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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (смотреть онлайн бесплатно книга txt) 📗

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Apparemment, Xaintrailles avait fait de la bonne besogne et n'avait rien laisse au hasard. Le Grand Sceau de France pendu a ce faux caracteristique faisait grand honneur a la fois a son sens de l'amitie, a ses relations et a son astuce.

Mentalement, Catherine avait adresse un remerciement emu a ce grand garcon roux et moqueur dont la brutalite joyeuse n'avait d'egal que le devouement. Un regret aussi ! Dieu seul savait quand les Montsalvy reverraient leur ami !

Maintenant, la petite troupe chevauchait paisiblement sur l'antique voie romaine, encore distincte, qui, de l'ancienne Avaricum1, piquait droit vers les monts d'Auvergne a travers le Berry et le Limousin. Arnaud marchait en tete. Il montait un grand destrier noir et luttait contre l'ardent desir de lancer sa monture au galop. Il y avait si longtemps qu'il n'avait galope ainsi dans le vent avec, derriere lui, le claquement joyeux des plis de son manteau. Mais l'etat de Catherine exigeait une allure plus moderee et il lui fallait bien freiner son impetuosite naturelle. Derriere lui, Catherine venait, encadree de Sara et de Gauthier. Elle avait retrouve Morgane avec joie. Une joie que la petite jument semblait partager entierement. Les oreilles bien droites, elle trottait allegrement, faisant danser sa queue dont le panache blanc luttait d'eclat avec la neige. Sara, elle, avait reconquis son Rustaud avec une entiere satisfaction. Le poids, deja considerable de la bohemienne, s'accommodait parfaitement des habitudes paisibles de l'animal et, pour le moment, indifferente au froid, elle sommeillait. Mais Gauthier, lui, ne dormait pas. De temps en temps, il jetait un regard en arriere vers l'enorme Escorneb?uf qui fermait la marche avec ses Gascons. Entre les deux hommes, qui devaient etre de force sensiblement egale, l'antipathie avait ete immediate. Il avait suffi pour cela d'un coup d'?il echange, un coup d'?il que Catherine avait surpris et dont elle avait saisi le sens. Habitues a dominer les autres par le seul prestige de leur force, le Normand et le Gascon brulaient d'envie de se mesurer l'un contre l'autre. Elle avait fait part de ses craintes a son epoux.

1 Bourges.

— Tot ou tard ils se battront, avait-elle chuchote en regardant Escorneb?uf qui s'essuyait le nez sur sa manche en contemplant d'un air reveur Gauthier en train de seller Morgane.

— Si c'est une lutte courtoise, ce sera amusant de voir s'empoigner ces deux geants. Mais si c'est une vraie bagarre, je saurai bien les separer. C'est au fouet que l'on dresse les fauves et j'en ai depuis longtemps l'habitude.

Cette reponse, bien dans la maniere d'Arnaud, n'avait fait qu'augmenter les craintes de Catherine. Elle se promit de veiller au grain, mais elle ne put s'empecher de penser que la vie serait infiniment plus simple si l'on pouvait debarrasser les hommes de ce gout immodere qu'ils avaient de s'entretuer. Instinctivement, elle porta une main a son ventre. Celui qui, deja, vivait la, serait-il, lui aussi, l'une de ces machines de guerre lucides et implacables ? Le sang ardent des Montsalvy etoufferait-il tout a fait celui, infiniment plus paisible, de sa mere et de son grand-pere, le bon Gaucher Legoix, pendu parce qu'il aimait avant tout la paix ? Pour la premiere fois, Catherine eut peur de ce mystere vivant qu'elle portait au creux de sa chair.

A cette inquietude, une autre s'enchaina, tout naturellement : celle de l'inconnu qui s'ouvrait devant elle. Qu'allait-elle trouver au bout de cette route ? Qu'est-ce qui l'attendait dans ce pays d'Auvergne dont elle n'avait pas la moindre idee ?

Des montagnes, c'est-a-dire un aspect inedit de la nature pour la fille des plaines qu'elle etait... des visages etrangers, une demeure nouvelle, une belle-mere... Au fond, c'etait cette derniere image qui etait la plus angoissante : la mere d'Arnaud !

D'elle, Catherine savait peu de chose, sinon que ses fils l'adoraient. Jadis, dans la cave des Legoix, avant d'etre massacre par la populace parisienne, Michel de Montsalvy avait evoque sa mere pour la fillette attentive qu'elle etait ; une grande dame demeuree veuve de bonne heure avec deux garcons a elever, une lourde maisonnee, des terres. Il lui semblait encore entendre la voix de Michel : « Ma mere demeurera seule, avait-il dit, lorsque mon frere entrera, a son tour, dans la carriere des armes. Elle en souffrira sans doute, mais elle n'en dira rien. Elle est trop haute et trop fiere pour une plainte. »

« Comment, songeait alors Catherine, la haute et fiere chatelaine accueillerait-elle cette belle-fille inconnue, roturiere de surcroit ? Et, s'il leur fallait vivre cote a cote, comment se deroulerait cette vie ? »

— A quoi penses-tu ? demanda Arnaud qu'elle n'avait pas vu revenir vers elle, absorbee qu'elle etait dans sa songerie.

Elle sourit a son expression anxieuse et, comme il ajoutait :

— Tu n'es pas bien ? Tu es lasse peut-etre ?

— Non, repondit-elle, je reflechissais seulement.

— A quoi ?

— A ce qui nous attend... a ton pays... ta famille.

Un brusque sourire fit briller les dents d'Arnaud, il se pencha sur sa selle, entoura d'un bras les epaules de Catherine et appuya vivement ses levres sur sa tempe.

— A moi tu peux bien l'avouer, chuchota-t-il. Tout cela te fait peur, non ?

— Un peu... oui.

— Tu as tort. Si tu aimes l'Auvergne, elle te le rendra au centuple. Quant a ma mere, puisqu'elle est a elle seule toute la famille directe, je crois que tu lui plairas. Elle aime avant tout le courage...

Reglant le pas de son cheval sur celui de Morgane qui faisait des graces au grand etalon noir, Arnaud, longtemps, parla de son pays a sa femme. Peu a peu, elle oublia le paysage mollement vallonne sous sa couche de neige pour imaginer un haut plateau vente, s'ecroulant en pentes rocheuses et boisees sur une vallee profonde ou coulait une riviere, des monts bleus dans les brumes du matin, violets quand le soleil se couche, des rochers noirs et des eaux blanches. Elle avait hate, tout a coup, d'atteindre cet etrange pays ou, peut-etre, le bonheur l'attendait, embusque derriere les murs adoucis de lierre d'un vieux chateau qui n'avait plus besoin d'etre forteresse. Elle en oubliait meme la menace redoutable que faisait peser sur le pays l'ombre malefique du routier espagnol. Mais Arnaud, lui, ne l'oubliait pas... Apres un moment de silence, il dit, la voix assombrie :

— Et tout cela maintenant est menace, en danger, parce que l'insatiable rapacite d'un La Tremoille a decide de s'approprier un fief au mepris de tout droit feodal ! Le temps me dure d'arriver la-bas... oui, le temps me dure !

Tant que l'on fut en terre berrichonne, relativement protegee encore par le sejour permanent du Roi et demeuree a peu pres cultivee, le voyage fut sans histoire. La nourriture etait rare et chere, mais l'or prete par Jacques C?ur si genereusement - Arnaud n'avait pu lui faire accepter la moindre reconnaissance de dette faisait entrouvrir bien des huches et bien des poulaillers dans les auberges ou l'on s'arretait. Mais le decor changea et tout devint singulierement difficile quand on aborda le rude et sauvage pays de Limousin. C'etait le pays des vastes solitudes, des monts courts, coupes de vais creux que l'hiver faisait sinistres, des marecages figes par le gel dont les glaces troubles etreignaient encore des roseaux morts. Les rares villages s'enfouissaient dans les bas-fonds broussailleux comme s'ils cherchaient a se cacher du ciel lui-meme, si pauvres que les petites eglises grises, naives et pures n'y etaient couvertes que de chaume. Jadis, les paysans cultivaient le seigle, les raves, les choux et un peu de ble, la vigne aussi dans le bas pays, plus sec. Mais tant de troupes avaient passe et repasse, Anglais, Armagnacs, Bourguignons, routiers et brigands, l'allie aussi rapace que l'adversaire, que la terre limousine, decouragee, etait retournee a la sauvagerie primitive.

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