Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗
— Vous avez demande a me parler, dit-il. Me voici, parlez !
— Tres Reverend Pere, fit Catherine sans quitter sa posture de suppliante, je vous dois la vie. Hier, vous avez permis que les portes de cet asile s'ouvrissent devant deux femmes traquees, poursuivies. C'est cette protection que je veux vous demander de me continuer, au nom de votre cousine.
Un sourire sceptique etira les levres minces de Jean de Blaisy. Il ne pouvait se defendre de trouver outrecuidante cette paysanne en haillons qui se reclamait de l'une des plus hautes dames de la province, encore qu'elle le fit en termes choisis et que sa distinction fut indeniable.
— Vous connaissez Madame de Chateauvillain ? Vous m'etonnez...
— Elle est mon amie... ma meilleure amie. Reverend Pere, vous ne m'avez demande ni mon nom ni d'ou je viens. Je vous dois ces deux marques de confiance. Je m'appelle Catherine de Brazey, j'etais dame de parage de feu la duchesse Marguerite. C'est la que j'ai connu Ermengarde. Et si vous me voyez ainsi, fugitive, en haillons, c'est parce que je fuis l'affreuse prison ou mon mari m'avait jetee... dans le donjon de votre chateau de Malain...
L'abbe fronca les sourcils. Se penchant, il releva Catherine, puis, s'apercevant que quelques femmes du village, venues entendre la messe, regardaient de ce cote avec curiosite, il l'entraina vers la sacristie.
— Venez par ici. Nous serons mieux pour parler.
Dans l'etroite piece qui sentait l'encens, l'huile sainte et le linge amidonne, il la fit asseoir sur un tabouret, prit place dans un banc a haut dossier apres avoir renvoye d'un geste les moinillons qui s'activaient a ranger les ornements.
— Racontez-moi votre histoire. Et d'abord, pourquoi avez-vous ete enfermee a Malain ?
Lentement, en pesant bien ses mots pour ne pas risquer d'etre prise pour une folle, Catherine raconta son aventure. L'abbe, le menton appuye sur la paume de sa main, l'ecouta jusqu'au bout sans l'interrompre. L'histoire etait fantastique, mais la femme qui parlait avait, dans ses yeux violets, une flamme de sincerite qui ne trompait pas.
— Je ne sais plus que faire, dit enfin Catherine lorsqu'elle eut termine son recit. Je dois a mon mari de le suivre et de lui obeir. Mais revenir chez lui c'est aller a la mort. Il me renfermera dans une geole plus profonde, plus terrible encore, dont je ne pourrai sortir. Le duc seul...
L'abbe posa vivement sa main seche sur celle de Catherine et l'interrompit:
— N'ajoutez rien, ma fille. Vous devez bien comprendre que vos relations adulteres avec le duc ne sauraient trouver secours aupres de moi. Je reconnais que votre cas est difficile a trancher pour un pretre. Votre epoux a tous droits sur vous et, s'il vous reclame, je n'ai pas celui de vous refuser.
Mais, d'autre part, vous etes en danger de mort et vous avez reclame l'asile...
Il s'etait leve, arpentait lentement les dalles blanches de la sacristie.
Catherine suivait avec angoisse cette promenade monotone.
— Ne me livrez pas, mon Pere, je vous en supplie ! Si vous avez quelque pitie pour une femme malheureuse, ne laissez pas Garin me reprendre !
Songez que je porte un enfant, qu'il veut tuer cet enfant.
— Je sais !... Ecoutez, je ne puis prendre de decision en quelques minutes. Il me faut reflechir, examiner dans le calme ce qu'il convient de faire pour regler ce difficile probleme. Je vous ferai savoir ce que j'ai decide.
En attendant, demeurez ici, en paix. Je ferai donner des ordres pour que vous et votre suivante soyez separees des malades de notre maison Dieu et installees dans une chambre convenable...
— Mon Pere... commenca Catherine aussi peu rassuree que possible.
Mais il l'arreta d'un geste, traca sur sa tete un signe de croix qui l'obligea a se courber.
— Allez en paix, ma fille ! Vous etes dans la main de Dieu. Cette main ne se peut tromper.
Il n'etait pas possible de poursuivre l'entretien. Catherine n'insista pas mais, en rejoignant Sara, elle etait plus angoissee qu'elle ne voulait le laisser paraitre. Si l'abbe decidait qu'il lui fallait suivre son mari, rien, elle en avait l'absolue certitude, ne pourrait la sauver d'un sort pire que la mort. Or, un pretre pouvait-il separer ce que Dieu avait uni ? Pouvait-il sous le pretexte de l'asile refuser a un epoux de reprendre sa femme legitime ? De plus, Catherine n'etait pas bien sure qu'il eut accorde pleine creance a son recit. Il ne la connaissait pas, ne pouvait savoir si elle n'etait pas l'une de ces femmes perverties dont la vie dissolue est la honte des familles et les oblige parfois a prendre de severes mesures. Elle regretta de ne pas l'avoir supplie d'ecrire a Ermengarde pour lui demander une garantie...
Mais sans doute Jean de Blaisy cachait-il derriere ses traits austeres plus de finesse que Catherine ne le supposait, car le lendemain soir la grande porte de l'abbaye s'ouvrit a l'appel d'une sonnerie de trompettes. Une cavalcade s'engouffra dans la premiere cour en soulevant un nuage de poussiere. En tete, sur un immense cheval blanc d'ecume, agitant au bout de sa main gantee un fouet a manche d'or, galopait une grande femme vetue de rouge et de noir qui faillit se rompre le cou en sautant a bas de sa monture.
Ermengarde de Chateauvillain en personne !
Avec des cris de joie, la bouillante comtesse se jeta dans les bras de Catherine qui l'avait reconnue et accourait. Elle riait et sanglotait tout a la fois, tellement emue que, dans son desarroi, elle embrassa Sara aussi vigoureusement que Catherine elle-meme. Puis, revenant a son amie :
— Petite miserable ! s'ecria-t-elle. Ou diable etiez-vous passee ? Je me suis ronge les sangs pendant des jours et des jours. Mordiable !...
— Je vous serais tres reconnaissant de ne pas jurer comme un capitaine de routier quand vous franchissez le seuil de mon monastere, Ermengarde, coupa derriere elle la voix paisible et distinguee de l'abbe de Blaisy qui arrivait a son tour, prevenu de l'entree tumultueuse de sa cousine. Je ne pensais pas, en vous envoyant ce message, que vous nous feriez l'honneur d'une visite particuliere. Vous m'en voyez ravi cependant...
La majeste du prieur ne devait pas impressionner beaucoup Ermengarde car elle lui rit au nez sans ceremonie.
— Vous n'avez pas honte de mentir de la sorte, Jean ? Vous, un moine ?
Vous n'etes pas ravi du tout de me voir. Je fais trop de bruit, je tiens trop de place et je perturbe toujours votre vie tranquille. Mais le cas etait grave et, autant vous le dire tout de suite, vous allez encore etre perturbe !
— Parce que ? fit l'abbe avec un haut-le-corps.
Parce qu'avant de rendre cette pauvre enfant a sa brute d'epoux, il vous faudra me passer sur le corps, mon ami, acheva tranquillement Ermengarde en otant ses gants de cheval et en tirant de son aumoniere un immense mouchoir de soie brodee dont elle s'epongea le visage avec energie.
Maintenant, faites- nous donc servir a diner car je meurs de faim, moi ! Et j'ai a parler avec Catherine.
Ainsi mis en demeure par sa terrible cousine, Jean de Blaisy se retira en soupirant. Il allait franchir la porte cintree qui menait de la grand-cour a son logis, quand Ermengarde le rappela.
— N'oubliez pas, cousin, si Garin de Brazey se presente a votre porte, vous fermez cette porte et vous refusez de le laisser entrer.
— Je n'en ai pas le droit, je le crains !
— Vous le prendrez ! Vous ferez ce que vous voudrez, vous armerez s'il le faut vos benedictins et nous soutiendrons un siege en regle si besoin est, mais retenez bien ces deux choses : d'abord le droit d'asile est inviolable, pour qui que ce soit. Meme le roi ne saurait passer outre. Ensuite... la meilleure maniere de vous faire un mortel ennemi de Philippe de Bourgogne sera de remettre Madame de Brazey a son aimable epoux.
— Ermengarde, vous etes insupportable ! fit aigrement l'abbe en haussant les epaules. Soutenir un siege ! Comme vous y allez !