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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (смотреть онлайн бесплатно книга txt) 📗

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Tous deux se retournerent vers la porte ou Macee se tenait, toute droite et paisible en apparence. Malgre elle, Catherine se sentit rougir. Depuis combien de temps la jeune femme etait-elle la ? Avait-elle vu son mari embrasser la refugiee ?

Rien dans son comportement ne le laissait supposer et, sans doute, Macee arrivait-elle tout juste. Pourtant Catherine se sentit coupable et, presque a son corps defendant, baissa les yeux.

Je disais a maitre Jacques combien j'avais regret de vous mettre en peril, Macee. Je le priais de me laisser partir.

La jeune femme fit un pas dans la piece et sourit.

— Je suis certaine qu'il a tout fait pour vous rassurer. Chez nous, l'hote est l'envoye de Dieu et, comme tel, il est sacre.

Et puis, ou iriez-vous, dame Catherine ? Allons, Jacques, descendez. Elle s'impatiente.

L'arrivee soudaine de Macee avait attenue la gravite de ce qu'elle venait annoncer. Catherine frissonna en songeant a celle qui se trouvait en ce moment sous ses pieds. La dame de La Tremoille ! La belle Catherine de La Tremoille ! Celle qui tenait Arnaud en son pouvoir, celle qu'il avait toujours repoussee et que Catherine avait gravement offensee jadis.

Palissant soudain, elle se tourna vers le pelletier.

— Vite, maitre C?ur, je vous en supplie... Il ne faut pas lui donner le moindre soupcon. Si elle se doutait que je suis ici, nous serions tous perdus. Elle saurait me reconnaitre meme sous un froc de moine et elle me hait...

— Je sais, repondit Jacques C?ur. J'y vais.

Macee et Catherine demeurerent seules, face a face

et silencieuses. Elles ne se regardaient pas, mais, d'un commun accord, elles tendaient l'oreille pour saisir les bruits venant du rez-de-chaussee. Elles n'attendirent pas longtemps. Il y eut le pas ferme, un peu lourd, de Jacques descendant l'escalier, puis, aussitot, une voix de femme haut perchee qui l'interpellait. Catherine de La Tremoille n'avait jamais pris la peine, tout au long de sa vie chaotique et malsaine, de baisser le ton. Ou qu'elle allat, on l'entendait sans peine sur plusieurs toises. Macee et Catherine n'eurent aucun mal a suivre la conversation.

— Maitre C?ur, disait la femme du Grand Chambellan, d'ou vient que je n'aie point encore recu ces zibelines que je vous ai demandees ? Le froid arrive et vous savez que je ne peux supporter les fourrures grossieres.

— Il me semblait vous avoir prouve, Madame, que je ne les supportais pas plus que vous-meme. Quant aux zibelines, si je ne les ai point encore livrees cela vient non de ma volonte, mais des malheurs de ce temps. Les caravanes de marchands qui, de Novgorod-Veliki, venaient jusqu'a la foire de Chalons n'atteignent plus notre pays. Elles gagnent Londres ou s'arretent a Venise.

— Alors, allez les chercher a Venise...

— Nous n'en avons plus les moyens, Madame. Le pays est exsangue, il n'y a plus de navires et les nefs qui relient Venise a Bruges evitent nos ports. Quant a aller a Bruges, vous savez mieux que personne que le duc de Bourgogne en interdit l'acces aux gens du roi Charles.

Le soupir que poussa la dame fut si puissant qu'il parvint aux deux femmes. Les nerfs de Catherine se tendaient jusqu'a lui faire mal. Entendre ainsi, a deux pas d'elle, la voix de cette femme que, de toutes ses forces, elle haissait, etait une rude epreuve. Instinctivement, elle fit trois pas vers la fenetre, laissant son regard errer au-dehors. Cependant, en bas, la dame de La Tremoille disait d'un ton excede :

— Eh bien, il me faudra me contenter de ce que vous aurez. Venez donc au palais me montrer vos plus belles peaux.

Ou plutot, puisque me voici chez vous, montrez-les-moi maintenant. Vous ferez porter chez moi ce que j'aurai choisi.

— Comment se fait-il que nous ne l'ayons pas entendue arriver ? chuchota Catherine, les yeux sur la troupe de cavaliers et de dames d'honneur qui encombraient la rue et faisaient presque autant de bruit que les soldats de tout a l'heure.

— Vous etiez trop absorbee, fit la voix douce de Macee sans que Catherine put demeler si une intention s'y cachait.

Vous ne pouviez pas entendre. Mais je n'aime pas que cette femme s'attarde ici. Elle a des yeux aigus et des oreilles qui entendent tout...

— Et ma presence ici n'arrange rien, fit Catherine amerement. Si elle pouvait se douter.

— Nous ne risquons guere plus a vous cacher qu'a offrir asile a maitre Alain Chartier, repartit calmement la femme de Jacques. Et, de nos jours, peut-on jamais savoir si l'on est a l'abri d'une denonciation... vraie ou fausse. Vous devriez remonter chez vous, Catherine.

La jeune femme secoua la tete. Il fallait qu'elle fut la, a deux pas de son ennemie. La proximite du danger, elle l'avait souvent remarque, etait moins angoissante qu'une menace imprecise. Et puis, elle eprouvait une sorte d'amere jouissance a narguer, par son invisible presence, la dangereuse creature qui ne reculait devant rien pour lui prendre Arnaud. En bas, la femme du Grand Chambellan faisait, apparemment, sortir tout ce que Jacques C?ur avait en magasin. On entendait le choc sourd des paquets de peau sur le comptoir ou l'on devait les etaler, et aussi la voix egale du negociant qui commentait. Le front colle a la vitre, Catherine attendait sans trop savoir quoi. Que ce fut fini ? Que la dangereuse cliente s'en allat ? Que Jacques revint lui rendre le reconfort de sa presence ? Tout cela ensemble, peut-etre.

Tout a coup, son regard distrait se fixa, se fit attentif. Venant de la porte d'Auron, un chariot attele d'un gros cheval paresseux remontait la rue et s'arretait devant la maison des C?ur. C'etait une de ces charrettes paysannes faites de planches mal equarries et maintenues entre elles par de sommaires chevilles de bois. Les grosses roues armees de fer cahotaient dans les ornieres profondes que les dernieres pluies avaient creusees dans la ruelle. Quant au chargement, il se composait d'un amoncellement assez instable de fagots qui menacaient de s'ecrouler a chaque instant.

En verite, c'etait un charroi bien ordinaire et qui n'avait rien qui put attirer l'attention... sinon peut-etre son conducteur. A

le considerer, assis sur une traverse de l'avant, genoux ecartes et jambes pendantes, le dos rond et les epaules larges sous une miserable souque- nille de futaine rapiecee, Catherine eut la sensation aigue de le connaitre, une impression intense de deja vu... L'homme portait un camail a capuchon en grosse laine noire et le bord de la capuche cachait en partie son visage termine par une courte barbe. Etait-ce sa facon de se tenir ou bien quelque chose dans sa silhouette qui retenait le regard de Catherine ? Elle n'eut pas le temps de se le demander. L'homme leva la tete et la tourna vers la porte du magasin. Catherine etouffa un cri de surprise derriere sa main vivement portee a sa bouche. Le paysan a la charrette n'etait autre que Xaintrailles. Catherine courut a Macee, la prit par le bras et l'attira vers la fenetre.

— Regardez, dit-elle. Est-ce que vous le reconnaissez ?

A son tour, la jeune femme palit.

— Seigneur ! fit-elle en joignant les mains, il n'est que trop reconnaissable !

Puis, comme le faux paysan descendait de son siege improvise dans l'intention visible de penetrer dans le magasin, Macee, galvanisee par le danger, partit comme une fleche. Catherine l'entendit degringoler quatre a quatre le petit escalier. Elle dut traverser le magasin a toute allure car, presque aussitot, Catherine la vit surgir dans la rue. Il etait temps, Xaintrailles, ignorant du danger qui l'attendait dans la boutique, allait y entrer. Catherine vit l'epouse de Jacques se planter devant lui, levant bien haut sa petite tete sommee d'une haute coiffe cornue pour que l'on ne vit pas, de l'interieur, la figure de l'arrivant. Elle l'entendit s'ecrier :

— A quoi pensez-vous, brave homme ? Ce n'est point au magasin que l'on rentre les fagots, mais bien dans la resserre.

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