Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (смотреть онлайн бесплатно книга txt) 📗
— Je ne t'ai pas trompe...
L'Espagnol fit quelques pas vers les soldats qui, insensiblement, s'etaient rapproches. Leur cercle de fer enfermait maintenant l'espece de plate-forme etroite ou s'ouvrait la grotte et Catherine, a demi morte d'epuisement et de terreur, pouvait voir luire les fauchards de guerre, les guisarmes et les haches dans les poings d'hommes a l'aspect barbare. Tout ce sauvage appareil guerrier qui menacait la vie fragile d'un enfant, de son enfant a elle !
La voix de Villa-Andrado s'eleva, vigoureuse, repercutee par l'echo, semblable dans son ampleur a quelque trompette de jugement dernier.
— Je suis libre et la paix est faite ! dit-il. Merci a toi, Chapelle !
— Nous n'attaquerons pas ? fit un petit homme mince et fluet qui s'etait detache des rangs et que Rodrigue de VillaAndrado dominait de toute la tete.
C'etait tres certainement le fameux Chapelle et Catherine sentit l'inquietude lui revenir en decelant un regret dans sa voix.
— Non. Nous n'attaquerons pas.
— Et si... pourtant, nous preferions attaquer, moi et mes hommes ? Avez-vous oublie que le seigneur de Montsalvy est recherche comme traitre et criminel d'Etat ?
Le coup partit avant que quiconque n'eut pu le pre voir. Le poing de l'Espagnol se leva et Chapelle alla rouler jusqu'au torrent.
— Je pendrai de mes mains quiconque discutera mes ordres !
Et mes ordres sont les suivants. Que l'on aille au chateau chercher une litiere et que l'on fasse preparer une chambre.
Toi, Pedrito...
La suite du discours, en espagnol, fut incomprehensible pour Catherine, mais deja Arnaud s'interposait.
— Un instant ! Nous ne nous battrons pas, mais je refuse ton hospitalite. Je ne franchirai l'enceinte de Ventadour que lorsque son legitime proprietaire m'y attendra.
— Ta femme a besoin de repos, de nourriture !...
— Cesse de te preoccuper de ma femme ! Nous partirons quand le jour se levera. Rentre dans ton repaire et quittons-nous ici... Accepte cependant mes remerciements.
Le visage sombre de Villa-Andrado se detourna. Son regard accrocha au passage celui de Catherine, puis se detourna, envahi d'une sorte de gene.
— Non. Tu ne me dois aucun remerciement... Tu comprendras plus tard pourquoi je ne veux pas etre remercie. Adieu donc, puisque tu le veux... Nul ne t'inquietera sur les terres de Ventadour.
Il fit quelques pas et plia le genou devant Catherine, l'enveloppant d'un regard brulant sous lequel, a son tour, elle rougit.
— J'avais espere vous recevoir en reine, belle dame. Pardonnez-moi de vous laisser ici. Un jour, peut-etre, aurai-je la joie...
— Cela suffit ! coupa Arnaud durement. Va-t'en !
Avec un haussement d'epaules, Villa-Andrado se releva, mit la main sur son c?ur pour saluer Catherine et se detourna.
La jeune femme vit la grande silhouette rouge s'eloigner entre les arbres, dans la lumiere argentee. Cet homme etrange l'intriguait, mais ne lui inspirait aucune aversion. Il avait agi en gentilhomme et elle en voulait un peu a Arnaud d'avoir refuse son hospitalite. Elle eut tant aime un bon lit, un grand feu flambant, quelque chose de chaud a boire et aussi plus de securite pour le bebe qui dormait dans les bras de Sara. Le froid de la nuit la saisit et elle frissonna. Mais le leger soupir qu'elle avait pousse n'avait pas echappe a Sara.
— En verite, voila de bien beaux sentiments ! fit- elle avec humeur en s'adressant a Montsalvy, mais avec quoi pensez-vous nourrir votre epouse, dans l'etat de faiblesse ou elle se trouve ? C'est fort bien de jouer les difficiles et de trancher en dedaigneux, mais il faut que Catherine mange, sinon l'enfant n'aura pas de lait et...
— La paix, femme ! coupa le jeune homme avec lassitude. J'ai fait ce que mon honneur commandait. Que peux-tu comprendre ?
— Ceci : il faudra donc que Catherine et l'enfant deperissent a cause de votre honneur ? En verite, Messire, vous avez une etrange facon d'aimer.
Le reproche le cingla. Il se detourna de Sara, se pencha vers Catherine, a son tour, l'enleva dans ses bras.
— Penses-tu aussi que je ne t'aime pas, mon amour ? Peut-etre Sara a-t-elle raison et suis-je trop dur, trop fier !... Mais il m'etait si penible d'accepter l'hospitalite de cet homme. Je n'aime pas sa maniere de te regarder...
— Je ne te reproche rien, dit-elle en nouant ses bras autour du cou de son mari et en posant sa tete contre son epaule...
Je suis forte, tu le sais... Mais j'ai froid. Ramene-moi dans la grotte. Peut-etre la fumee est-elle dissipee. J'ai si peur que le petit ne prenne mal !
La fumee etait dissipee. Il ne restait plus qu'une vague odeur, insuffisante pour incommoder. Tandis qu'Arnaud reinstallait Catherine, Sara s'occupa de rallumer du feu a l'entree. Gauthier s'etait esquive pour voir si les cadavres des chevaux, qui avaient ete tues durant le combat, etaient demeures sur place. Il voulait en depecer un pour en faire rotir quelques quartiers. Mais a peine etait-il parti que trois hommes apparurent. Deux d'entre eux portaient une grande corbeille couverte d'un linge blanc, le troisieme une petite aiguiere d'argent. Tous etaient vetus du tabard armorie, timbre des barres et du croissant de l'Espagnol. Ils saluerent d'un meme mouvement, poserent leur charge a l'entree de la grotte. Le plus grand vint a Catherine, tira un parchemin roule de sous sa tunique et, genou en terre, le tendit a la jeune femme. Puis, sans attendre de reponse, il salua, fit demi-tour et disparut avec ses camarades avant qu'Arnaud, Sara ou Catherine meduses eussent fait un geste. Mais la surprise ne dura pas. Sara courut a la corbeille, souleva le linge.
— Des vivres ! s'ecria-t-elle joyeusement. Des pates, des volailles roties, du pain blanc ! Doux Jesus ! Voila combien de temps que nous n'avons goute de telles merveilles ! Et la, dans l'aiguiere d'argent, il y a du lait pour le petit ! Dieu soit beni !
— Un instant ! coupa Arnaud sechement.
Il prit le parchemin que Catherine n'avait pas encore songe a derouler, le lut. Son beau visage devint pourpre.
— Par le diable ! s'ecria-t-il, ce damne Castillan se moque de moi... Comment ose-t-il...
— Laisse-moi lire, pria Catherine.
Il lui tendit le parchemin avec une visible mauvaise grace. Il y avait peu de mots ecrits.
« Trop belle dame,ecrivait Villa-Andrado, meme un homme aussi intransigeant que votre epoux ne peut vouloir que vous mouriez de faim... Agreez ces modestes offrandes, non comme un secours mais comme un hommage rendu a une beaute que la faim ne doit pas alterer et que j'espere ardemment avoir l'immense faveur de contempler encore dans les temps a venir... »
Elle ne put s'empecher de rougir, laissa le parchemin se rouler de lui-meme. Arnaud s'en empara et le jeta dans le feu.
— Croit-il pouvoir courtiser mon epouse a mon nez, a ma barbe, ce chien puant ? Et, quant a ses presents...
Il marchait d'un air resolu vers la corbeille, mais trouva sur son chemin Sara qui, les bras etendus, un air de defi sur son visage, lui barrait le passage.
— Ah non ! Par exemple ! Vous ne toucherez pas a ces victuailles qui nous tombent du ciel ! Messire, il vous faudra me passer sur le corps avant d'y atteindre ! A-t-on jamais vu pareille folie ! Je vous jure bien que Catherine mangera, que cela vous plaise ou non.
Elle defiait le jeune homme, les yeux furieux, prete a lui sauter a la figure. Emporte par la colere, il leva la main. Il allait frapper. Un cri de Catherine l'arreta.
— Arnaud ! Non !... Tu es fou !...
La main retomba, sans force, le long de la cuisse du jeune homme. Peu a peu, son visage perdit la teinte pourpre qu'il avait prise. Finalement, il haussa les epaules.
— Apres tout, c'est toi qui as raison, Sara... Il faut que Catherine et le bebe prennent des forces. Donnes en aussi aux hommes, ils en ont besoin.
— Et toi ? pria Catherine desolee.