leur imposa silence d'un geste sec. Saisissant le cheval au mors, il aida Catherine a descendre, nota sa rougeur.
— L'affaire a du etre chaude, marmotta-t-il. Vous avez l'air de sortir d'une dure bataille.
— Plus chaude encore que vous ne croyez. J'admets que vous aviez raison, messire Xaintrailles... mais j'ai echoue.
— Sans espoir ?
— Sans le moindre espoir. Il a peur...
Tenant toujours le cheval par la bride, Xaintrailles passa sa main libre sous le bras de Catherine et l'entraina. Ils marcherent un moment, en silence, puis le capitaine dit entre ses dents.
— J'aurais du m'en douter ! Pour rien au monde il ne nous la rendrait. Le
Te Deumque Bedford a fait chanter a Paris donne la mesure de la peur qu'ils ont eue, tous tant qu'ils sont ! Il faudra trouver autre chose...
Mais Catherine, constatant qu'il lui faisait tourner le dos a l'abbaye Saint-Corneille et se dirigeait plutot vers le vieux chateau de Charles V dont la masse triangulaire se decoupait dans la nuit, s'arreta net.
— Ou me conduisez-vous ? Je veux retourner aupres d'Arnaud...
— C'est inutile. Il est inconscient. Et vous ne pouvez demeurer dans un couvent de benedictins. Je vous ai fait preparer une chambre dans la maison d'une riche veuve ou votre servante vous attend deja. Demain matin vous pourrez venir aux nouvelles avant de repartir pour Bourges...
— Repartir pour Bourges ? Est-ce que vous etes fou ? Pourquoi croyez-vous que je suis venue jusqu'ici ? Pour le plaisir contestable de me brouiller a mort avec Philippe de Bourgogne ? Tant qu'Arnaud y sera, j'y serai et aucune force humaine ne pourra m'en arracher, vous m'entendez ? Ni vous, ni personne...
— C'est bon ! fit-il conciliant avec un demi-sourire, ne criez pas si fort, vous allez ameuter tout le quartier ! Vous resterez, puisque vous y tenez, mais promettez-moi de n'aller au couvent qu'avec moi, sous ma garde. Je n'ai aucune envie que vous y fassiez du scandale. Au surplus, le siege va se durcir et je n'ai pas trop de tous mes hommes. Vous donner une escorte m'eut gene. Allons, Catherine, cessez donc de me regarder avec cette mine furieuse. Vous n'avez pas encore compris, depuis le temps, que je suis votre allie ? Tenez, voici votre maison. Entrez et allez vous reposer, vous en avez le plus grand besoin.
— Mais... Arnaud ?
— Arnaud ne mourra pas cette nuit ! Le pere prieur qui le soigne commence a reprendre espoir. Il dit qu'il devrait etre mort depuis longtemps et que cette survie obstinee est bon signe. Il va essayer un nouveau traitement sur la nature duquel il reste muet comme une carpe...
Mal convaincue, Catherine enveloppa Xaintrailles d'un regard soupconneux mais l'Auvergnat roux semblait curieusement detendu, ce soir. Il n'avait plus entre ses epais sourcils la barre soucieuse qu'il avait trainee tout le long de la route. Docile, deja un peu rassuree, Catherine entra dans la maison dont il lui ouvrait la porte. Dans l'escalier, elle trouva Sara souriante.
— Viens, fit la tzingara, on t'a prepare un bon lit. Rien de comparable avec ces affreuses couchettes de moine ! La-dedans, tu dormiras bien...
Il est certain que, le lendemain, Arnaud sans etre encore vraiment mieux, avait perdu cet aspect cadaverique si terrifiant. Il etait toujours pale mais sa peau n'avait plus son reflet verdatre et ses mains avaient enfin cesse leur tragique va-et-vient. Il ecouta sans broncher le recit que lui fit Catherine de son entrevue avec Philippe de Bourgogne, indifferent en apparence, si lointain que la jeune femme se crut, une fois de plus, condamnee par lui.