Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно без TXT) 📗
La fraicheur lui fit du bien. Peu a peu les vertus calmantes de l'oranger agirent sur sa peau. Son cerveau fonctionna mieux et la douleur, lentement, fit place a une nouvelle ardeur combative. Lorsqu'elle releva sa figure ruisselante pour l'enfouir a nouveau dans une serviette de soie abandonnee la par Xaintrailles, elle avait pris la determination de continuer a se battre. La meilleure facon de prouver a Arnaud qu'elle n'etait pour rien dans le guet-apens tendu par Luxembourg n'etait-elle pas de le tirer de prison au plus tot ? Or, pour cela, il n'y avait qu'un seul moyen, une seule puissance : le duc Philippe.
Afin de laisser a son visage le temps de reprendre son aspect normal, Catherine s'obligea a s'etendre un moment sur le lit, la serviette mouillee sur les yeux. Puis elle se recoiffa, refit soigneusement ses nattes, rajusta son hennin. Regardant autour d'elle, elle chercha son collier d'amethystes si dedaigneusement jete par Arnaud, le vit au pied du fauteuil, le ramassa et le remit a son cou. Il lui parut lourd et froid. Il pesait tout le poids de l'esclavage auquel l'avait condamnee Philippe de Bourgogne en faisant d'elle l'epouse de Garin, afin de l'amener plus surement a son propre lit.
Le miroir, cette fois, lui renvoya l'image d'une eblouissante jeune femme, d'une parfaite elegance mais dont la parure de fete ne faisait que mieux ressortir l'expression tragique. Elle s'obligea a sourire, faillit se remettre a pleurer et detourna la tete de la glace. Au moment ou elle allait sortir, elle avisa le heaume d'Arnaud abandonne sur la table. L'idee que le jeune homme souffrirait de savoir l'embleme de son roi aux mains des ennemis la traversa. Elle ne voulait pas imaginer Jean de Luxembourg maniant avec un sourire sarcastique le signe royal qu'Arnaud avait porte a la victoire avec tant d'orgueil. Elle chercha autour d'elle quelque chose pour l'envelopper, avisa une banniere noire frappee de l'epervier d'argent des Montsalvy, l'arracha de la hampe et entortilla le casque qu'elle fourra avec decision sous son bras. Puis elle sortit du pavillon pour regagner Arras.
A sa grande surprise, comme elle repassait derriere les tribunes pour gagner la sortie des lices, elle trouva Jean de Saint-Remy qui faisait les cent pas, mains dans le dos, dans l'attitude de quelqu'un en attente. L'apercevant, il vint vers elle avec empressement.
— Je me demandais si vous sortiriez un jour de ce maudit pavillon.
J'ai vu qu'il s'y passait bien des choses et je me demandais ce que vous deveniez, dit- il avec une volubilite tout a fait inaccoutumee chez lui.
— Est-ce donc moi que vous attendiez ?
Et qui d'autre, belle dame ? Un galant homme n'abandonne pas une femme quand elle se fourvoie chez l'ennemi... Je n'osais avancer, bien que j'aie vu nos rudes jouteurs sortir du tref sous vigoureuse escorte...
— Parlons-en ! explosa Catherine trop contente d'avoir une occasion de se mettre colere. Il est joli votre duc...
— Le votre, ma chere ! coupa Saint-Remy scandalise.
— Je vous defends de dire une chose pareille. Je refuse de servir un homme qui se conduit de facon aussi abominable, qui fait arreter des chevaliers venus sous la garantie de sa bonne foi parce qu'ils ont eu le malheur d'etre les plus forts... C'est ignoble ! Cela... Cela n'a pas de nom !
Saint-Remy lui adressa un sourire des plus indulgents comme fait une bonne dont l'entant capricieux trepigne et casse tout.
— Tout a fait d'accord. C'est ignoble ! Mais vous etes bien sure, jolie dame, que Monseigneur soit au courant de cette... mise a l'abri des deux chevaliers royaux ?
— Que voulez-vous dire ?
Jean de Saint-Remy haussa les epaules et remit d'aplomb son fantastique toquet que le vent derangeait.
— Que messire Jean de Luxembourg est tout a fait homme a avoir pris la chose sous son bonnet. Cela lui ressemblerait assez ! Venez-vous ?
— Ou cela ?
— Mais... chez Monseigneur, voyons ! C'etait bien la votre idee, j'imagine ? J'ai d'ailleurs arrete tout pres d'ici une litiere qui vous attend. Vous y serez mieux pour gagner le palais que sur vos adorables petits pieds... surtout en trimbalant un heaume que vous avez la sous le bras, qui doit vous gener fort. Donnez-le-moi donc, je vais vous le porter.
Un instant, muette d'etonnement, Catherine eclata brusquement de rire. Quel garcon etrange etait ce Saint-Remy ! Sous son air fat et endormi, il devait cacher un esprit particulierement vif qui en faisait un ami precieux a l'occasion. Elle lui tendit la main avec un charmant sourire.
— Merci de m'avoir si bien devinee, messire de Saint-Remy.
J'aimerais que nous fussions amis, vous et moi...
Le jeune homme ota sa toque et balaya le sol de sa longue plume en se courbant devant la jeune femme.
— Je suis deja votre esclave, Madame... mais j'accepte avec grande joie cette proposition. Veuillez prendre ma main pour aller jusqu'a votre equipage.
Et, en offrant a Catherine son poing ferme pour qu'elle y posat sa main, le casque d'Arnaud sous son autre bras, il conduisit sa compagne jusqu'a une litiere fermee qui attendait plus loin.
La nuit tombait lorsque la litiere deposa Catherine devant le palais communal ou le duc Philippe avait ses appartements. Elle etait passee auparavant chez elle pour changer sa robe de satin blanc un peu fripee contre une autre, en simple velours noir. Le hennin avait fait place a un tambourin de meme velours pose sur une resille d'or ou se serrait la masse des cheveux. Il n'y avait personne dans la chambre que la jeune femme partageait avec dame Ermengarde. La comtesse devait etre aupres des princesses, a son service de Grande Maitresse et Catherine ne s'etait pas attardee a l'attendre. Dans la litiere, Jean de Saint- Remy patientait.
Quand la jeune femme et son compagnon parurent devant le corps de garde, l'archer en faction voulut les empecher de passer. Mais Saint-Remy, d'un ton sans replique, lui ordonna d'aller chercher l'officier de service. Un autre soldat fut charge d'aller querir le capitaine. En attendant, Saint-Remy rendit a Catherine le fameux heaume qu'il n'avait pas lache.
— Reprenez-le. Je vais vous confier a l'officier de garde et ensuite je vous laisserai aller seule. Dans cette affaire, je ne pourrais vous etre d'un grand secours. Ma presence ne servirait qu'a indisposer Monseigneur qui se croirait oblige a la severite. Seule avec lui, une jolie femme s'en tire en general tres bien...
Catherine allait le remercier quand le soldat revint, l'officier sur les talons. La chance, ce soir-la, etait pour Catherine ; l'officier de garde etait Jacques de Roussay. La reconnaissant, il pressa le pas, et vint a elle avec un large sourire :
— Vous avez demande a me voir, dame Catherine ? Quelle grande joie ! Que puis-je pour vous ?
— Dire a Monseigneur le Duc que je desire l'entretenir un moment et sans temoin. Il s'agit d'une chose de la plus haute importance...
Le visage ouvert du jeune capitaine se rembrunit. De toute evidence, il y avait quelque chose qui n'allait pas et, comme Saint-Remy, discretement, saluait et se retirait, il tira la jeune femme a part.
— C'est que Monseigneur est a sa toilette. Il se prepare pour le souper que, ce soir, il offre aux echevins et aux dames de la Cite. De plus, je ne vous cacherai pas qu'il est d'une humeur... Il a meme cravache Briquet, son chien favori, pour une broutille. Jamais personne ne l'a vu ainsi. Il faut avouer qu'il y a un peu de quoi.
Sincerement, dame Catherine, je ne saurais trop vous conseiller de remettre a demain votre visite. Je ne suis pas sur que meme vous soyez recue courtoisement.
Depuis la scene affreuse qui lui avait enleve Arnaud, il s'etait opere en elle une transformation. Plus rien ne lui faisait peur. Elle fut allee trouver Lucifer dans son antre brulant si bon lui avait semble. Jacques de Roussay recut d'elle un regard severe :