Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗
— Tais-toi ! Ils ne sont pas loin, chuchota-t-elle. Ici, je ne pense pas que Paquerette osera les conduire. Elle risquerait trop gros...
Les yeux dilates de Catherine contemplaient l'ignoble dieu du mal comme elle eut regarde un fantome. Jamais encore elle n'avait vu chose semblable et elle n'etait pas loin de craindre l'asile decouvert par Sara autant que ses poursuivants.
— Qu'est-ce que cela ? fit-elle en dirigeant vers l'idole un doigt tremblant.
— Satan ! fit Sara brutalement. Et cette caverne est le lieu ou se rassemblent les sorciers de Malain. L'autre nuit, j'ai suivi notre amie Paquerette jusqu'ici. Mais, tais-toi... j'entends des voix, ils ne sont pas loin.
En effet, les soldats approchaient mais dans leur position, au centre d'un amas rocheux, les deux fugitives ne pouvaient pas determiner avec certitude l'endroit ou ils se trouvaient. Ils semblaient tres pres puis tout a coup plus eloignes. Serrees l'une contre l'autre, Sara et Catherine retenaient leur souffle. Les battements desordonnes de son c?ur emplissaient les oreilles de la jeune femme d'un bruit d'orage.
— S'il me reprend, je me tuerai, Sara... je jure que je me tuerai, murmura-t-elle avec un desespoir si farouche que Sara lui serra le bras pour la calmer.
La bohemienne devinait la terrible tension eprouvee par son amie. S'il fallait encore longtemps guetter ces bruits du dehors, Catherine etait capable de se mettre a hurler comme un animal accule dans un trou. Mais Sara, malgre tout son empire sur elle- meme, fut a deux doigts d'en faire autant en voyant une forme noire sortir de derriere la statue de bois.
— Ne restez pas la, dit calmement l'homme qui venait d'apparaitre et dont on ne pouvait distinguer le visage dans cette ombre. Venez avec moi...
Les deux femmes etaient trop terrifiees pour pouvoir articuler un seul mot. Quand l'homme s'approcha d'elle et qu'elle put mieux le voir, Sara eut un mouvement de recul instinctif parce qu'elle venait de reconnaitre la barbe blanche et le nez busque de Gervais, le chef des sorciers. Il dut sentir l'effet qu'il produisait, car il hocha la tete, saisit avec une irresistible autorite la main de la gitane.
N'ayez donc pas peur ! Suivez-moi en confiance. Gervais n'a jamais livre quiconque se refugiait sous son toit.
— C'est possible, fit Sara froidement, recuperant d'un coup tout son aplomb. Mais, pour m'en convaincre mieux, dites-moi ce que vous avez fait des cheveux que Paquerette vous a confies l'autre nuit... ceux que vous avez caches sous votre robe.
— Mon neveu les a emportes a Dijon. Ils ont ete remis au seigneur de Brazey comme preuve que sa femme etait bien cachee au village, fit-il calmement.
— Et vous osez me le dire ? s'indigna Sara. Et vous croyez que je vais vous suivre maintenant, vous confier mon sort et celui de ma maitresse ?
— Vous n'avez pas le choix ! Et d'ailleurs, les choses sont differentes.
Libre a Paquerette de trahir les lois sacrees de l'hospitalite, de livrer l'hote venu sous son toit chercher refuge. Elle est venue me demander secours contre une ennemie, je lui ai accorde ce secours. Aujourd'hui, c'est vous qui prenez asile dans ma demeure. Car c'est ici que j'habite. Vous m'etes sacrees et je vous sauverai si je le puis. Venez-vous ? La haine de Paquerette est si forte qu'elle ira peut-etre jusqu'a conduire les soldats dans cette salle.
Catherine avait ecoute sans comprendre la courte conversation de Sara et du vieillard. Mais comme elle voyait Sara hesiter encore, elle s'ecria :
— Il faut le suivre ! Rien ne peut etre pire que ce qui nous attend si nous sommes reprises.
— Et s'il te livre ?
Le regard de Catherine croisa celui de Gervais. Ce qu'elle y lut dut la satisfaire car elle affirma :
— Il ne me livrera pas. Je crois en lui. Ma vie ni ma mort n'importent a un homme de cet age qui a choisi de vivre ici, au c?ur de la nature.
— Je te remercie, jeune femme ! Tu as raison, fit gravement Gervais.
Il guida les deux femmes derriere la statue ou un passage s'ouvrait, un long boyau etroit qui communiquait avec une autre salle ou il avait, de toute evidence, son logis. Un logis bien etrange et meuble plus que sommairement d'une paillasse et de quelques escabeaux autour d'une table ou s'entassaient des objets heteroclites. De gros livres poussiereux occupaient un coin, aupres d'un fourneau allume. Une bizarre odeur de soufre et de fumee emplissait cet antre eclaire par des trous dans le rocher et par le feu flambant dans le fourneau. Gervais fit asseoir ses visiteuses puis versa dans deux ecuelles des portions d'une soupe epaisse qui cuisait dans une marmite sur le fourneau.
— Mangez, dit-il. Ensuite vous vous reposerez jusqu'a la nuit. Quand l'obscurite reviendra, je vous conduirai par un chemin connu de moi assez loin de Malain pour que les archers ne vous retrouvent pas.
Catherine, au passage, saisit la main qui lui offrait la nourriture et la serra un instant dans les siennes.
— Comment pourrais-je vous remercier de ce que vous faites ?
Un mince sourire eclaira le visage severe du vieillard.
— En venant eteindre mon bucher le jour ou il plaira au prevot ducal de me faire griller. Mais j'ai bon espoir de finir ma vie ici, au sein de la terre mere... Mange, petite, et dors ensuite. Tu en as grand besoin.
Catherine etait si lasse qu'elle ne demandait pas autre chose. Sa soupe expediee, elle s'etendit sur la paille et s'endormit aussitot. Gervais se tourna vers Sara.
— Et toi ? Ne feras-tu pas comme elle ? As-tu moins de confiance ?
J'ai autant de confiance, fit Sara tranquille ment, mais je n'ai pas sommeil.
Causons, si tu n'as rien de mieux a faire.
Quand la nuit fut tombee et que la lune monta dans le ciel, .Gervais reveilla Catherine, lui donna une nouvelle portion de soupe, tandis que lui-meme et Sara mangeaient a leur tour. Puis, s'enveloppant d'une cape noire, il saisit un baton, jeta des cendres sur son feu.
— Venez, maintenant. Le moment est venu.
Bien longtemps Catherine devait se souvenir de cette marche nocturne a travers la vieille foret. La peur l'avait quittee. Tout etait si calme autour d'elle ! A travers les branches, elle pouvait voir la lune qui fuyait de nuage en nuage, deversant sa lumiere bleutee sur toutes choses. La paix des bois etait profonde et les hauts futs des arbres formaient comme les colonnes de quelque cathedrale mysterieuse au fond de laquelle eclatait le cri d'une bete en chasse ou le vol rapide d'un oiseau. La hache du bucheron n'avait pas encore taille dans la vieille sylve primitive qui avait garde toute sa splendeur sauvage et vierge. Des chenes enormes, de noirs sapins dont les jupes piquantes trainaient jusqu'a terre s'y entremelaient avec des ressauts rocheux habilles de ronces et de mousse. Parfois, la chanson d'une source se faisait entendre, mais le vivant silence etait si merveilleusement apaisant que Catherine retenait sa respiration pour ne pas le troubler. Elle marchait derriere Gervais qui allait lentement, au pas lourd et mesure des paysans economes de leur souffle. Derriere elle, Sara fermait la marche et la jeune femme ne se posait meme pas de questions. Ou Gervais les conduisait- il ?
Qu'allait-elle devenir? Autant de choses qui n'avaient, pour le moment, aucune importance. L'important, c'etait d'etre libre, de se sentir en surete. Et Catherine eut marche des heures et des heures ainsi, derriere le grand vieillard. Gervais avancait sans jamais hesiter, droit devant lui, a travers la foret sans meme se soucier des sentiers. Il semblait connaitre chaque pierre, chaque arbre et marchait hardiment. De temps en temps un chevreuil, un daim ou un sanglier croisaient la route des trois voyageurs. L'animal sauvage s'arretait parfois, comme s'il reconnaissait le vieillard. Il etait, parmi les habitants de la foret, comme un pasteur au milieu de ses troupeaux.
Dans toutes les fibres de sa chair, Catherine sentait le prochain printemps gonfler la terre d'une vie nouvelle, avec une acuite qui venait peut-etre du fait qu'elle-meme attendait un enfant. Le renouveau se dessinait dans l'odeur puissante de la glebe mouillee, dans l'eclatement encore timide des bourgeons sur la rudesse noire des branches, dans le cri plus rauque des betes appelees par l'amour.