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Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗

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Lentement, Catherine s'etait levee. Elle alla s'adosser a la muraille comme pour y chercher un soutien. Mais son regard demeurait croise a celui d'Arnaud a la maniere de deux epees. Elle eut un mince sourire de dedain.

— Voila pourquoi vous avez pense qu'elle voudrait peut-etre de moi !

Car c'est vous, n'est-ce pas, qui, profitant de l'absence du Batard et de Gaucourt, avez arrache ma condamnation aux echevins. C'est vous ?

— Oui, c'est moi ! Je n'ai eu aucune peine. Tu leur pesais comme un mauvais presage. Ils te pendront avec joie...

Brusquement, elle quitta le mur, s'approcha de lui presque a le toucher, une flamme de defi au fond des yeux :

— Et toi ? Toi aussi tu me pendras avec joie, n'est-ce pas ? Tu penses que tu seras delivre de moi a tout jamais ? Tu le penses ?

Sa voix, epaissie, passa difficilement.

— Oui... je le pense !

Elle lui rit au nez. Un rire de triomphe, goguenard, moqueur, insupportable. Avec insolence, elle relevait la tete. Une joie sauvage l'envahissait, la gonflait d'une griserie amere et exaltante. Comme il semblait faible, tout a coup, et desarme en face d'elle ! Cent fois, mille fois plus miserable avec toute sa force inutile qu'elle-meme deja frolee, pourtant, par l'aile de la mort.

— Ah, tu crois cela ? Tu crois que mon fantome te hantera moins que mon souvenir ? Qu'une fois mon corps reduit en poussiere, il cessera de te hanter ? Pauvre imbecile ! Morte, je te serai cent fois plus redoutable. Tu me verras partout, derriere tous les visages de femme, derriere tous les corps dont tu t'empareras parce que la misere ni la vieillesse n'auront jamais de prise sur moi. Et parce qu'au desir, tu ajouteras le remords...

Pour la premiere fois, une flamme de colere brilla dans les yeux sombres du jeune homme.

— Du remords ? Certainement pas. Tu merites ton sort largement puisque tu n'es venue ici que pour le mal.

— Mais cesse donc de nous mentir a tous deux ! Cela n'a plus d'importance maintenant que tu as dispose de ma vie. Tu sais tres bien pourquoi je suis venue. Tu l'as su a la minute meme ou je me suis avancee vers toi, a la porte de Bourgogne. Tu l'as su aussi dans la salle de torture. Tu sais que je t'aimais au point de tout oser, de tout risquer. Que j'avais tout quitte et que je ne voulais plus qu'une chose au monde : te retrouver et mourir avec toi sous les ruines de cette ville.

— Tais-toi !... gronda-t-il.

Non, je ne me tairai pas. Je ne suis pas encore morte. J'ai encore une voix.

La corde ne l'a pas encore etranglee dans ma gorge. Et je parlerai, autant que j'en aurai envie. Je te dirai tout ce que, depuis tant d'annees, je voulais te dire. Et dans tes nuits sans sommeil tu entendras encore ma voix crier : « Je t'aimais... je t'aimais et tu m'as tuee... »

— Te tairas-tu a la fin ?

Brutalement, il l'avait saisie aux epaules, la secouait avec une telle violence que sa tete allait dans tous les sens. Desequilibree, elle trebucha, poussa un cri. Alors, il la lacha aussi brusquement qu'il l'avait empoignee, et si soudainement qu'elle tomba lourdement a terre. Une de ses jambes se replia sous elle, causant une douleur aigue. Sentant le sol rugueux sous ses mains, elle voulut se relever, mais, deja, il s'etait laisse tomber sur elle, l'ecrasant de tout son poids. La lumiere faible de la lanterne lui montra, tout contre le sien, le visage d'Arnaud tordu par la fureur et le desir.

— Non, tu ne me hanteras plus ! Demain tu seras morte et, cette nuit, je vais t'exorciser, sorciere ! Je vais t'arracher tous tes pouvoirs. Quand je t'aurai possedee, je comprendrai peut-etre que tu n'es qu'une femme comme les autres...

Une lutte sauvage s'engagea alors entre eux, silencieuse, sans merci.

Catherine, les dents serrees, se battait comme si sa vie en dependait, retenant son souffle, economisant ses forces autant qu'elle pouvait. Elle etait souple et glissante comme une anguille, mais Arnaud avait pour lui sa force d'homme vigoureux, en pleine sante alors qu'elle etait une femme affaiblie par les privations et la reclusion. Peu a peu, elle se sentit faiblir, comprit qu'elle ne pourrait pas tenir longtemps tete. De plus, ses cheveux denoues la genaient, l'entravaient a la maniere d'un filet. Arnaud avait deja emprisonne un de ses poignets qu'il avait ramene derriere son corps et tentait d'y amener l'autre poignet. La force de Catherine, tout entiere dans sa resistance nerveuse et dans sa fureur, fuyait de plus en plus vite et, subitement, s'effondra tout net. La bouche d'Arnaud venait de s'abattre sur la sienne, l'emprisonnait sous un baiser qui lui coupait le souffle. Elle se sentit mollir, faiblir et comprit qu'elle etait en train de s'evanouir. Elle lutta alors contre cette nouvelle faiblesse qui, insidieusement, se glissait en elle. Mais elle n'en pouvait plus.

Dans une demi-inconscience, elle sentit qu'il s'ecartait d'elle tout en gardant ses deux mains prisonnieres derriere son dos, qu'il lui otait ses vetements. Elle avait ferme les yeux pour ne plus le voir, mais elle l'entendait respirer fort, comme un homme qui vient de fournir une longue course. Ses poignets serres par les doigts durs d'Arnaud lui faisaient mal et elle se tordit pour echapper a la douleur, mais une longue caresse parcourut tout son corps, lui arrachant un frisson. A nouveau il l'embrassa et Catherine sentit s'eveiller dans son corps tous les demons d'autrefois, plus voraces peut-etre que jamais apres le long sommeil ou elle les avait contraints.

Oubliant tout, et la potence prochaine et sa haine, sa ranc?ur et son humiliation, elle s'abandonna totalement, ne se rendit meme pas compte qu'il avait deja libere ses poignets et qu'instinctivement, elle glissait ses bras au cou du jeune homme. Il parlait maintenant, d'une voix enrouee, a peine audible, une voix de reve. Les levres contre son visage, il murmurait des mots d'amour passionnes, entrecoupes d'insultes, ne s'arretant que pour la couvrir de baisers. Les yeux clos, les levres entrouvertes, elle ne disait rien, le laissait delirer, se laissant elle-meme emporter...

Et le miracle eut lieu, le miracle qui nait comme une etincelle entre deux etres destines de tout temps l'un a l'autre, crees l'un pour l'autre. Catherine se donna comme jamais elle ne s'etait donnee a aucun homme et recut en echange une joie si puissante qu'elle n'en avait jamais soupconne de semblable. Une joie qui effacait tout et donnait, en une minute, le prix fabuleux d'une vie entiere...

Quand la vague de passion se retira, la laissant inerte et sans force sur la terre nue de sa prison, Catherine sentit qu'Arnaud l'abandonnait. Elle ouvrit les yeux, le vit se diriger d'un pas mal assure vers la porte, sourit :

— Arnaud..., appela-t-elle.

A sa voix, il se retourna mais lentement, tres lentement, comme a regret. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose. Aucun son n'en sortit. Alors tres doucement, elle murmura :

— Tu peux t'en aller... et moi, je peux mourir. Je sais maintenant que jamais plus tu ne m'oublieras.

Avec un cri rauque, il fonca vers la porte, oubliant sa lanterne. Catherine entendit le bruit de sa course s'estomper dans les galeries de la prison.

Craignant que les soldats de garde n'entrassent, elle se hata de remettre ses vetements, s'enfonca dans la paille et sombra dans le sommeil. Quand l'un des gardes entra pour recuperer la lanterne, il la trouva profondement endormie et en resta tout bete un bon moment.

— Dormir comme ca quand on va etre pendue dans quelques heures, confia-t-il un instant plus tard a son compagnon, ca suppose un rude courage. Et c'est une femme !

En s'enfuyant de la prison de Catherine, Arnaud ne se doutait pas de la joie immense qu'il laissait derriere lui. Cette joie avait sorti la jeune femme d'elle-meme, l'avait en quelque sorte arrachee a sa prison, a la crainte du sort affreux qui l'attendait pour la lancer en plein ciel bleu. Elle avait connu tant de bonheur en une seule heure qu'elle ne craignait meme plus la mort. Le moine cordelier charge de l'exhorter avait trouve une femme entierement detachee de tout et qui n'avait fait que tres peu attention a lui. Indifferente, elle l'avait ecoute lui parler de Dieu avec un demi-sourire inconscient qui avait scandalise quelque peu le saint homme. Pitoul en pleurant etait venu lui servir le meilleur repas qu'elle avait fait depuis longtemps, avec du pain blanc, de la viande fraiche et du vin : la veille un convoi de vivres amene par eau etait entre dans la cite, protege par la Pucelle en personne.

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