Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (смотреть онлайн бесплатно книга txt) 📗
— Sang du Christ ! s'ecria Arnaud. Il a des poumons, le bougre !
— Il doit avoir faim, fit Sara. Je vais lui donner un peu d'eau tiede avec du sucre, en attendant que le lait vienne. J'en donnerai aussi a Catherine. Puis elle dormira. C'est de cela surtout qu'elle a besoin : dormir.
Elle ne demandait que ca, dormir. Pourtant, le premier instant de joie passe, la conscience de leur situation lui revenait et, deja, de sa main libre, elle s'accrochait a Arnaud qui s'etait glisse pres d'elle pour lui offrir l'appui de sa poitrine.
— Dis-moi, le combat ?
Nous sommes vainqueurs... d'une certaine maniere... J'entends que nous sommes momentane ment en surete : du moins tant que nous conservons l'otage que tu vois la-bas.
En effet, de l'autre cote du feu, pres de l'entree de la grotte, Catherine put voir, garde par l'enorme Escorneb?uf et par deux Gascons, un personnage qu'elle n'avait jamais vu. Grand, mince, sec comme une rapiere et tout vetu de rouge, il avait un visage mince dont le principal ornement etait un grand nez en bec d'aigle. Le menton arrogant, la bouche rouge et sensuelle, l'inconnu pouvait avoir une quarantaine d'annees. Quelques fils blancs striaient ses cheveux noirs et plats qu'il portait assez longs. Assis sur une pierre, ses longues jambes repliees, il regardait le feu d'un air de profond ennui, mais sa situation de prisonnier ne semblait pas l'inquieter outre mesure.
— Qui est-ce ? demanda la jeune femme.
— Rodrigue de Villa-Andrado, en personne... J'ai pu lui tomber dessus durant le combat et, en menacant sa gorge de ma dague, j'ai fait cesser la bataille. C'est une bete sauvage, mais ses hommes tiennent a lui. J'ai pu l'emmener jusqu'ici et les gens du chateau ne tenteront rien contre nous, de peur qu'il ne soit mis a mort.
Au meme instant, l'Espagnol bailla demesurement, tourna les yeux vers le fond de la grotte.
— Je regrette de t'enlever tes illusions, Montsalvy, mais les hommes de ma bande me connaissent et savent que je ne crains pas la mort. Sois certain qu'ils feront tout pour me reprendre et, a moins que tu ne m'egorges de sang-froid, tu ne pourras pas m'emmener avec toi dans la mort qui t'attend. Souviens-toi... tu n'as plus que quatre hommes, meme si deux d'entre eux valent triple.
— C'est vrai, chuchota Sara a Catherine. Les Gascons ont presque tous ete tues. Nous n'avons plus que le sergent et deux hommes d'armes... et pour comble nous n'avons plus rien a manger.
Autrement dit, repliqua la jeune femme avec angoisse, cette grotte nous a peut-etre offert un abri, mais elle est, en meme temps, un piege qui s'est referme.
Brusquement, Catherine avait l'etouffante sensation que la grotte se resserrait sur elle, insensiblement mais inexorablement. Pourquoi avait-il fallu que l'enfant vint au monde au fond de ce tombeau ?
Le son pourtant etouffe des deux voix feminines etait sans doute parvenu aux oreilles de Villa-Andrado car il se leva brusquement et, suivi immediatement par Escorneb?uf, marcha vers le fond de la grotte.
— Reste ou tu es ! lanca Arnaud rudement.
— Pourquoi donc ? Veux-tu donc m'obliger a crier quand il nous est possible de causer paisiblement ? Tu dois comprendre, avant qu'il soit trop tard, que ta situation n'est pas aussi bonne que tu le crois et que...
Il s'arreta court. A la lumiere incertaine de la branche flambante que Gauthier, fige a cote de la paillasse dans une immobilite de cariatide, tenait toujours, l'Espagnol venait d'apercevoir Catherine, etendue sous des manteaux, pale et defaite, mais enveloppee de la masse somptueuse de ses cheveux denoues qui lui composaient tout a la fois un manteau royal et une aureole de lumiere. Le sourire sarcastique s'effaca des levres de Villa-Andrado sous le coup de la surprise.
Un instant, la jeune femme et le chef mercenaire se regarderent... Elle lut dans les yeux sombres de l'homme une admiration non deguisee et, dans le secret de sa pensee, le jugea interessant. Ce visage anguleux et sec, visiblement petri d'orgueil, formait un contraste etrange avec le regard ou se montrait une chaleur inattendue. C'etait, a n'en pas douter, une bete de proie, mais une bete de race et, de plus, l'intuition feminine de Catherine le lui soufflait secretement, il appartenait a cette categorie d'hommes qu'une femme regarde toujours au moins deux fois, si ce n'est plus ! Mais, pour le moment, Villa-Andrado etait en extase.
Rose de mai !murmura-t-il, de toute douceur pleine Gente et jolie Vous etes fleur, de toute fleur...
— Qu'est cela ? aboya Arnaud hargneusement en se plantant entre l'Espagnol et la jeune femme. Te prends-tu pour un menestrel ou bien penses-tu que ma femme ait quelque plaisir a entendre des fadaises ?
Rodrigue leva vers Montsalvy un regard de somnambule.
— Ta femme ? murmura-t-il... J'ignorais que tu fusses marie, Montsalvy. Et je vois la un enfant... Je ne comprends pas.
— Je te croyais plus intelligent, ricana Arnaud. Il est aise cependant de comprendre. Nous regagnions en toute hate mes terres, mais les rigueurs du chemin ont eu raison de mon epouse. Nous esperions trouver a Ventadour de chers cousins en meme temps qu'une halte dont Mme de Montsalvy avait le plus grand besoin... et nous n'avons trouve qu'une bande de charognards et des armes brandies. Toi et les tiens, noble chevalier, avez contraint ma femme a mettre son fils au monde au fond d'un trou de taupes ! Heureuse encore de l'avoir trouve ! Tu as compris maintenant ?
Le ton acerbe d'Arnaud frappa Catherine. Si affaiblie qu'elle fut et si inquiete de l'avenir proche, elle ne craignait pas l'Espagnol. Un homme qui pouvait la regarder avec cette expression eblouie ne pouvait etre un danger. Pourquoi donc Arnaud cherchait-il a attiser sa colere ? Seule, sans doute, la jalousie excitait sa hargne et Catherine savait deja que cette jalousie pouvait etre feroce.
Mais Villa-Andrado ne parut pas s'emouvoir. Avec une aisance de grand seigneur, il mit genou en terre devant Catherine, sa main gauche posee sur son c?ur et son regard rive au pale visage encadre d'or.
Jadis, fit-il d'une voix emue, la plus noble et la plus sainte de toutes les femmes mit au monde, elle aussi, son enfant sur un peu de paille. C'est un pre- J cedent qui doit etre de quelque reconfort, Madame. Pourtant, l'eclat de votre grace efface en moi jusqu'a ce souvenir. Seule l'etoile qui brillait dans cette nuit sacree devait approcher, gracieuse dame, d'une si merveilleuse beaute !
C'etait plus que Montsalvy n'en pouvait endurer. Sa main s'abattit sur l'Espagnol qu'il empoigna par le col de son pourpoint et remit de force sur ses pieds.
— En voila assez ! Tu devrais me connaitre suffisamment pour savoir qu'un tel langage adresse a ma femme ne peut que me deplaire.
Un mince sourire etira la bouche sinueuse du Castillan et mit une flamme dans ses yeux. Catherine eut le sentiment net qu'il se moquait d'Arnaud.
— Il te faut, dans ce cas, l'obliger a ne sortir que voilee, comme les femmes maures, car, partout ou elle ira, la beaute de ton epouse illuminera la nuit et courbera l'echine des hommes sous le poids du desir. Mais, ajouta-t-il perfidement, je te felicite et je t'envie, Montsalvy. Il semble que tu connaisses les enchantements qui attirent les femmes les plus eclatantes. Isabelle de Severac, a laquelle tu fus fiance jadis, etait belle entre toutes et je te l'enviais. Mais aupres de ton epouse, elle n'etait qu'un pale rayon de lune aupres d'une aurore d'ete.
Le rappel aux anciennes fiancailles de Montsalvy etait une maladresse deliberee et Catherine ne s'y trompa point.
Encore que le nom d'Isabelle lui fut desagreable, elle avait assez de puissance sur elle- meme pour ne plus redouter une morte. D'ailleurs, Arnaud l'avait-il jamais aimee, cette Isabelle ? L'insolence voulue de Villa-Andrado lui fit craindre une empoignade entre les deux hommes. Elle devina confusement une ancienne rivalite et le ton de l'Espagnol ne laissait-il pas supposer que cette rivalite venait de trouver un nouveau terrain de lutte ? Arnaud avait rougi et deja ses poings se serraient, prets a frapper ce visage moqueur ou les yeux brillaient d'un eclat sardonique. Mais il n'eut pas le temps de riposter, ni Catherine celui d'intervenir. L'un des Gascons, demeures de garde a l'entree, avait bondi vers eux.