Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (смотреть онлайн бесплатно книга txt) 📗
— Tu ne sauras sans doute jamais, chuchota-t-elle, a quel point, moi, je t'aime.
Tout pres d'eux, impassible et sourde en apparence, Isabelle de Montsalvy continuait de bercer Michel.
De cette premiere soiree a Montsalvy, Catherine devait garder une impression d'etrangete et d'absurdite. Tout avait ete tellement different de ce qu'elle avait espere, attendu... Non qu'elle regrettat vraiment le chateau seigneurial ou elle eut du regner, ou bien qu'elle eprouvat une repugnance quelconque a accepter l'hospitalite genereuse de Saturnin et de Donatienne, mais elle avait le sentiment d'avoir atteint un monde bizarre et peuple de gens qu'elle pourrait difficilement comprendre, ou meme atteindre... un monde qui etait celui de son epoux. Elle s'avouait qu'Isabelle de Montsalvy etait a peu pres telle qu'elle l'imaginait, fiere et grande dame jusqu'au bout des ongles, trop semblable a Arnaud dont Catherine connaissait si bien le caractere ardent mais difficile. La jeune femme sentait que sa belle-mere ne l'avait pas acceptee, pas encore... L'accepterait-elle meme un jour ?
Quand Gauthier etait revenu, ramenant Marie de Comborn, Mme de Montsalvy, Catherine et Arnaud etaient a diner, servis par Donatienne. Ni la brave femme ni son epoux ne se fussent permis de s'asseoir a table en meme temps que les seigneurs auxquels ils offraient un abri. Catherine avait senti toutes ses preventions revenir lorsque la jeune fille, apres un regard vers Arnaud, s'etait assise en face d'elle. La fureur qui l'avait soulevee semblait l'avoir quittee et, a la grande surprise de Catherine, c'etait elle qui lui avait adresse la parole.
— Je connais toutes les familles d'Auvergne et des environs, dit Marie, pourtant je ne vous ai jamais vue... ma cousine.
Vous n'etes pas de nos regions car j'imagine que, si je vous eusse rencontree, je m'en fusse souvenue.
— Je suis parisienne, repondit Catherine... mais j'ai passe ma jeunesse en Bourgogne...
Elle regretta le mot imprudent aussitot. Mme de Montsalvy avait pali.
— De Bourgogne... Comment ?
Arnaud ne laissa pas sa mere finir sa phrase. Avec une hate qui trahissait un peu de gene, il lanca :
— Le premier epoux de Catherine, Garin de Brazey, a ete pendu par ordre du duc Philippe pour haute trahison... Cela doit te suffire, Marie, et Catherine n'aime pas qu'on lui rappelle d'aussi mauvais souvenirs.
— Marie ignorait, intervint sa mere qui tenait les yeux fixes sur son ecuelle de potage. Au surplus, elle ne pensait pas a mal en s'enquerant de l'origine de sa nouvelle cousine. Sa question etait naturelle. Moi- meme...
— Ma mere, si vous le voulez bien, nous entamerons plus tard ce sujet, coupa Arnaud sechement. Pour ce soir, nous sommes las, encore accables par la surprise qui nous attendait ici. Ma femme est epuisee et je ne souhaite aussi que le repos.
Catherine avait alors surpris le froncement de sourcils de sa belle-mere et l'eclair moqueur dans les yeux de Marie, mais personne n'avait plus rien dit et le souper frugal s'etait termine en silence. Elle avait la sensation physique d'un epaississement progressif de l'atmosphere. Et elle ne voyait pas comment elle pourrait dissiper le malaise. Comment reagirait la mere d'Arnaud quand elle saurait que sa belle-fille etait nee sur le Pont-au-Change, dans la modeste maison d'un orfevre ? Mal sans doute puisque Arnaud n'avait pas ose, des le premier instant, dire la verite. La presence de cette Marie, jamais soupconnee, mais dont il faudrait bien mesurer la haine, n'arrangerait rien. Catherine s'etait attendue a combattre une ennemie et elle en trouvait deux !
Elle parvint cependant a faire bonne contenance durant la fin de cette soiree, s'occupa de son fils avec l'aide de Sara dont les yeux inquiets allaient sans cesse de la jeune femme a la vieille chatelaine, alla tendre calmement son front a Isabelle et adressa un bref salut a Marie. Mais, une fois dans le grenier a foin ou Dona- tienne avait arrange de son mieux un lit pour le jeune couple, elle laissa eclater a la fois sa colere et son desappointement.
— Tu as honte de moi, n'est-ce pas ? dit-elle a son mari qui, assis au bord de la paillasse, revait, les mains nouees autour de ses genoux. Comment diras-tu a ta mere qui je suis alors que, tout a l'heure, tu as eu peur ?
Il leva les yeux vers elle et la regarda un instant sans rien dire, a travers ses cils rapproches. Puis, calmement, declara :
— Je n'ai pas eu peur. Simplement, je prefere confier cela seul a seul a ma mere et non pas au milieu d'une salle de ferme et devant des etrangers.
— Si tu parles de Sara, de Gauthier, ils me connaissent et n'ont rien a apprendre. Mais si c'est de ta precieuse cousine, je concois que...
Il etendit un bras, entoura les jambes de Catherine et la fit tomber pres de lui sans la moindre douceur. La, il l'immobilisa entre ses bras et l'embrassa longuement, puis...
— Tu ne concois rien du tout ! Marie est une oie pretentieuse qui n'a jamais ecoute que ses desirs... et toi tu es presque aussi sotte si tu t'avises d'etre jalouse d'elle.
— Pourquoi non ? Elle est jeune, belle... Elle t'aime, fit Catherine avec un petit rire sec.
— Mais moi, c'est toi que j'aime. Tu me dis que Marie est belle ?
D'une seule main, il immobilisa les deux poignets de Catherine derriere son dos, de l'autre la deshabilla avec une prestesse diabolique, puis deroula les magnifiques cheveux dont il entoura son propre cou avant de ramener la jeune femme contre sa poitrine.
Il est temps que nous essayions de trouver un miroir, ma mie. As-tu donc oublie ta beaute et combien je suis devenu l'esclave de cette beaute ?
— Non, mais...
Elle n'eut pas le loisir d'en dire plus parce que la bouche d'Arnaud s'etait abattue sur la sienne et lui coupait le souffle.
Dans les instants qui suivirent elle n'eut plus du tout envie de parler. La magie profonde des caresses jouait sur elle, effacant tout le reste, tout ce qui n'etait pas le miraculeux accord que tous deux realisaient dans l'amour.
Quand, longtemps apres, elle emergea du bienheureux engourdissement, la tete contre la poitrine d'Arnaud, la conscience lui revint un peu et, d'une voix deja alourdie de sommeil, elle murmura :
— Qu'allons-nous faire, Arnaud, qu'allons-nous faire demain ?
— Demain ? (Il reflechit un instant, puis, comme si c'eut ete la chose la plus naturelle du monde.) Demain j'irai au monastere pour y couper la gorge de ce Valette. Il ne vivra pas assez pour se vanter d'avoir rase Montsalvy...
Arrachee brutalement a sa quietude momentanee et reprise d'une peur affreuse, Catherine voulut protester, mais la respiration plus forte et plus reguliere du jeune homme lui apprit que, deja, il s'etait endormi.
N'osant bouger pour ne pas l'eveiller car ses bras etaient demeures noues autour d'elle, Catherine demeura longtemps les yeux grands ouverts dans cette obscurite qui sentait le fourrage, apprenant peu a peu les mille bruits imperceptibles qui peuplaient le silence nocturne de ce pays inconnu. Elle aurait voulu, puerilement, que cette nuit, ou leurs deux corps demeuraient confondus, n'eut jamais de fin. Pour la premiere fois depuis bien longtemps, ils avaient ete l'un a l'autre pleinement, sans restriction, sans gene et sans entraves. La conscience de son amour l'etouffait presque et demain, ce demain ou la lutte devait ineluctablement reprendre, l'effrayait. Sous sa joue, la peau du jeune homme etait lisse et chaude et elle entendait son c?ur battre calmement, profondement... Il etait a elle comme jamais encore il ne l'avait ete. Et Catherine, brusquement, balaya ses terreurs, chassa les questions sans reponse. Une chose, une seule, comptait dont elle venait de prendre conscience avec une implacable acuite : jamais elle ne laisserait qui que ce fut, ni quoi que ce fut lui prendre Arnaud ! Sa propre chair, son propre sang n'etaient que les prolongements de ceux d'Arnaud. Elle ne laisserait ni Marie de Comborn, ni Valette, ni la vie, ni les hommes, ni la mort l'amputer de ce qui etait sa seule raison d'etre...