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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта (книги полные версии бесплатно без регистрации TXT) 📗

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Il sortit avec son fardeau, jetant au Flamand un regard plein de reconnaissance, et ne prit pas la peine de refermer la porte. Aussitot qu'il eut disparu Tristan se pencha vers Catherine.

— Vite, nous n'avons pas beaucoup de temps. Je venais parler avec Sara comme je le fais presque chaque soir par le soupirail quand j'ai vu cet homme, l'un des valets de la dame de La Tremoille, qui se glissait dans la prison. J'ai senti, d'instinct, ce qui allait se passer. Je l'ai suivi. Cette livree est un sauf-conduit... Et puis, je vous ai entendue crier et j'ai couru...

— Venez-vous me chercher ?

Il hocha la tete tristement, navre de voir que des larmes emplissaient les grands yeux de la jeune femme.

— Pas encore. Je ne peux pas. D'ici une heure, le Grand Chambellan va descendre jusqu'ici pour vous voir.

— Comment le savez-vous ?

— Je l'ai entendu ordonner a l'une des muettes de mettre dans un sac, apres minuit, un poulet et un flacon de vin. Apparemment, il garde encore des menagements avec vous. Il faut savoir ce qu'il vous veut. Je ne pense pas qu'il ait des intentions charnelles dans un pareil trou. Et puis, il est malade... certainement incapable du moindre exploit.

— De toute facon, je ne le laisserai pas faire. Ma dague a frappe une fois, elle peut frapper encore.

— Ne brusquez rien. Il ne faut pas vous laisser emporter comme vous l'avez fait tout a l'heure dans la salle des tortures, vous pourriez perdre tout le monde.

Maintenant je m'en vais. Messire de Breze m'attend dans le verger.

Il se relevait pret a partir. Catherine le retint par le bras.

— Quand vous reverrai-je ?

— La nuit prochaine peut-etre... Avant, si c'est necessaire. N'ayez pas trop peur. Nous veillons et je crois bien que, pour vous, Breze est pret a egorger La Tremoille aux pieds memes du Roi. Courage !

Aycelin, d'ailleurs, revenait. Tristan l'attendait pres de la porte, le dos tourne a Catherine qui, soudain, sursauta.

— Messire ? Tout ce sang qui me couvre... Comment expliquer ?

— Tu diras ce qui s'est passe et aussi qu'Aycelin t'a sauvee et a tue l'assassin. Il y gagnera de l'avancement et toi tu n'as rien a perdre a ce mensonge.

Le tourmenteur eut un large sourire.

— Vous etes bien bon, messire. Si je peux quelque chose pour vous...

— On verra ca plus tard. Referme cette porte et fais bonne garde.

Sans un regard a Catherine, Tristan sortit du cachot. La lourde porte se referma. L'obscurite envahit de nouveau la prison, mais les nerfs de la jeune femme avaient ete trop rudement secoues. Elle eclata en sanglots. Cela lui fit du bien. Elle pleura longtemps, violemment, et sortit de la epuisee mais apaisee... Dans le cachot voisin, on n'entendait aucun bruit. Sara devait avoir eu aussi peur qu'elle-meme, mais Tristan sans doute l'avait rassuree... Catherine s'efforca de retrouver son calme. Il le fallait, elle en avait le plus grand besoin pour affronter La Tremoille tout a l'heure... bientot sans doute.

Comme pour lui donner raison, un peu de lumiere brilla sous la porte.

Des pas qui ne songeaient pas a se dissimuler resonnerent dans le couloir. Les verrous claquerent dans leurs gaches, la porte s'ouvrit, immediatement obstruee par l'enorme silhouette du Grand Chambellan. Aycelin venait derriere, tenant une lanterne qu'il elevait.

Le profil barbu de La Tremoille s'etira jusqu'a la voute du cachot.

Mais le gros homme s'arreta court devant le visage defait de Catherine et les traces de sang.

— Qu'y a-t-il ? Es-tu blessee ? Que s'est-il passe ? J'avais pourtant ordonne...

Aycelin, deja epouvante, rentrait autant qu'il pouvait sa tete dans ses epaules. Catherine vint a son secours aussitot.

— On a tente de m'assassiner, Monseigneur. Cet homme m'a entendue crier... il m'a sauvee.

— Il a bien fait. Tiens... attrape ! Et laisse-nous.

Du bout des doigts, il lanca au geolier une piece d'or que l'autre attrapa avec l'adresse d'un chat avant de se retirer avec force courbettes et actions de grace. La Tremoille regarda autour de lui, cherchant ou s'asseoir, mais il n'y avait rien, et il prit le parti de rester debout. Mais il tira de sous sa houppelande un sac et le tendit a la prisonniere.

— Tiens ! Tu dois avoir faim. Mange et bois. Apres, nous causerons. Mais fais vite.

Catherine mourait de faim. Elle n'avait rien mange depuis l'avant-veille et ne se le fit pas dire deux fois. Elle devora le pain et la volaille que contenait le sac, but le vin et adressa au gros chambellan un regard brillant de gratitude.

— Merci, seigneur, vous etes bon.

Un espoir fou remontait dans son c?ur. C'etait la premiere fois qu'elle etait seule avec lui, sans risque. Est-ce que le temps etait venu de mettre son plan a execution ? La Tremoille eut un sourire qui plissa son visage en mille petits bourrelets graisseux. Sa main epaisse se posa sur la tete de Catherine, et il murmura d'une voix pateline :

— Tu vois bien que, moi, je ne te veux aucun mal, petite. Tu n'es guere coupable dans tout ceci. Ce n'est pas de ton plein gre, n'est-ce pas, que tu es partie de chez moi ?

— Non. Une jeune fille est venue me chercher, fit Catherine jouant la naivete, une belle jeune fille blonde.

— Violaine de Champchevrier, je ne la connais que trop ! Elle est la confidente de ma femme, mais, toi, je pense que tu es mon amie, a moi. Souviens-toi, j'ai toujours ete bon pour toi, n'est-ce pas ?

— Tres bon, seigneur, tres secourable.

— Alors, c'est le moment de t'en souvenir. Qu'est- ce que le flacon que tu as brise, ce tantot, et dont tu as jete les debris au visage de la comtesse ?

Catherine baissa la tete comme si elle luttait contre elle-meme et ne repondit pas tout de suite. La Tremoille s'impatienta.

— Allons, parle ! Tu n'as aucun interet a te taire, bien au contraire.

Elle releva la tete, le regarda bien en face avec un grand air de franchise.

— Vous avez raison. Vous ne m'avez jamais fait de mal, vous. Ce flacon... il contenait un philtre d'amour que la dame m'avait demande.

Un pli cruel marqua les grosses levres de La Tremoille tandis que ses yeux semblaient se retrecir.

— Un philtre d'amour, he ? Sais-tu pour qui ?

Cette fois, Catherine n'hesita pas. Il n'etait pas question de faire courir le moindre danger au jeune comte du Maine. Elle secoua energiquement la tete.

— Non, seigneur, je ne sais pas.

Le front du Grand Chambellan s'etait rembruni. Il jouait nerveusement avec les pans de la large ceinture doree qu'il portait, et, un moment, il garda le silence.

— Un philtre d'amour, murmura-t-il enfin. Pour quoi faire ? Ma femme ne cherche pas l'amour, elle ne cherche que le plaisir...

Catherine prit une profonde respiration et noua ensemble ses mains enchainees, les serrant tres fort pour lutter contre l'emotion qui s'emparait d'elle. Le moment etait venu de jouer le tout pour le tout, de dire les mots qu'elle etait venue dire a cet homme depuis Angers pour le decider a quitter son repaire trop sur.

— C'est un breuvage tres puissant, monseigneur. Il rend celui qui le boit aussi faible qu'un enfant entre les mains de celui qui le fait boire. Et la dame le voulait pour arracher a un homme un grand secret... le secret d'un tresor.

Si prevenue qu'elle fut, elle demeura stupefaite de l'effet magique du mot. Le gras visage s'empourpra tandis que les yeux du Chambellan lancaient des eclairs. Il saisit Catherine a l'epaule, la secoua brutalement.

— Un tresor ? Que sais-tu de tout cela ? Parle, mais parle donc !

Quel secret, quel tresor ?

Elle joua la terreur a la perfection, se recroquevilla sur elle-meme en jetant sur le gros homme des regards apeures.

— Je ne suis qu'une pauvre fille, seigneur, comment saurais-je de pareils secrets ? Mais j'ecoute et je comprends bien des choses. Dans mon lointain pays d'Orient, on parle encore de moines-soldats venus jadis pour defendre le tombeau du Sauveur et qui sont repartis avec de grandes richesses. Quand ils sont revenus au pays des Francs, le Roi d'alors les a tous extermines...

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