Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗
Enfin, il y eut dans le couloir un bruit de pas et le c?ur de la captive se mit a battre la chamade. Le moment etait venu... Deja, elle tendait la main pour saisir le lourd escabeau de chene. La porte s'ouvrit et Pitoul parut mais s'effaca aussitot, son bonnet a la main. Interdite, Catherine laissa retomber sa main tandis que l'echevin Lhuillier penetrait dans le cachot, deux soldats sur les talons. Il tenait a la main un rouleau de parchemin. Sa robe rouge mit dans la geole une lumiere sinistre. Instinctivement, Catherine se leva, les yeux fixes au visage glace de l'arrivant.
Il ne lui jeta qu'un rapide coup d'?il, deroula son parchemin et commenca a le lire a voix haute :
« En l'absence de Monseigneur Jean d'Orleans et en l'absence de messire Raoul de Gaucourt, gouverneur de la cite d'Orleans, nous, echevins de la ville, avons condamne a mort la dame Catherine de Brazey, convaincue de trahison et de complicite avec l'ennemi... »
— A mort ? fit Catherine atterree. Mais... je n'ai pas ete jugee !
Imperturbable Lhuillier poursuivit :
« En consequence de quoi, avons decide que ladite dame serait conduite demain 28e jour d'avril au coucher du soleil en l'eglise cathedrale Sainte-Croix pour y demander a Dieu pardon de ses fautes, puis en la place du Martroy pour y etre pendue par le col jusqu'a ce que mort s'ensuive. Fait a Orleans, ce jour... »
Ecrasee, Catherine n'ecoutait plus. Elle s'etait laissee tomber sur son grabat, les mains au creux des genoux, le corps secoue par un tremblement nerveux. Pendue !... Elle allait etre pendue !
— Messire Jean avait dit que l'on ne statuerait sur mon sort qu'apres la delivrance de la cite, fit- elle d'une voix blanche.
Monseigneur nous a confie la ville et, en son absence, c'est nous qui sommes seuls juges de ce qui est bon pour elle, repondit Lhuillier sechement. Or, il nous parait bon que notre ville soit purifiee d'une presence comme la votre avant que n'y entre l'envoyee de Dieu. Vous etes une souillure dont nous entendons etre debarrasses. Les levres minces de l'echevin s'arquaient en une expression d'indicible dedain. Visiblement, il la tenait lui aussi pour un suppot de Satan et Catherine comprenait qu'elle n'avait ni grace ni merci a attendre de ces gens.
— Vous ne craignez pas de charger votre conscience d'un meurtre ? fit-elle amerement. Je vous ai dit et redit que j'etais innocente.
— C'est affaire entre Dieu et vous, femme ! Demain un pretre viendra vous preparer a paraitre devant lui.
Froidement, l'echevin roulait son parchemin, le glissait dans sa large manche et tournait les talons. La porte retomba lourdement sur lui et ceux qui l'accompagnaient. Catherine se retrouva seule au sein d'une obscurite profonde. Cette fois c'etait fini... rien ne pourrait plus la sauver !... Un desespoir infini s'empara d'elle et, brisee, elle alla s'abattre sur sa couche de paille ou elle se mit a sangloter eperdu- ment. Elle etait bien seule, perdue au fond d'une forteresse sourde et aveugle, entouree d'ennemis implacables qui, demain, la conduiraient a la mort. Demain !... Il n'y avait plus que quelques heures a vivre !...
Un long moment, la prisonniere resta prostree. Elle ne pleurait plus, mais elle avait l'impression que la vie s'enfuyait deja de son corps. Elle etait glacee et frissonnante tout a la fois... Meme si Pitoul revenait aupres d'elle, il ne serait plus possible de mettre son plan a execution. Elle avait entendu Lhuillier, en partant, ordonner aux soldats de rester a la porte du cachot et de n'en partir sous aucun pretexte. Il n'y avait vraiment plus rien a faire !...
Au-dehors, une agitation insolite regnait. Du fond de son cachot, Catherine entendait des cris de joie, des chants. La ville semblait bien joyeuse cette nuit ! Catherine songea amerement que c'etait sans doute sa mort prochaine que l'on saluait ainsi. Elle ne se souvenait que trop des cris de haine qui l'avaient accompagnee quand elle etait entree au Chastelet.
Demain ce serait pire. Ils se presseraient tous sur son chemin pour l'injurier, la maudire et lui jeter de la boue...
Vers minuit, la porte de la geole s'ouvrit a nouveau. Catherine se redressa, pensant que c'etait le pretre annonce. Ce fut Arnaud qui parut...
Une seconde, il resta sur le seuil a la regarder. Puis, lentement, il tira sur lui le lourd battant de la porte, s'avanca de quelques pas.
— Je suis venu te dire adieu ! fit-il d'une voix sourde.
Arnaud avait pose a terre la lanterne qu'il portait. La lumiere jaune dessinait sur le mur son ombre gigantesque. Debout, il dominait Catherine de toute sa hauteur et, quand elle leva la tete vers lui, elle pensa qu'elle ne l'avait jamais vu si grand... ni si pale. Ou bien etait-ce la lumiere pauvre qui lui faisait ce teint blafard et creusait des ombres si dures autour de sa bouche et aux ailes de son nez ? Il portait, comme le jour du tribunal, son pourpoint de daim vert sans autre arme qu'une simple dague passee a la ceinture.
Le c?ur de Catherine cognait dans sa poitrine. Elle sentait battre son sang jusque dans sa gorge et ses tempes. Mais, comme il restait la, a la regarder sans rien dire, sans autre manifestation de vie que sa respiration haletante, ce fut elle qui attaqua, durement :
— Ainsi, fit-elle avec lenteur, messire de Montsalvy a eprouve le besoin de venir me dire adieu ? Quel honneur ! Quelle extraordinaire faveur chez un homme a l'orgueil si susceptible ! Mais, puis-je vous demander qui vous a fait croire qu'un adieu de vous put m'etre de quelque importance ? Allons donc, messire, soyez franc, au moins envers vous-meme ! Vous etes venu voir dans quel etat je me trouve et comment j'attends la mort, n'est-ce pas ?
Alors je vais vous repondre : je l'attends avec joie, avec un bonheur dont vous n'avez meme pas idee parce qu'elle me delivrera de vous et de vos pareils. Maintenant, vous pouvez vous en aller, vous savez !
Le capitaine secoua la tete. Aucune colere ne se voyait sur son beau visage mais seulement une sorte de crainte et d'incertitude.
— Non... ce n'est pas cela ! dit-il enfin. Je suis venu parce que je ne pouvais pas m'en empecher. Voila des nuits et des nuits que je lutte contre l'envie de venir jusqu'ici. Le jour, il y a la bataille, je peux t'oublier... la nuit, je ne peux plus. Tu es la... toujours la ! Tu me hantes, sorciere !...
Elle eclata de rire, envahie d'une joie cruelle et douce a constater qu'elle avait encore le pouvoir de le faire souffrir.
— Sorciere ! s'ecria-t-elle. C'est tout ce que vous avez trouve ? En verite, je vous croyais plus intelligent...
Moi aussi, fit-il sans se facher. Je me serais surtout cru plus fort. Mais voila des annees que tu m'obsedes, que tu t'acharnes apres moi, que tu empoisonnes ma vie... Je te meprise et je te hais. Pour t'oublier, j'ai tout essaye : le vin et les femmes. J'ai meme failli me marier. Elle etait belle, la demoiselle de Severac, elle etait douce et pure et elle m'aimait. Mais lorsque j'etais pres d'elle, c'etait toi que je voyais, c'etait toi dont je croyais toucher la main, baiser la joue. Alors, je m'enfuyais parce que c'etait un sacrilege d'evoquer une p... comme toi aupres d'une douce jeune fille. Puis je revenais, je m'accrochais a elle comme a un bouclier en suppliant Dieu de me permettre de l'aimer... Le Ciel demeurait sourd et le desir que j'avais de toi ne m'en torturait que plus cruellement. Et puis, elle est morte, et je suis reste seul. Les autres, toutes celles qui s'offraient, ne valaient pas plus cher que toi. Un moment, j'ai pense me faire benedictin...
L'idee parut si folle a Catherine qu'a nouveau elle eclata de rire.
— Un moine, vous ? Avec votre orgueil, votre durete ?
— J'aurais pu l'etre. Mais j'aimais trop la guerre pour etre bon serviteur de Dieu. L'orgueil, cela se mate ! Pas l'amour du combat ! C'est une chose que l'on porte dans son sang lorsque l'on vient au monde, que l'on suce avec le lait de la nourrice. Alors, je me suis battu avec l'espoir qu'un jour la mort me delivrerait de toi. Elle aussi est demeuree sourde.