Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (смотреть онлайн бесплатно книга txt) 📗
Dans la chapelle, un pretre en chasuble blanche priait, agenouille, sa tete tonsuree brillant faiblement dans la lumiere des deux cierges allumes de chaque cote de l'autel. Aupres de lui, un enfant de ch?ur se dandinait sur ses genoux, tripotant l'encensoir pose devant lui. L'emotion de Catherine s'accrut en reconnaissant le nez trop grand et le bon visage aux traits solides de frere Jean Pasquerel qui avait ete l'aumonier de Jehanne d'Arc et que sa fidelite au souvenir de celle qu'il avait connue mieux que personne contraignait a se cacher pour fuir la persecution de La Tremoille. La haine du gros chambellan contre la Pucelle etait telle que venerer sa memoire suffisait pour devenir la cible de ses coups.
Entendant approcher, frere Jean se releva, sourit et tendit les deux mains au jeune couple.
— Beni soit Dieu qui nous reunit ici, mes amis, et me permet d'etre l'instrument de Sa Volonte pour batir votre bonheur. Les temps difficiles ou nous vivons nous obligent a demeurer caches, mais je suis certain que cela ne durera pas et que le temps de la lumiere reviendra.
— S'il depend de moi, fit Arnaud, il reviendra vite. Qu'un seul homme tienne ainsi en dependance un royaume ne se peut concevoir, et il suffit d'une epee...
— Mon fils, coupa le moine, vous etes ici dans la maison du Seigneur qui reprouve la violence. Et puis, ajouta-t-il avec un sourire, je suppose que, cette nuit, vos pensees sont tournees vers tout autre chose que la mort d'un homme, si coupable soit-il !
Un pas rapide, ebranlant sans precautions les echos de l'eglise vide, l'interrompit. Dans la lueur incertaine des cierges parut Xaintrailles, rouge d'avoir couru. Sous le grand manteau de cheval qui l'enveloppait, une cuirasse, sur sa poitrine, jeta un eclair d'acier. Mais, l'ayant a peine effleuree d'un regard, frere Jean se tournait vers l'autel en disant :
— Prions, mes freres...
D'un meme mouvement, Catherine et Arnaud s'agenouillerent sur les marches. Jacques C?ur se placa derriere Catherine, Xaintrailles derriere Arnaud tandis que Macee, baissant son voile bleu, allait s'agenouiller un peu plus loin.
L'enfant de ch?ur agita l'encensoir et l'on n'entendit plus que la voix chuchotant du pretre appelant sur le nouveau couple la benediction divine avant de proceder a la ceremonie du mariage.
Elle fut rapide et toute simple. Sous la dictee de frere Jean, Arnaud repeta d'une voix ferme : « Moi, Arnaud, je te prends, toi, Catherine, pour mon epouse et ma compagne bien-aimee, pour t'aimer et te cherir dans la joie et la tristesse, dans la sante et la maladie, maintenant et a jamais, jusqu'a ce que la mort nous separe. » Puis ce fut le tour de la jeune femme : «
Moi, Catherine... » Mais, sous la poussee de l'emotion, sa voix s'etrangla et ce fut dans un souffle qu'elle parvint au bout de la phrase sacramentelle. De grosses larmes roulaient sur ses joues, rancon de son c?ur debordant.
Frere Jean prit la main droite de Catherine, la placa dans celle d'Arnaud, dont les longs doigts se nouerent fermement autour. Sa voix s'enfla, forte comme un defi a l'adversite : « Ego conjungo vos in matrimonium, in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Amen. »
Sur un plateau que lui tendait l'enfant de ch?ur, il prit un anneau d'or, le benit : « Benissez, Seigneur, cet anneau que nous benissons... » puis le tendit a Arnaud. Le jeune homme prit la bague, la glissa a l'annulaire de Catherine, puis, tendrement, y posa ses levres. Les yeux noyes de larmes de la jeune femme etincelaient comme des amethystes au soleil.
Dans cette petite eglise obscure et froide, elle atteignait a l'instant supreme, au couronnement de toute une existence. La benediction tomba lentement sur les deux tetes rapprochees, puis frere Jean remonta vers l'autel pour celebrer la messe.
Un bruyant reniflement, aussi incongru que possible, vint troubler la solennite du moment. C'etait Xaintrailles qui manifestait a sa maniere une emotion qu'il ne parvenait pas a controler. Arnaud et Catherine echangerent un sourire, puis, la main dans la main, suivirent pieusement le service divin.
La messe terminee, maries et assistants suivirent le pretre dans une petite sacristie, qui sentait l'encens refroidi et la cire vierge, pour y signer le registre des mariages. Arnaud apposa son paraphe avec une energie qui fit grincer la plume d'oie, puis la tendit a Catherine avec, dans son sourire, un brin d'ironie.
— A toi ! J'espere que tu sais comment tu t'appelles maintenant ?
Lentement, avec une application de petite fille, un bout de langue rose pointant entre ses levres, elle signa « Catherine de Montsalvy » pour la premiere fois. Une bouffee d'orgueil lui monta au visage, empourprant ses joues. Ce vieux nom qu'on lui donnait, elle se jura de le porter fierement, sans defaillance, quel que fut le prix qu'il lui faudrait payer pour cela.
Les temoins, Xaintrailles et Jacques C?ur, signerent ensuite, tandis que Macee embrassait Catherine chaleureusement.
Puis ce fut le tour de Xaintrailles. Ceremonieusement, il courba sa haute taille devant la jeune femme en un salut profond.
— Madame la comtesse de Montsalvy, je suis heureux d'avoir, si peu que ce soit, contribue a un bonheur que je souhaite aussi grand que votre beaute et...
Mais, apparemment, le ceremonial depassait, ce soir, les sentiments intimes de Xaintrailles, car, interrompant en leur milieu sa belle phrase et son salut, il empoigna Catherine aux epaules et plaqua sur ses joues deux baisers retentissants.
— Je vous souhaite tout le bonheur du monde, mon amie. Sans doute avez-vous encore des epreuves a subir, mais n'oubliez jamais que je suis votre fidele ami, a tous les deux !
La-dessus, il quitta Catherine pour tomber dans les bras d'Arnaud, qu'il embrassa fraternellement.
— On se retrouvera bientot, dit-il ; pour le moment, je te dis adieu...
— Adieu ? Tu pars ?
Xaintrailles fit une affreuse grimace qui s'acheva en sourire narquois.
— Oui. Ma sante l'exige. La Tremoille a du avoir des soupcons precis en ce qui concerne les avatars de son chateau et si je reste ici, je me retrouverai une belle nuit avec un couteau entre les deux epaules. Je prefere rejoindre mes hommes a Guise. La, personne ne pourra rien contre moi.
— J'ai bien envie de te suivre. Il ferait beau voir qu'on m'empechat de reprendre ma place dans l'armee. Je ne sais aucun de mes anciens freres d'armes qui nous livrerait, moi ou ma femme.
Le mot fit chaud au c?ur de Catherine qui, tendrement, glissa son bras sous celui de son epoux. Mais Xaintrailles hochait la tete, son regard s'etait assombri.
— Non ! Tes freres d'armes n'ont pas change, mais l'or de La Tremoille est partout. Viens, une sacristie n'est pas un endroit convenable pour ce genre de confidences, et j'ai a te parler.
Jacques C?ur, alors, intervint :
— Nous avons prepare un petit souper, a la maison. Ne pouvez-vous, avant de partir, le partager ? Cela ne vous retarderait guere.
Le capitaine n'eut qu'une breve hesitation avant d'accepter. Frere Jean, qui avait ote ses ornements sacerdotaux, etait revenu aupres des jeunes epoux et les felicitait a son tour, en y joignant ses adieux. Le moine aussi partait la nuit meme, profitant de cette treve de Noel pour quitter la ville ou le pere de Macee l'avait cache. Il allait rejoindre la grande abbaye de Cluny, la plus puissante de la chretiente, et y attendre que le mauvais genie eut desserre ses griffes.
— Je prierai Dieu chaque jour pour votre bonheur, dit-il a Catherine avec une derniere benediction... et aussi celle que nous avons tous aimee car je ne doute pas qu'elle ait pris sa place au sejour des bienheureux.
Son froc brun se fondit dans l'ombre et l'enfant de ch?ur fila sur ses talons en annoncant qu'il allait fermer l'eglise. Un instant plus tard, tout le monde avait regagne la rue enneigee. Le vent s'etait leve et chassait des toits d'epais paquets de neige. Le son lointain des violes et des luths vint avec lui par-dessus les maisons muettes. Xaintrailles haussa les epaules.