Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (смотреть онлайн бесплатно книга txt) 📗
Le vieux se mit a rire de bon c?ur.
— Morte ? Vous voudriez pas ! Si j'n'avais pas reussi a lui faire quitter le chateau quand ces sauvages ont mis l'feu, vous n'auriez jamais revu le vieux Saturnin. J'aurais jamais pu vous regarder en face.
Et, comme Arnaud, de nouveau, le prenait aux epaules en criant :
— Vivante ! Elle est vivante ! Et ou est-elle ? Au monastere ?
Saturnin cracha par terre et haussa les epaules.
— Au monastere, il y a Valette et ses hommes... ceux qui ont brule vot'maison. Mme la comtesse, ou voulez-vous qu'elle soit ? Chez moi, bien sur ! Mais a la metairie parce qu'en ville les hommes de Valette tiennent les meilleures maisons. Venez, maintenant, on s'est trop attardes. Meme la nuit, voyez-vous, les chemins sont dangereux...
Tout en parlant, Saturnin avait pris la bride de Morgane et faisait tourner la petite jument. Avant de remettre son bonnet, il s'inclina devant Catherine avec une inconsciente dignite.
Notre dame, fit-il avec un grand respect, ca va etre un honneur pour le vieux Saturnin de vous conduire a sa maison bien qu'elle ne soit pas digne du tout de vous recevoir. Mais vous y serez chez vous et aussi maitresse que si les murs de Montsalvy etaient encore debout !
Elle le remercia d'un sourire. Un monde de sentiments contradictoires agitait la jeune femme. Ce paysan si fier et si simple qu'Arnaud traitait en ami lui ouvrait de nouveaux horizons sur le caractere de son mari. Elle entrevoyait vaguement l'enfant qu'il avait pu etre et aussi le cote intensement humain qui se cachait sous son orgueil. Elle etait heureuse a l'idee qu'elle et les siens auraient bientot l'abri d'un toit, mais, sous ce toit, il y avait tout de meme cette femme qu'elle redoutait tellement : la mere d'Arnaud ! A mesure que leur rencontre se faisait plus proche, Catherine sentait l'angoisse l'etreindre. La grande dame que devait etre Isabelle de Montsalvy saurait- elle accueillir une belle-fille sortie du peuple ou bien les jeunes epoux allaient-ils au-devant de reproches et d'une scene amere ? La jeune femme avait honte de s'avouer que, tout a l'heure, devant les decombres de la maison seigneuriale, elle avait eu, l'espace d'un instant, la pensee coupable que ce desastre lui evitait une epreuve. Malgre ses craintes, elle se reprochait cette pensee comme un crime. Elle etait trop courageuse, elle avait trop l'habitude de l'adversite pour ne pas savoir regarder les choses en face.
« L'epreuve va venir, ma fille, se dit-elle tandis que Morgane retracait ses pas vers le puy de l'Arbre, et c'est justice.
Une punition bien meritee pour ce que tu as ose penser ! »
Mais, malgre cette mercuriale interieure, les alarmes de Catherine grandissaient chaque fois que Morgane posait un sabot a terre.
La metairie de Saturnin abritait son grand toit de lauzes sous un boqueteau de sapins, au flanc du puy. L'etroit chemin a peine trace qui la desservait aboutissait un peu plus bas que les ruines, mais un escarpement rocheux la dissimulait aux regards de qui ne descendait pas assez bas vers la vallee. En l'approchant, Catherine la devina plus qu'elle ne la vit vraiment : une boursouflure plus sombre contre le fond noir du roc. Dans la facade s'ouvraient, comme des yeux rouges et ternes, deux etroites fenetres que la jeune femme regarda avec mefiance. La maison, tapie dans l'ombre, avait l'air de la guetter...
Le pas sonore des chevaux fit apparaitre la silhouette courte et noire d'une paysanne en bonnet blanc elevant une torche au-dessus de sa tete.
— Qui va la ? demanda la femme rudement.
— C'est moi, Donatienne, fit Saturnin.
— Mais, tu n'es pas seul...
La paysanne avait fait quelques pas et, brusquement, elle s'arreta. La torche trembla dans sa main et, lentement, elle se laissa tomber a genoux, le regard illumine de joie.
— O doux Jesus ! Messire Arnaud !...
Il etait deja a terre et, tandis que Saturnin aidait Catherine a descendre, relevait la vieille Donatienne, l'embrassait sur les deux joues.
— C'est bien moi... Ma mere ?
— Elle est la ! Oh, seigneur, elle va etre si heureuse !...
Arnaud, deja, ne l'ecoutait plus. Il avait saisi Catherine par la main et l'entrainait vers la maisonnette si rapidement que le c?ur de la jeune femme n'eut pas le temps de battre plus vite. Elle se retrouva dans une salle basse, au sol de terre battue, dont elle ne vit rien si ce n'est une femme en noir assise sur la pierre de l'atre et qui se levait en poussant un cri.
— Toi !
« Mon Dieu ! songea Catherine, comme elle lui ressemble ! »
En effet, la mince et haute femme brune qui, chancelante, s'appuyait au manteau de la cheminee offrait, sous une forme adoucie, une fidele replique des traits d'Arnaud : meme front haut, meme purete presque agressive des traits, meme teint mat et memes yeux noirs, mais, depassant la guimpe de toile ou s'encadrait le visage de facon presque monastique, les epais cheveux noirs se striaient de blanc, les paupieres violacees se fripaient et la bouche fine avait un pli las que n'avaient pas les levres fermes de l'homme.
Deja, Arnaud, lachant Catherine, s'etait jete aux pieds de sa mere et couvrait de baisers ses mains tremblantes.
— Mere cherie !
Appuyee au chambranle de la porte contre lequel elle s'etait reculee, Catherine contemplait le groupe forme par la mere et le fils, sans meme oser respirer. De lourdes larmes glissaient sur les joues d'Isabelle de Montsalvy tandis qu'elle enfermait dans ses deux mains le visage de son fils pour l'elever jusqu'a ses levres. Un moment, qui parut a Catherine durer un siecle, ils demeurerent etroitement enlaces. Les larmes de la mere semblaient ne devoir jamais tarir.
Derriere elle, Catherine percevait les souffles retenus de ceux que le respect maintenait dehors. Elle entendit soudain Michel vagir et, se retournant brusquement, elle arracha presque l'enfant des bras de Sara, le tint serre contre sa poitrine comme pour lui demander protection contre cette inconnue dont elle attendait avec tant de crainte le premier mot. La chaleur du petit corps niche dans ses bras lui rendit courage. Elle avala sa salive, redressa la tete. Le moment tant redoute etait arrive.
Par-dessus l'epaule d'Arnaud, Catherine vit s'ouvrir les yeux que Mme de Montsalvy avait clos pour mieux savourer sa joie. Elle les vit se poser sur elle, surpris. La question vint aussitot tandis que la mere d'Arnaud | le repoussait doucement.
— Qui est avec toi ?
Catherine fit deux pas, mais deja Arnaud etait revenu pres d'elle. Son bras entoura les epaules de la jeune femme.
— Mere, dit-il gravement, voici ma femme, Catherine...
Une de ces impulsions soudaines dont elle n'avait jamais ete maitresse jeta Catherine en avant. Elle se retrouva agenouillee a son tour devant la mere de son epoux, elevant comme une offrande l'enfant sur ses deux mains.
— Et voici notre fils, murmura-t-elle d'une voix que l'emotion enrouait. Nous l'avons nomme Michel !
Son regard violet s'accrochait a celui de sa belle- mere, implorant qu'on voulut bien l'accepter. Son c?ur cognait a grands coups dans sa poitrine et elle luttait desesperement contre une terrible envie de pleurer. Isabelle de Montsalvy regarda la jeune femme a ses pieds avec une sorte d'incredulite. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Elle se pencha cependant, scrutant le minuscule visage du bebe.
— Michel... balbutia-t-elle... vous me rendez Michel ?
Elle prit l'enfant des mains de Catherine, s'approcha du feu pour mieux le regarder. Catherine pouvait voir trembler ses levres et ses yeux s'emplir de nouvelles larmes. Elle s'attendait a la voir eclater en sanglots, mais ce fut un sourire qui vint, si clair et si jeune, le sourire meme d'Arnaud. La grand-mere caressa d'un doigt precautionneux la petite crete de cheveux dores qui se dressait sur la tete de Michel.
— Il est blond ! fit-elle d'un ton extasie, il est blond comme l'etait mon pauvre enfant.