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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (смотреть онлайн бесплатно книга txt) 📗

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— Tu as raison, dit-il d'une voix rauque. Il me reste un fils, une femme... et la haine ! Maudit soit le Roi qui me paie ainsi de ma fidelite et du sang verse sans compter ! Maudit soit Charles de Valois qui a livre les miens a son valet, detruit ma maison, tue ma mere ! Je lui denie, a partir de cet instant, mon serment d'allegeance et je n'aurai ni treve ni repos tant que...

— Non ! cria Catherine epouvantee par cette voix qui s'enflait comme un ouragan, par cette colere formidable qu'elle sentait monter dans les veines d'Arnaud comme le flot de lave qui trace son chemin vers le cratere du volcan.

Elle s'abattit sur lui, arracha l'enfant de ses mains et enferma le petit dans ses bras.

— Non, repeta-t-elle plus bas. Je ne veux pas de malediction autour de mon enfant ! Tu ne dois pas, Arnaud, tu ne dois pas dire de telles choses !

Pour la premiere fois, il tourna vers elle son visage noir de fureur.

— Ma mere git, sans doute, sous les decombres de notre maison, je suis proscrit... (Il saisit le parchemin qu'elle n'avait pas lache et l'agita au bout de son poing.) Tu sais lire ? Traitre et felon ! Moi ? Traitre et felon comme Jehanne etait heretique et sorciere ! La honte, le desespoir et le bourreau ! Voila comment le roi Charles recompense ses serviteurs !

— Ce n'est pas lui, fit Catherine d'un ton las, et tu le sais bien...

— Il est le Roi ! Si c'est ainsi qu'il pretend exercer la royaute, mieux vaudrait, pour lui, le couvent, la tonsure, et pour le royaume le duc de Bourgogne sur le trone !

Une vague de desespoir envahit Catherine. Fallait-il qu'Arnaud en fut arrive aux extremes limites de la colere et de la douleur pour qu'il en fut venu a souhaiter pour suzerain l'homme que, toute sa vie, il avait hai et combattu ! Allait-il donc, maintenant, se tourner vers l'ennemi, vers l'homme auquel Catherine s'etait arrachee a si grande peine pour le rejoindre, lui ? Elle secoua la tete. De grosses larmes roulerent de ses yeux jusque sur la joue du petit Michel. Elle posa, avec passion, ses levres sur le petit visage, ramena sur ses epaules le manteau qui en avait glisse pour mieux en envelopper l'enfant. Le vent des hauteurs soufflait plus fort, venu du trou noir qu'etaient devenues les vallees envahies par la nuit. La torche que Fortunat avait allumee depuis un instant semblait s'effilocher dans les rafales humides. Catherine frissonna, regarda tour a tour les personnages figes de cette scene penible. Ses yeux s'arreterent sur son epoux. Il etait toujours debout devant les decombres, droit comme une lance, ses yeux farouches rives a ces ruines fraiches que la lueur du feu faisait plus sinistres encore... Une vague de decouragement saisit la jeune femme. Une fois encore il lui echappait et elle ne savait comment le rejoindre au-dela de ce mur de fureur dans lequel il s'enfermait. Il ne pouvait rien comprendre de ses paroles d'apaisement car, pour l'heure presente, il n'etait que revolte.

Pensant qu'en sa faiblesse de femme residait sans doute sa meilleure arme, elle s'approcha, s'appuya contre lui.

— Arnaud, murmura-t-elle, ne pouvons-nous essayer de trouver un abri ? Le vent se leve et je suis transie. Et puis, j'ai peur pour Michel.

Quand il baissa les yeux vers elle, Catherine vit que la colere les avait quittes, mais qu'ils etaient pleins d'une poignante tristesse. Le bras du jeune homme entoura ses epaules et la serra contre lui.

— Pauvrette ! Tu es lasse et tu as froid ! L'enfant aussi a besoin qu'on s'occupe de lui. Viens ! Pour le moment, nous n'avons plus rien a faire ici.

Le contact rassurant des muscles durs rendit courage a Catherine. Elle leva vers son mari son visage confiant.

— Les ruines se relevent, Arnaud, et le temps efface "les larmes !

— Mais il ne ressuscite pas les morts ! Et ma pauvre mere... (Il y eut une brisure dans sa voix et Catherine sentit ses doigts se crisper sur son epaule, mais il se maitrisa, reprit d'un ton morne) Je devine qu'elle a du defendre sa maison jusqu'au bout ! Demain, il faudra bien que les gens du village m'aident a fouiller ces ruines pour retrouver son corps et lui donner la sepulture qui convient. Pour le moment, allons au monastere ! Nous n'avons pas ete toujours d'accord, l'abbe et nous, mais il ne pourra nous refuser l'asile.

On remonta a cheval, puis la troupe morne fit demi- tour et, a la suite de Montsalvy, s'engagea dans le tunnel d'arbres parcouru si joyeusement une heure plus tot. Les ruines de Montsalvy demeurerent livrees a leur solitude et au vent gemissant qui semblait venir des grands causses tout expres pour pleurer sur elles.

Le point de lumiere, d'un jaune rougeatre, que l'on avait vu paraitre dans le sentier avait grandi rapidement. Catherine comprit que c'etait une lanterne balancee au bout du bras de quelqu'un marchant a leur rencontre. Bientot, la torche que portait Fortunat et la lanterne furent sur le meme plan et s'arreterent. A demi cache par le dos d'Arnaud, la jeune femme vit un paysan si tanne et si brun, en meme temps que si vigoureux, que le sarrau et les chausses de laine dont il etait vetu semblaient habiller un vieil arbre noueux. Des cheveux gris et raides depassaient de son bonnet brun, enfonce jusqu'aux oreilles, mais les yeux, enfouis sous une broussaille de sourcils gris, avaient un eclat joyeux dans leurs prunelles noisette.

Le visage etait rude : des levres serrees qui ne devaient pas s'ouvrir aisement, un menton en galoche, un nez en lame de couteau, mais les plis creuses autour de la bouche s'accusaient davantage a droite donnant a la physionomie une expression de malice et d'astuce.

Pour le moment, le paysan, dedaignant Fortunat et sa torche, avait marche droit sur Arnaud et s'arretait, le nez leve, juste sous la tete du cheval. Il eleva sa lanterne pour que sa figure fut bien dans la lumiere puis tira son bonnet.

— Not’ seigneur ! dit-il, m'avait bien semble vous reconnaitre tout a l'heure, sur la lande, quand vous galopiez comme si l'diable vous courait apres ! L'bon Dieu soit beni qui vous ramene au pays !

La bouche mince s'etirait en un large sourire qui montrait des gencives denudees par endroits. Tout le vieux visage rayonnait d'une joie si grande qu'elle effacait la nuit. Catherine vit deux larmes briller au coin des paupieres tandis que le bonhomme s'agenouillait dans la boue sans cesser de regarder Arnaud comme il eut regarde un archange. Celui-ci, d'ailleurs, sautait a bas de son cheval, empoignait le paysan aux epaules et l'embrassait sur les deux joues.

— Saturnin ! Mon vieux Saturnin ! Sangdieu ! Quel bien cela me fait de te revoir ! Toi, au moins, tu pourras me dire...

Cette fois, sous l'etreinte d'Arnaud, le vieil homme pleurait pour de bon et riait tout a la fois.

— Ah ! maintenant qu'vous etes la, messire Arnaud, tout va aller mieux ! Vous en viendrez a bout, vous, de ces faillis chiens qui sont tombes sur not’ pays comme des corbeaux.

Tout en parlant, les yeux vifs de Saturnin avaient decouvert Catherine sur Morgane qui encensait et Sara, tassee sur Rustaud, le bebe dans les bras.

— Oh ! fit-il avec une naive admiration, la belle dame ! Vrai, not’ seigneur, jamais j'n'en ai vu de si belle... C'est-y que...

C'est ma femme, Saturnin, repondit Arnaud avec une nuance de fierte qui fit sourire Catherine. Et voici mon fils ! Tu peux baiser sa main... Ma chere, Saturnin est le bailli de Montsalvy et notre plus fidele serviteur. Il a l'air, comme cela, d'un paysan, mais il a pignon sur rue. Il nous a eleves, Michel et moi... presque autant que notre mere...

De nouveau la voix d'Arnaud se brisa en evoquant sa mere, mais, deja, Saturnin, qui venait de baiser la main de Catherine, se retournait vers lui en s'ecriant :

— Vieille bete que je suis a vous t'nir la au lieu d'vous emmener bien vite la trouver ! Elle va etre si heureuse notre pauvre maitresse !

— Ma mere ? Tu sais ou elle est ? Elle n'est pas...

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