Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗
Du coup, ce fut a qui s'emparerait de la prisonniere. Elle fut deliee, enlevee de l'infect tombereau, posee a terre et meme un manteau, venu d'on ne savait ou, tomba sur ses epaules. On se la disputait, et ceux-la memes qui hurlaient a la mort sur son passage, un mois auparavant, etaient prets a se battre pour lui offrir l'hospitalite. Pendant ce temps, Jehanne et son escorte descendaient de cheval devant la cathedrale ou la jeune fille voulait prier comme elle avait coutume de le faire chaque soir, au coucher du soleil. Une grande et forte femme, bien vetue de beau velours frappe et portant des bijoux d'or, s'approcha d'elle.
— Confiez-moi votre prisonniere, Jehanne, dit- elle. Je suis la mere de Jacques Boucher le tresorier chez qui vous devez prendre logis. J'aurai bien soin d'elle.
Jehanne la remercia d'un sourire.
— Faites, dit-elle simplement. Et que Messire Dieu vous benisse !
Puis elle entra dans la grande eglise, toujours portant sa haute banniere blanche, avec tous ses chevaliers apres elle comme une grande traine d'acier.
Cependant, dame Mathilde Boucher avait pose sa main sur le bras de Catherine et l'entrainait a sa suite, fendant la foule qui s'ecartait devant elle avec un murmure amical.
— Venez, pauvrette. Vous etes si pale que vous avez grand besoin de vous reconforter.
Mais Catherine ne se laissait emmener qu'a regret. Elle se retournait sans cesse pour essayer de voir encore l'armure blanche de Jehanne qui s'estompait sous l'ombre du portail. Alors Mathilde sourit.
— Venez donc, dit-elle. Vous la reverrez bientot puisqu'elle va loger chez nous.
Docilement, alors, la jeune femme suivit sa protectrice. Comme elles passaient devant l'Hotel-Dieu, voisin de la cathedrale, elle avisa, sculpte au-dessus de la porte, une silhouette agenouillee portant d'immenses ailes.
— Un jour, fit-elle sourdement, il y a bien longtemps, alors que j'etais toute petite, une femme de Boheme m'a predit qu'au cours de ma vie, je rencontrerais un ange ! Croyez-vous, dame Mathilde, que Jehanne soit cet ange ?
Mathilde s'arreta un instant et regarda son invitee avec une brusque sympathie. Elle n'avait obei, tout a l'heure, qu'a un mouvement charitable et au desir d'etre agreable a la liberatrice. Mais elle commencait a s'interesser a la rescapee.
— N'en doutez pas ! fit-elle gravement.
La maison de Jacques Boucher, tresorier pour le roi en la ville d'Orleans, etait situee aupres de la porte Regnard qui regardait vers l'occident. C'etait une haute et belle demeure dont les pignons fleuronnes, les belles fenetres a meneaux et a vitraux colories, et les minces poivrieres proclamaient la richesse. De ses fenetres hautes, la vue enjambait le rempart et s'etendait a l'aise sur la plus grande partie du camp anglais. Par-dela le fosse, entre la Loire et la porte Banniere, au nord, les hommes de Salisbury, tue dans le debut du siege, puis de Talbot et de Suffolk avaient bati cinq bastilles de bois, avec tours et defenses, dont la principale, une enorme fortification qui gardait le fleuve, portait le nom de bastille Saint-Laurent. Le pennon de John Talbot, comte de Shrewsbury, y flottait ainsi que Mathilde Boucher le montra a Catherine depuis la chambre qu'elle lui donna. Malgre la nuit, on pouvait distinguer nettement toute l'etendue du camp anglais et les chaines de tentes multicolores qui reliaient l'une a l'autre les bastilles. Au-dela, tout le pays, rase, brule, semblait aussi pele qu'un crane chauve.
— Ils ne sont pas mieux lotis que nous, fit la nouvelle amie de Catherine en designant la grosse bastille, et ne mangent guere a leur faim. Depuis le fameux convoi de harengs que le duc de Bourbon n'a pas reussi a arreter malgre toutes les vies qu'il a coutees, ils n'ont rien recu. Ils ont les dents longues. Mais, ce soir, grace a Dieu et a Jehanne, nous souperons a notre aise, nous autres les assieges !
Catherine avait l'impression de s'eveiller d'un mauvais reve. La cordialite de la dame etait reconfortante. Par bien des cotes, elle rappelait a la jeune femme son amie Ermengarde et Catherine ne resista pas au plaisir de le lui dire. Dame Mathilde en fut immensement flattee, les Chateauvillain etant de trop grande race pour n'etre pas connus de toute la France. D'ailleurs la qualite de son invitee agissait egalement sur elle et, oubliant qu'une heure plus tot, la noble dame avait la corde au cou, elle prit un evident plaisir a l'appeler « ma chere comtesse ».
Grace a elle, Catherine retrouva d'un seul coup toutes les joies du confort.
Dans les grandes salles de reception, les nombreux serviteurs preparaient le banquet fastueux que le tresorier voulait offrir a la Pucelle, mais Mathilde parvint a recuperer deux chambrieres qui, sur son ordre, se haterent de chauffer un bain et de preparer une chambre.
Une fois plongee dans l'eau, Catherine songea qu'elle n'avait jamais goute plaisir comparable a celui-la. Des masses d'eau chaude, du savon parfume, des eaux de senteur, tout cela se trouva d'un seul coup a sa disposition comme par miracle. La cruche d'eau froide que lui apportait chaque matin le brave Pitoul etait bien loin ! Quand elle se fut vigoureusement frictionne le corps, lave les cheveux, Catherine se sentit une autre femme. Une chemise de fine batiste plissee, une robe de soie de couleur feuille morte, un peu trop grande pour elle, mais solidement resserree avec des epingles, et elle se trouva transformee. Tandis qu'une servante peignait ses longs cheveux, sans lui menager les exclamations admiratives, elle songea que toutes ses angoisses, toutes ses terreurs et meme les souvenirs de ses souffrances, tout cela gisait maintenant au fond de l'eau polluee que les servantes s'activaient a vider. Quand Mathilde, qui etait allee aider sa belle-fille a mettre la derniere main aux preparatifs, entra dans la chambre, elle resta sur le seuil, medusee par la transformation qui s'etait operee. En une heure a peine, l'epave destinee au gibet s'etait muee en une jeune femme tres belle et tres elegante.
Elle ne put se retenir de venir l'embrasser.
— Ma chere comtesse, vous etes tout bonnement eblouissante et je commence a comprendre mieux les choses ! En verite, je me demandais quel fou avait bien pu imaginer que vous etiez la douce amie du duc Philippe, si difficile !
— Je ne le suis plus, fit Catherine en souriant. Je vous raconterai pourquoi. Vous avez ete si bonne avec moi !
Laissez donc. Vous etes ici chez vous. Votre aventure, je l'ai compris presque en meme temps que la Pucelle, venait d'une affreuse meprise. Et vous etes la bienvenue. Venez, maintenant, que je vous presente. J'entends le cortege qui arrive.
En effet, le vacarme de la ville en delire paraissait se porter de ce cote.
Jehanne, sans doute, avait quitte la cathedrale et gagnait son logis. Mais Catherine resista a Mathilde qui voulait l'entrainer.
— Non, pas ce soir ! J'aurais honte !... Demain, je me jetterai aux genoux de Jehanne pour la remercier.
A ce moment, la tete rouge et essoufflee de Marguerite Boucher parut dans l'entrebaillement de la porte. Elle sourit a Catherine, qu'elle avait accueillie chaleureusement puisque Jehanne l'envoyait, mais elle s'adressa a sa belle-mere :
— La voila ! Je vous en conjure, venez ! Je meurs de peur et jamais je n'oserai l'aborder seule.
— Quand donc cesserez-vous d'avoir peur de la moindre armure, Margot
? fit Mathilde en haussant les epaules. Ce n'est pas un chef de routiers qui nous arrive, mais une belle jeune fille souriante et pleine de douceur...
— ... et qui nous vient tout droit du ciel ! Si vous trouvez que ce n'est pas plus impressionnant que tous les chefs de routiers du monde, vous !
Les deux femmes sortirent en hate, laissant Catherine seule. Le cortege de Jehanne, en effet, arrivait et la jeune femme s'approcha de la fenetre pour la voir arriver. La Pucelle etait toujours a cheval, mais elle avait remis sa banniere a son ecuyer, Jehan d'Aulon, qui la suivait comme son ombre, afin de pouvoir mieux toucher toutes les mains qui se tendaient vers elle ou embrasser les petits enfants qu'on lui tendait.