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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно без TXT) 📗

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Ermengarde laissa echapper un enorme soupir, a la fois comprehensif et ennuye, mais Saint-Remy etendit ses longues jambes et se mit a rire. Il se pencha confidentiellement vers sa voisine : Ne le repetez pas, car je me ferais honnir. Je crois, moi, que le batard aura bien du mal a venir a bout de messire Arnaud. Lionel a pour lui une force de taureau, mais Montsalvy tient debout... et il a le plus affreux caractere que je connaisse dans tout le royaume de France. Il se gardera bien de mourir, sauf s'il y est absolument force. Et cela dans le seul but de contrarier son adversaire...

Il se mit a rire, d'un air nonchalant, un peu niais, mais qui donnait bien le change sur son exact degre d'intelligence. Catherine, extraordinairement remontee, d'un seul coup, lui fit echo. Elle se sentait soulagee d'un grand poids et la confiance lui revenait. Mais, a son grand regret, il ne lui fut pas possible de continuer la conversation car, dans la grande loge centrale toute tendue de velours pourpre a crepines d'or, le duc Philippe et les princes faisaient leur entree. Une immense ovation les salua. Philippe etait vetu de noir a son habitude, un vaste chaperon sur la tete et un collier de diamants, gros comme des noisettes, autour du cou. Il etait pale mais impassible. Catherine remarqua qu'il laissait, un instant, son regard peser sur le champ clos ou eclataient les vivats du petit peuple contenu par les barrieres, mais qu'il ne souriait pas. Avec lui apparurent les deux couples de fiances : Bedford, impassible et terriblement anglais, conduisant Anne d'une main solennelle, puis Richemont et Marguerite qui se souriaient, tout occupes d'eux-memes. Le duc de Bretagne venait entre les deux couples et les nobles spectateurs prirent place dans les fauteuils armories prepares pour eux. Derriere celui de Philippe, dans l'ombre, Catherine apercut son mari et Nicolas Rolin. Les deux hommes discutaient et ne regardaient pas la lice.

A peine assis, le duc Philippe fit un geste de la main. Vingt trompettes s'alignerent devant les tribunes, emboucherent leurs instruments et lancerent, vers le ciel qui se couvrait de nuages, un strident appel.

Catherine sentit ses mains se glacer, ses joues se creuser tandis qu'un frisson glissait le long de son echine : le moment du combat etait venu

! Entre les cordes, tendues en travers de la lice et qui coupaient le champ clos de part et d'autre d'un etroit couloir, s'avanca Beaumont, heraut d'armes de Bourgogne, un baton blanc a la main. Derriere lui se rangerent six poursuivants d'armes en tabard armorie. Jean de Saint-Remy les nomma tout bas a Catherine. C'etaient Fusil, Germoles, Montreal, Pelerin, Talant et Noyers. Le jeune conseiller semblait extremement surexcite.

— Monseigneur m'a promis qu'au jour ou il creerait l'ordre de chevalerie dont il reve comme embleme de sa gloire, j'en deviendrai le roi d'armes ! confia- t-il a Catherine.

— Ce serait merveilleux, fit machinalement Catherine qui s'en moquait eperdument.

Toute son attention etait centree sur Beaumont. Il proclamait, dans le silence qui avait suivi l'appel des trompettes, les termes et clauses du combat. Depuis vingt-quatre heures, les herauts des deux partis parcouraient la ville en repetant, a chaque carrefour, ces memes clauses. Catherine les savait par c?ur. Mentalement, elle recitait en meme temps que Beaumont : « ... les armes choisies sont la lance et la hache d'armes. Il sera couru six lances de part et d'autre... » Les mots frappaient, sans entrer, son oreille et sa memoire. De tout son c?ur, tandis que s'achevait la proclamation, Catherine adressait une fervente priere a la petite vierge noire de Dijon, a Notre-Dame-de- Bon-Espoir...

« Protegez-le, implorait-elle fievreusement, protegez-le, douce mere du Sauveur ! Faites que nul mal ne lui advienne. Qu'il vive, surtout, qu'il vive... meme si je devais le perdre a jamais ! Qu'au moins je puisse penser qu'il respire quelque part, sous le meme ciel que moi. Sauvez-le-moi, Notre-Dame, sauvez-le !... »

Puis, d'un coup, sa gorge se secha. A l'appel du heraut, le batard de Vendome, a cheval et arme de toutes pieces, etait arrive au petit trot et se rangeait devant le duc. Avec terreur, Catherine regarda le gigantesque chevalier, ses armes d'acier bleu, son cheval roux disparaissant sous la cotte de soie et le caparacon pourpre. Sur son casque, entre deux cornes de taureau s'erigeait un lion d'or, son embleme. Il avait l'air d'un mur rouge et gris ! Il etait hallucinant !

Catherine, fascinee, ne pouvait en detacher ses yeux mais un cri de surprise, sorti de mille poitrines, la fit sursauter.

— Oh ! fit Saint-Remy a la fois admiratif et scandalise, quelle audace !... ou quelle faveur insigne !...

Ermengarde etait restee sans voix. Quant a Catherine, elle vit, comme dans un reve, Arnaud sortir a cheval et tout arme de son pavillon. Au pas lent de son destrier noir, il s'avanca jusqu'a la tribune ducale dans un silence impressionnant. Le gigantesque Lionel de Vendome le regardait approcher avec une insolite expression de respect. C'est que celui qui s'avancait n'etait plus le chevalier a l'epervier de l'autre soir. Par faveur insigne, sans doute, comme le disait Saint-Remy, Arnaud de Montsalvy portait les armes du Roi de France !

Par-dessus son armure, il portait une cotte de soie bleue fleurdelisee d'or, assortie a la housse qui enveloppait le cheval jusqu'aux sabots.

Bleus et or etaient les lambrequins de cuir decoupes qui tombaient du casque et protegeaient la nuque. Sur le heaume, enfin, l'epervier noir et la couronne comtale avaient fait place a une haute fleur de lys d'or a chaque pointe de laquelle brillait un gros saphir. Le cheval, lui aussi, portait, sur la tete, la fleur de lys. Une seule chose indiquait qu'il ne s'agissait pas la du Roi en personne : autour du casque, la couronne royale avait ete remplacee par un simple tortil bleu et or. Ventaille relevee, laissant voir son visage immobile, Arnaud s'avancait sous les armes royales, splendide image de chevalerie, eclatant symbole feodal qui forcait le respect.

— Il est magnifique ! fit aupres de Catherine la voix enrouee d'Ermengarde. C'est l'Archange Saint- Michel en personne !

Saint-Remy, lui, hocha la tete avec un peu de tristesse et de scepticisme :

— Il serait a souhaiter qu'il le fut vraiment ! Les fleurs de lys ne doivent point mordre la poussiere ou le Roi est deshonore ! Et Monseigneur est bleme !

C'etait vrai. Se tournant vers Philippe, Catherine vit qu'il avait l'air d'un spectre. Entre le noir du chaperon et celui du pourpoint, le visage allonge etait gris avec des reflets verdatres. Les dents serrees, il regardait venir cette admirable image d'un souverain qu'il voulait renier. Ses yeux gris qui ne cillaient pas, se fixaient surtout sur la fleur de lys du heaume, replique exacte de celle qu'il portait lui-meme a son propre casque lorsqu'il revetait l'armure. Le reproche etait sanglant pour ce prince Valois qui recevait l'Anglais. Mais il lui fallait se dominer.

Avec ensemble, les deux chevaliers, cote a cote mais separes par les couloirs de cordes, abaissaient leur lance vers la tribune. Catherine tremblait de tous ses membres et serrait ses mains l'une contre l'autre a les meurtrir en un geste qui lui etait familier quand elle etait emue.

Elle vit, a quelques places de Philippe, une belle jeune femme, somptueusement vetue, se pencher et attacher une echarpe rose brodee d'or a la lance du batard apres avoir adresse un sourire triomphant au Duc. Jean de Saint-Remy chuchota :

— La dame de Presles ! La plus recente maitresse de Monseigneur

! Elle montre ainsi les v?ux qu'elle forme pour la cause de son amant, en donnant ses couleurs a son champion. Elle a donne un fils a Philippe et se croit deja duchesse !

Catherine eut donne tout au monde pour pouvoir accrocher, elle aussi, a la lance d'Arnaud, le leger voile de mousseline qu'elle avait entre les mains. Mais, dans la grande loge, quelque chose se passait. La princesse Marguerite s'etait levee et, tournee vers Arthur de Richemont, demandait :

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