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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно без TXT) 📗

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— Garin travaillera toute la nuit avec Nicolas Rolin. Il ne s'inquietera pas de toi. Et puisque tu es venue a moi, je te garde...

Il la lachait, la conduisait vers la petite porte aupres de la cheminee.

Plus morte que vive, Catherine cherchait desesperement un biais pour s'echapper.

— L'on m'avait dit que vous aviez peu de temps...

— Pour toi, j'ai tout le temps !... Va vite !... Sinon je pourrais croire qu'en venant ici tu avais en vue tout autre chose que le souci de mon honneur... et que le chevalier t'est plus cher que tu ne veux bien l'avouer.

La jeune femme se sentit frissonner. Elle etait prise au piege. Le moment qu'elle avait redoute depuis ses fiancailles etait venu et dans les pires circonstances. Alors qu'elle eut tant aime demeurer seule, enfermee chez elle, pour retrouver un peu de calme et pleurer tout a son aise la terrible scene du pavillon bleu, il lui fallait se donner a un homme qu'elle n'aimait pas, qu'elle detestait meme. La vie aventuree d'Arnaud lui en faisait un devoir. 11 fallait payer sa liberte au prix le plus eleve et elle comprenait maintenant pourquoi Philippe refusait de delivrer ses prisonniers avant le matin. Il voulait cette nuit en gage.

Le duc referma la petite porte et elle se trouva dans un reduit sans fenetre qu'eclairaient deux bouquets de bougies dans des candelabres d'or. Sur une sorte de dressoir bas etaient disposes des flacons de parfum, des boites d'onguents, le tout en or emaille de vives couleurs-Un grand miroir carre tronait au milieu, refletant la douce lumiere des chandelles et la petite piece, toute tendue de velours pourpre, avait l'air d'un ecrin. Sur un tabouret couvert de meme tissu, attendait une robe faite de voiles azures assortie a de petites pantoufles de satin de meme couleur posees devant.

Catherine embrassa tout cela d'un regard morne et soupira. Il n'y avait a cette piece d'autre acces que la porte par laquelle elle etait entree et puis, si meme il y en avait eu, cela n'aurait guere change les choses. A quoi bon ? Puisque c'etait la son destin, il etait inutile de tenter d'echapper. Tot ou tard, Philippe aurait le dernier mot. D'un geste las, elle ota le tambourin de velours de sa tete, le lanca dans un coin, bientot suivi de la resille. Quand ses cheveux tomberent sur son dos, elle se mordit les levres pour ne pas pleurer. Il y avait si peu d'heures qu'Arnaud avait fait le meme geste, avec quelle tendre impatience. De toutes ses forces, Catherine essaya de rejeter loin d'elle ce souvenir trop precis et trop proche. Elle se mit a se devetir avec une colere hative. La robe chut a ses pieds, puis la fine chemise de dessous. Nerveuse elle saisit la robe de voile, la fit passer par-dessus sa tete, ota ses bas, ses escarpins de velours et glissa ses pieds nus dans les petites pantoufles. Le regard indifferent qu'elle jeta au miroir lui revela que la toilette de nuit enveloppait son corps d'une brume assez epaisse qui en laissait entrevoir les contours, mais masquait les details trop precis. Puis, rejetant ses cheveux en arriere d'un mouvement de tete ou entrait du defi, elle avala sa salive et se dirigea resolument vers la porte qu'elle ouvrit.

Or, quand elle entra dans la chambre de Philippe, cette chambre etait vide.

Le premier mouvement de Catherine en se voyant seule dans la chambre fut de courir a la porte par laquelle elle etait entree. Mais, sous sa main, la porte resista. Elle etait fermee a clef. Avec un soupir resigne, la jeune femme revint vers la cheminee. Malgre le feu flambant, elle frissonnait un peu dans le vetement trop leger. La chaleur brulante l'enveloppa bientot tout entiere, lui communiquant une sorte de reconfort. Au bout de cinq minutes, elle se sentait mieux, plus vaillante pour subir ce qui l'attendait. Philippe avait du s'absenter mais, sans doute, ne tarde- rait-il pas a revenir.

Comme pour lui donner raison, une clef tourna dans la serrure. La porte en s'ouvrant fit entendre un petit grincement. Catherine serra les dents, se retourna... et se trouva en face d'une chambriere en bonnet et tablier de lin blanc qui lui faisait la reverence.

— Je viens faire la couverture, dit la nouvelle venue en designant le lit.

Catherine, des lors, se desinteressa d'elle jusqu'a ce que la jeune fille reprit la parole :

— Monseigneur le Duc prie Madame de bien vouloir souper et se coucher sans l'attendre. Monseigneur sera probablement retenu et implore le pardon de Madame... Je vais apporter le souper dans l'instant.

Debout sur la derniere marche du lit, la chambriere tenait le coin des draps rabattu comme pour engager Catherine a s'y glisser. Celle-ci accepta l'invitation muette. Elle ota ses pantoufles et se coucha. Cette journee l'avait epuisee et, puisque le fameux souper des echevins lui accordait un repit, autant en profiter pour se reposer. La nuit etait tout a fait venue au-dehors et le vent se levait. On l'entendait gemir dans la cheminee ou les flammes, par instant, se couchaient.

Confortablement calee dans les multiples oreillers de soie, Catherine se trouva bien. Au fond, la chambre de Philippe lui procurait cette solitude tant desiree qui eut ete impossible dans l'espace reduit des deux pieces partagees avec Ermengarde et les trois autres filles. En pensant a son amie, la jeune femme sourit. Dieu sait ce que la grosse comtesse allait imaginer ? Peut- etre que Catherine s'etait fait enlever par Arnaud et galopait maintenant vers Guise en croupe du chevalier

? Cette image evoquee faillit bien balayer d'un seul coup tout le courage si peniblement accumule depuis quelques heures. Il ne fallait surtout pas penser a Arnaud si elle voulait garder la tete froide. Plus tard, oui, quand l'epreuve qui se preparait serait passee. Elle aurait alors tout le temps d'examiner ce qu'il y avait a faire.

Quand la jeune cameriste revint avec le plateau du souper, Catherine fit honneur a ce qu'on lui servait. Elle n'avait rien mange depuis la veille. En quittant son logis, a la fin de la matinee, elle avait ete incapable de prendre quoi que ce fut, malgre les objurgations d'Ermengarde. Cela ne passait pas. Maintenant son corps jeune et sain reclamait. Elle avala un bol de bouillon aux ?ufs, la moitie d'un poulet roti, une tranche de pate de lievre et quelques prunes confites, le tout arrose d'un gobelet de vin de Sancerre. Puis, repoussant le plateau dont la chambriere, reapparue, la debarrassa, elle se laissa aller de nouveau dans ses oreillers. Elle se sentait mieux. Comme la jeune fille demandait respectueusement si elle desirait encore quelque chose, Catherine s'inquieta de savoir ou etait le duc. On lui repondit qu'il venait tout juste d'entrer dans la salle des banquets et que le festin etait en son debut.

— Alors, fermez les rideaux et laissez-moi, dit la jeune femme, je n'ai besoin de rien.

La chambriere tira les rideaux du lit, salua a nouveau et se retira sur la pointe des pieds. Au fond de son lit, Catherine tenta de faire le point de sa situation actuelle et aussi de preparer son attitude, tout a l'heure, quand le duc reviendrait et qu'il exigerait le paiement de ce qu'il semblait considerer comme une creance. Mais la fatigue et la legere lourdeur nee de la digestion s'unissant a la douce chaleur et au confort du lit, Catherine ne tarda pas a s'endormir d'un profond sommeil.

Quand elle rouvrit les yeux, elle constata avec stupeur que les rideaux du lit etaient ouverts, qu'il faisait grand jour et que, si Philippe etait bien dans la chambre, il n'etait pas a cote d'elle. Debout aupres d'une fenetre, vetu de la meme robe de chambre que la veille, il ecrivait sur un grand lutrin de fer forge charge de plusieurs rouleaux de parchemin. Le grincement de la longue plume d'oie et le chant lointain d'un coq emplissaient seuls le silence de la piece. Au mouvement que fit Catherine en s'asseyant dans le lit, il tourna la tete vers elle et lui sourit :

— Vous avez bien dormi ?

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