Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗
— Je ne suis meme pas capable de savoir si je vous hais ou si je vous aime, Catherine, fit-il d'une voix rauque ou vibrait deja l'irritation. Que venez- vous me parler d'estime ?
Catherine le suivit des yeux un moment, tandis qu'il s'eloignait vers les appartements royaux. Sa demarche, si ferme habituellement, semblait s'etre etrangement alourdie, se faisait hesitante comme s'il s'eloignait a regret et ses larges epaules se courbaient curieusement... Decidee a tout pour lui plaire, Catherine se hata de rentrer chez elle, arracha plus qu'elle ne l'ota la robe compromettante tout en racontant l'incident a Sara.
— Je me doutais bien, fit celle-ci, que la rouquine etait trop polie pour etre honnete. Pour ce soir, tu te contenteras d'une robe de velours noir. C'est ce que nous possedons de plus somptueux pour le moment.
Une robe de bure suffirait et vaudrait encore mieux que ce plumage tapageur, s'ecria Catherine avec rage en jetant la robe loin d'elle. Tu feras rap porter tout cela a sa legitime proprietaire. Et tu te dispenseras de remercier...
Une fois prete, Catherine retourna au chateau. Comme elle regagnait le cercle des dames de la reine, celle-ci l'enveloppa d'un long regard appreciateur.
— Vous avez change de toilette, Madame de Brazey ? demanda-t-elle doucement.
— En effet, Madame, repondit Catherine plongee dans sa reverence, et je demande pardon a Votre Majeste d'avoir pris la liberte de m'eloigner un moment sans sa permission. Mais... je n'aimais pas la robe que je portais et l'ai fait rendre a sa proprietaire.
Pour toute reponse, Yolande tendit la main a la jeune femme puis, tres vite, elle ajouta :
— Moi non plus, je ne l'aimais pas. Merci d'avoir change ! Venez, maintenant, nous allons ouir le salut a l'eglise ou Jehanne se trouve deja.
Comme les dames se formaient en cortege pour escorter la reine jusqu'a la collegiale Saint-Ours, Catherine recut en plein visage le regard charge de colere de la dame de La Tremoille. Mais, si Arnaud etait content d'elle, il lui etait bien egal de s'etre fait une ennemie.
Le soir meme, un grand banquet avait lieu chez le roi. Toute la Cour y etait conviee, mais Catherine obtint la permission de demeurer chez elle. La reine Yolande ne devait faire qu'une breve apparition et n'encourageait guere ses dames a s'y montrer car c'etait, en fait, La Tremoille, organisateur ordinaire des plaisirs royaux, qui en avait regle l'ordonnancement. Sa qualite de nouvelle venue, et aussi le besoin ou elle etait de monter convenablement sa maison et sa garde-robe, dispensaient momentanement la jeune femme de suivre la vie de Cour. Mais la raison profonde qui lui avait fait dedaigner la fete c'etait-qu'Arnaud, pour un motif connu de lui seul, ne devait pas non plus s'y rendre. Quant a la Pucelle, elle avait pris logis, comme elle avait coutume de le faire, chez le notable de la ville dont la femme passait pour la plus vertueuse et, depuis le coucher du soleil, elle etait retiree chez elle. Sans doute Arnaud voulait-il imiter celle qu'il considerait maintenant comme son chef direct.
Mais, revenue dans sa maison, Catherine ne put retrouver le calme. Les bruits du chateau percaient la nuit. Les eclats de voix, le son des violes et les rires des femmes, tout le joyeux tintamarre d'une fete qui ne trouvait aucun echo dans le c?ur de la jeune femme. Elle etait restee un long moment a sa fenetre, regardant la lune se lever sur les toits vernis de Loches. La ville endormie offrait une image de calme et de paix qui contrastait avec les flots de lumiere ruisselant du logis royal. Sur la cite, tout etait tranquillite. Seul, le cri d'un oiseau nocturne s'elevait, parfois, des rives embrumees de l'Indre...
Le regard de Catherine tourna, chercha les tours qui gardaient la porte des Cordeliers. Quelque chose l'attirait irresistiblement de ce cote. La nuit etait si douce ! Jamais elle ne pourrait dormir... Elle n'ignorait pas les discussions apres qui s'etaient tenues au chateau entre Jehanne et Yolande, d'une part, le Roi, La Tremoille et le chancelier Regnault de Chartres, archeveque de Reims, d'autre part, au sujet du sacre de Charles. Jehanne et la reine voulaient que l'on courut droit sur la cite du sacre. L'entourage du roi alleguait le danger represente par les campagnes encore occupees qu'il faudrait traverser. Si Jehanne l'emportait, ce que Catherine souhaitait, Arnaud, une fois de plus, s'eloignerait. Dans ces conditions, pourquoi perdre le temps precieux ou elle l'avait encore a portee de la main ?
Sans meme appeler Sara qui s'etait endormie dans un coin de la chambre, epuisee par une journee entiere d'installation et de grand menage, elle alla tirer une cape sombre d'un coffre, s'en enveloppa et sortit. Tandis qu'elle s'engageait dans les ruelles menant a la porte Royale puis, de la, aux arteres de la cite marchande, Catherine ne cherchait meme pas a preparer ce qu'elle dirait une fois en presence d'Arnaud. A quoi bon chercher ? Son c?ur saurait bien, le moment venu, lui dicter les mots necessaires. Elle etait habitee tout entiere par le desir, presque douloureux, de l'avoir en face d'elle.
Les ruelles de Loches et, singulierement, la rampe qui joignait la porte Royale a celle des Cordeliers etaient rigoureusement desertes. On y entendait encore les echos du festin avec, en surimpression, le pas pesant des archers veillant aux murailles de l'enceinte royale. Catherine vola plus qu'elle ne descendit la rue en pente, aimantee par la maison a l'effigie de saint Crepin dont, dans la journee, elle avait appris longuement a reconnaitre le toit en fer de lance. Le logis du tanneur chez qui Arnaud habitait se blottissait dans l'ombre de l'epaisse tour quadrangulaire sous laquelle s'ouvrait la porte. Une faible lueur apparaissait sous l'arche ronde : la lanterne du corps de garde. Au-dela le murmure de l'eau courante indiquait la riviere.
Le quartier etait tres tranquille mais, de l'autre cote de la porte, sur le meme alignement et doublant le rempart, une auberge rougeoyait dans la nuit de tous ses feux. On paraissait y mener aussi joyeuse vie qu'au chateau et Catherine prit bien garde de ne point passer dans les flaques de lumiere que ses fenetres basses repandaient sur les paves inegaux. Elle se tapit dans l'ombre d'un contrefort de la tour, cherchant a deviner ce qui se passait derriere les fenetres closes de la maison d'Arnaud. Un peu de lumiere se montrait a l'etage et cette lumiere attirait la jeune femme, irresistiblement.
Lentement, elle s'approcha de la porte ou brillait un gros anneau de bronze qui servait de heurtoir. Mais, comme elle tendait la main pour le saisir, elle se rejeta aussitot en arriere, s'aplatit contre le mur... On parlait derriere cette porte qui, aussitot, s'ouvrit. Il y eut un froufrou de soie, puis, une voix de femme.
— Je reviendrai demain, ne te tourmente pas..., chuchota une voix feminine que Catherine crut bien reconnaitre.
Une autre voix, masculine celle-la, murmura quelque chose que la jeune femme ne comprit pas. Mais le reflet d'une chandelle eclaira la forme d'une femme grande et elegante dans une mante de soie couleur prune. La curiosite chez Catherine fut plus forte que la prudence. Avancant la tete avec precaution, elle put apercevoir le visage de la femme. Un masque de meme couleur que sa mante le couvrait a demi mais le capuchon, glissant un peu en arriere, avait decouvert une partie des cheveux roux de la visiteuse. Et ses levres rouges, au dessin sensuel, que le masque laissait a decouvert, etaient bien celles de Catherine de La Tremoille.
Retenant une exclamation de colere et de depit, Catherine se rejeta en arriere, comprimant sous sa main les battements desordonnes de son c?ur.
Une douleur aigue, insupportable, la traversait, si cruellement que jamais elle n'en avait connu de semblable. Pour la premiere fois elle decouvrait en elle cette amere jalousie qui lui donnait envie de hurler et de mordre, tout en meme temps !