Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта (книги полные версии бесплатно без регистрации TXT) 📗
Des sourires naissaient sur leur passage. La reine Marie avait meme dit a Catherine, en faisant de la tapisserie aupres d'elle :
— Pierre de Breze est un bien charmant garcon, n'est-ce pas, ma chere ?
— Charmant, Madame... Votre Majeste a tout a fait raison.
— C'est aussi un homme de valeur. Il ira loin et je crois que celle qui l'elira pour epoux ne fera point un mauvais choix.
Catherine avait rougi et baisse la tete sur son travail, mais sa gene n'avait pas dure. C'etait autour d'elle comme une conspiration. Choses et gens semblaient la pousser vers Pierre et leur menager des instants de solitude. Seul, sans doute, Cadet Bernard aurait pu s'interposer entre les deux jeunes gens, mais, par une sorte de miracle, le comte de Pardiac avait disparu. Il s'etait rendu a Montresor, chez Jean de Bueil.
Quant a Sara, elle gardait avec Catherine l'attitude reservee d'une suivante bien stylee, mais ne lui adressait la parole que pour les choses indispensables. Plus de bavardages interminables durant la toilette, plus de remontrances ou de conseils. Le visage de Sara etait devenu curieusement inexpressif. Il paraissait fige, mais, parfois, le matin, Catherine y decouvrait des traces de larmes qui eveillaient un instant le remords dans son c?ur. Cela ne durait pas. Pierre apparaissait, avec son sourire, ses yeux charges d'amour, et la jeune femme, repoussant tout ce qui pouvait ternir sa griserie nouvelle, se tournait avidement vers cette source de jouvence et d'insouciance qu'il representait. La nuit, dans le silence de sa chambre, elle s'avouait qu'elle avait de plus en plus de mal a se defendre contre la cour pressante que Pierre lui faisait, contre ses mots d'amour, contre la caresse de ses levres sur sa main, contre ses regards qui demandaient sans cesse davantage ; c'etait comme une douce pente herbeuse, un peu glissante, mais tellement fleurie que l'on s'y laissait aller volontiers. Et, pour le c?ur meurtri de Catherine, cet amour d'ete avait la fraicheur d'une rosee bienfaisante sous laquelle il pouvait de nouveau s'epanouir.
Un soir, alors qu'ils se promenaient tous deux sous les arbres du verger, la douceur de la nuit, l'ombre epaisse des branches de feuilles et de fruits en formation, les paroles de passion que Pierre murmurait a son oreille pousserent Catherine a un demi-abandon. Elle laissa aller sa tete sur l'epaule du jeune homme, lui permit de glisser son bras autour de sa taille...
Doucement, il la serra contre lui et ils demeurerent la un bon moment, n'osant bouger, ecoutant leurs deux c?urs dans leurs poitrines rapprochees. Catherine se laissait envahir par le delicieux sentiment d'etre enfin a l'abri, d'etre protegee, defendue. Il l'aimait, il etait tout a elle.. D'un seul mot elle pouvait l'enchainer pour la vie. Et ce mot, justement, il le reclamait.
— Elle leva la tete pour chercher, a travers les branches, la voute etoilee du ciel, mais un long frisson la secoua : les levres du jeune homme s'etaient doucement emparees des siennes, doucement d'abord puis avec une sorte d'aprete. Elle le sentit trembler contre elle, s'accrocha plus fermement a ses larges epaules vetues de soie.
Pourtant ce baiser etait encore timide, Catherine sentait que Pierre se faisait violence pour ne pas la broyer entre ses bras, l'entrainer avec lui sur l'herbe douce... Contre son oreille, elle l'entendit supplier : Catherine. Catherine ? Quand serez-vous a moi ? Vous voyez bien que j'en meurs.
— Ayez patience, mon ami... Il faut me laisser un peu de temps encore.
— Pourquoi ? Vous serez a moi, je le sens, j'en suis sur. Tout a l'heure, vous avez frissonne quand je vous ai embrassee. Catherine, nous sommes jeunes tous les deux, ardents tous les deux... pourquoi attendre, pourquoi gacher les heures si belles que le temps nous accorde ? Bientot, il faudra que je parte. Beaucoup de mes compagnons sont deja retournes au combat, je suis presque seul a m'attarder et l'Anglais tient toujours les meilleures places du Maine et de Normandie. Epousez- moi, Catherine...
Elle secoua la tete.
— Non, Pierre... pas encore ! C'est trop tot...
— Alors, soyez au moins a moi, je saurai attendre que vous me tendiez enfin la main. Car vous me la tendrez. Vous serez ma femme et moi je passerai mes jours a vous adorer. Catherine, ne me laissez pas partir sans vous avoir faite mienne. L'image de vous que je garde, cette image de notre premiere rencontre, elle me brule chaque fois que je ferme les yeux.
Catherine se sentit rougir. Elle aussi se souvenait de l'entree tumultueuse de Pierre dans sa chambre tandis qu'elle prenait son bain.
Il l'avait deja vue sans vetements et, curieusement, cela le rapprocha d'elle comme s'il l'avait connue depuis longtemps. Elle s'abandonna plus mollement contre sa poitrine. Il avait repris ses levres sans qu'elle s'en defendit. D'une main, il la retenait contre lui, mais son autre main, libre, denouait doucement les minces rubans d'argent de sa gorgerette, elargissant le decollete encore severe de la robe, cherchant la douceur de la peau. Elle le laissait faire, passive, deja heureuse, attentive seulement au trouble qui l'envahissait, montant des profondeurs mysterieuses de sa chair.
D'un geste vif, il ota la gorgerette, denudant les epaules. La robe, largement ouverte, baillait sur la gorge ronde qu'il se mit a caresser lentement, cherchant a eveiller le plaisir dans ce corps si longtemps desire. Il plia ses reins, la fit couler doucement a terre, s'etendit contre elle.
Tous les parfums de l'ete se liguaient contre la pudeur de Catherine et elle se laissait aller dans l'herbe douce, les yeux clos, vibrant deja sous les levres de Pierre qui couraient de ses yeux a sa gorge. Il cherchait a denouer la large ceinture de la robe dont ses mains impatientes, rendues maladroites, ne venaient pas a bout. Elle se mit a rire doucement, se redressa pour l'aider. Mais son rire s'etrangla, devint cri d'effroi. Une silhouette d'homme se tenait debout devant eux, l'epee nue a la main. Elle reconnut les oreilles de faune, la courte barbe de Bernard d'Armagnac !
— Debout, Pierre de Breze, et rendez-moi raison !
— De quoi ? fit le jeune homme en se relevant sur un genou.
Catherine n'est pas votre femme, que je sache, ni votre s?ur.
— De l'atteinte portee a l'honneur d'Arnaud de Montsalvy, mon frere d'armes, mon ami de toujours. En son absence, c'est a moi de veiller sur son bien.
— Le bien d'un mort ? fit dedaigneusement Breze. Catherine est libre, elle sera ma femme. Laissez-nous en paix !
Catherine devina la tentation qui etreignait le Gascon de tout dire, de crier la verite. Elle eut peur, supplia :
— Bernard, par pitie !
Il y eut une toute legere hesitation encore dans la voix seche du comte, mais il dit, avec une sorte de lassitude :
— Vous ne savez pas ce que vous dites ! Battez-vous si vous ne voulez pas que je vous traite de lache.
— Bernard, repeta Catherine epouvantee, vous n'avez pas le droit... Je vous defends !
Elle s'accrochait au cou de Pierre, inconsciente de sa semi-nudite, folle a l'avance en pensant que le sang allait couler. Mais il l'ecarta, fermement.
— Laissez-moi, Catherine ! Ceci ne vous regarde plus. J'ai ete insulte !
— Pas encore. Et je vous defends de vous battre. Bernard ne peut rien contre vous. Je suis libre de me donner a vous si bon me semble.
— Je voudrais, gronda Bernard avec rage, que La Hire ou Xaintrailles puissent vous voir, a demi nue comme une ribaude, accrochee au male que vous avez peur qu'on vous tue ! Ils vous etrangleraient sur place. Je vous aimais mieux sur le bucher de Montsalvy.
— Pour cette insulte, Pardiac, je vais te tuer ! hurla Pierre furieux en ramassant son epee dans l'herbe. Defends-toi !
Le premier choc des armes arracha des etincelles. Catherine, tremblante, malade de honte, s'etait reculee sous un arbre et machinalement reparait le desordre de sa toilette. Elle se haissait a cette minute precise, confuse et genee a la pensee de ce qu'avait vu Bernard.