Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗
Catherine se leva et se mit a examiner sa prison. C'etait une geole etroite et basse qui prenait jour par un soupirail a gros barreaux en croix, ouvert au fond d'une sorte d'entonnoir de pierre qui limitait la vue. Pour tout mobilier, il y avait la couche de paille, un escabeau sur lequel le geolier avait pose le pain et la cruche et, au mur, scelle dans la pierre, un assortiment de chaines et de carcans. Les murs de grossiers parpaings suintaient l'humidite. C'etait la troisieme fois qu'on l'enfermait, sa troisieme prison, mais, de celle-la, comme des deux autres, Catherine esperait bien sortir. Tout ne pouvait pas s'arreter la...
Afin de retrouver un peu d'energie, elle s'assit pour manger, rompit, non sans peine, un morceau de pain qui etait dur et devait sortir d'une reserve quelconque ou il avait ete precieusement cache, puisque la disette regnait dans la ville ou n'arrivaient plus les convois de vivres. Afin de le rendre mangeable, elle le trempa dans l'eau bribe par bribe, but quelques gorgees pour finir et se trouva mieux. Elle eut meme le courage de sourire interieurement en songeant aux festins merveilleux auxquels Philippe de Bourgogne se plaisait, avec leurs nombreux services, leurs plats fantastiques et raffines, et auxquels elle s'ennuyait tant jadis. Le plus petit des pantagrueliques pates de ce temps-la eut ete le bienvenu !
Ensuite, elle s'efforca de dormir encore, pour eviter de penser. Son c?ur bouillait de rage contre elle- meme, de rancune contre le monde entier et, cette ville qu'elle avait tant desiree, elle la maudissait maintenant de tout son c?ur...
Mais, a la tombee de la nuit, la porte basse s'ouvrit et le geolier parut. Dans le couloir, au-dehors, quatre soldats, pique en main, attendaient immobiles.
— Faut venir ! fit l'homme, un gros pere a la mine rejouie qui avait aussi peu l'air d'un gardien de prison que possible. Catherine qui le voyait pour la premiere fois s'etonna de lui voir des yeux bleus, candides.
— Ou me mene-t-on ? demanda-t-elle.
Il haussa les epaules pour marquer son ignorance, designa le piquet de gardes :
— Eux le savent. Ca doit suffire...
Sans autre commentaire, la jeune femme se placa au milieu des soldats, monta un colimacon de pierre aux marches profondement creusees en leur milieu par le frottement de milliers de pieds et se trouva dans un rond-point voute d'ou partaient plusieurs galeries fermees par d'epaisses grilles de fer.
L'une des grilles s'ouvrit en grincant. On s'engagea dans le couloir ou aboutissait un petit escalier d'une dizaine de marches en haut desquelles il y avait une porte de chene armee d'epaisses pentures de fer et percee d'un guichet. Quand la porte s'ouvrit, Catherine se trouva au seuil d'une salle longue et basse dont les voutes etaient soutenues par quatre enormes piliers.
Au bout, contre le mur du fond perce d'une etroite fenetre en fer de lance, une longue table tenait toute la largeur. Cinq hommes etaient assis a cette table. Un autre, assis a une table plus petite, sur le cote, ecrivait, eclaire par une chandelle. Des torches brulaient contre les murs de pierre, nus a l'exception d'un crucifix.
Les gardes menerent Catherine au centre de la salle, face a la table, et resterent la, autour d'elle, l'arme au pied, impassibles. La jeune femme comprit qu'elle se trouvait la en face d'un tribunal, mais elle ne put retenir un tressaillement en reconnaissant Arnaud parmi ses juges. Il etait assis aupres de celui qui presidait, un seigneur d'une soixantaine d'annees au visage epais et severe sous une couronne de cheveux gris. Il n'avait pas d'armes, cette fois, et portait un pourpoint de daim vert sans aucun ornement. Les autres juges portaient les longues robes rouges ourlees de fourrure des echevins de la ville et etaient j des hommes d'age mur. Tous avaient des visages creuses par les privations et figes dans une totale absence d'expression. Arnaud se leva. Son regard noir tomba d'aplomb sur Catherine.
— Vous etes ici devant messire Raoul de Gaucourt, gouverneur de cette ville, et devant messires les echevins pour y repondre de l'accusation de connivence avec l'ennemi.
— Quel ennemi ? fit Catherine doucement. Je n'ai jamais adresse la parole de ma vie a aucun Anglais... ;
Le poing d'Arnaud s'abattit sur la table qui resonna sous le coup.
— Ne jouez pas sur les mots ! Les gens de Bourgogne sont nos ennemis tout autant que ceux de Suffolk... davantage meme ! Car, tout compte fait, l'envahisseur anglais ne fait la que son metier d'envahisseur, tandis que votre maitre egorge son propre pays au benefice de l'etranger. Voila pourquoi, vous qu'il a envoyee ici dans un but que nous ne comprenons que trop bien, vous vous trouvez maintenant devant ce tribunal...
— Messire, coupa Catherine avec un soupir de lassitude, ce n'est pas d'hier que nous nous connaissons, vous et moi, et vous savez parfaitement que je ne suis pas nee bourguignonne, que je ne le suis devenue que par force. Pourquoi donc me refusez- vous le droit d'avoir, librement, deliberement, tourne le dos a un parti qui ne me semblait pas avoir le bon droit pour lui ? Je suis arrivee ici demunie de tout, apres un penible voyage qui a laisse ses marques sur mes membres et...
A nouveau le poing d'Arnaud tomba. Mais, loin de s'en epouvanter, Catherine eut l'impression bizarre qu'il forcait sa colere et ne faisait autant de bruit que pour masquer une certaine faiblesse interieure.
— Taisez-vous ! s'ecria-t-il. Mieux que quiconque je sais ce que valent vos discours et ce qu'il en faut penser. Je connais votre langue doree et le grand art de persuasion qui est le votre...
Le gouverneur d'Orleans toussota.
— Messire de Montsalvy, dit-il courtoisement, je crains que vous ne vous laissiez emporter par un ressentiment tout personnel. Mieux vaudrait, je crois, que vous laissiez instrumenter ces messieurs et moi- meme.
Lorsque nous aurons appris de l'accusee ce que nous desirons en apprendre, vous pourrez requerir autant qu'il vous plaira. Et, tout d'abord, il apparait que nous avons neglige de munir la prisonniere d'un defenseur...
— Avec votre permission, Sire gouverneur, coupa doucement Catherine, je n'ai que faire d'un defenseur. Ma parole et ma bonne foi devraient suffire a vous convaincre. On m'accuse ici de mefaits que je n'ai point commis et n'avais aucunement l'intention de commettre.
— C'est ce qu'il faudra etablir. Mais commencons comme il convient et repondez d'abord a mes questions. Vous etes bien Catherine de Brazey, maitresse favorite du duc Philippe ?
Le ton de Gaucourt etait grave, mais sans rudesse. Catherine comprit que cet homme n'etait pas son ennemi et en prit un peu plus d'assurance.
— Je suis Catherine de Brazey, veuve du Grand Argentier de Bourgogne execute pour haute trahison. Et je ne suis plus rien pour Monseigneur Philippe.
A cet instant, Arnaud ricana et elle dut faire effort sur elle-meme pour ne pas s'emporter contre lui. Elle parvint meme a ne pas le regarder.
— Depuis quand ? demanda-t-il goguenard.
Les- yeux toujours fixes sur le gouverneur, elle repondit calmement :
— Depuis que je sais le prochain mariage du duc. Tous les liens qui pouvaient exister entre lui et moi sont rompus. J'ai desobei a l'ordre qui me faisait un devoir de retourner a sa Cour. Comprenez-moi, messire : voici bientot cinq mois l'enfant que nous avions eu est mort. Il a emporte avec lui le dernier lien. Je suis partie...
— Pour venir ici ? fit Gaucourt, etrange choix !... et encore plus etrange equipage pour une femme riche et puissante, car vous etiez l'une et l'autre.
— J'ai ete depouillee en chemin par un brigand du nom de Fortepice. J'ai fui son chateau quand j'ai su qu'il avait envoye a Bruges demander rancon pour moi. J'ai du continuer comme j'ai pu... c'est-a-dire a pied.
— Mais pourquoi venir ici ? Qu'y cherchiez-vous donc ?
Catherine ne repondit pas tout de suite. Un flot de sang monta lentement a son visage tandis qu'une brusque emotion serrait sa gorge.