Contes merveilleux, Tome II - Andersen Hans Christian (читать книги онлайн полностью .txt) 📗
Le sapin fut dresse dans un petit tonneau rempli de sable, mais on ne pouvait pas voir que c'etait un tonneau parce qu'il etait enveloppe d'une etoffe verte et pose sur un grand tapis a fleurs! Oh! notre arbre etait bien emu! Qu'allait-il se passer?
Les domestiques et des jeunes filles commencerent a le garnir. Ils suspendaient aux branches de petits filets decoupes dans des papiers glaces de couleur, dans chaque filet on mettait quelques fondants, des pommes et des noix dorees pendaient aux branches comme si elles y avaient pousse, et plus de cent petites bougies rouges, bleues et blanches etaient fixees sur les branches. Des poupees qui semblaient vivantes-l'arbre n'en avait jamais vu-planaient dans la verdure et tout en haut, au sommet, on mit une etoile clinquante de dorure.
C'etait splendide, incomparablement magnifique.
– Ce soir, disaient-ils tous, ce soir ce sera beau.
«Oh! pensa le sapin, que je voudrais etre ici ce soir quand les bougies seront allumees! Que se passera-t-il alors? Les arbres de la foret viendront-ils m'admirer? Les moineaux me regarderont-ils a travers les vitres? Vais-je rester ici, ainsi decore, l'hiver et l'ete?»
On alluma les lumieres. Quel eclat! Quelle beaute! Un fremissement parcourut ses branches de sorte qu'une des bougies y mit le feu: une serieuse flambee.
– Mon Dieu! crierent les demoiselles en se depechant d'eteindre.
Le pauvre arbre n'osait meme plus trembler. Quelle torture! Il avait si peur de perdre quelqu'une de ses belles parures, il etait completement etourdi dans toute sa gloire… Alors, la porte s'ouvrit a deux battants, des enfants en foule se precipiterent comme s'ils allaient renverser le sapin, les grandes personnes les suivaient posement. Les enfants s'arretaient-un instant seulement-, puis ils se mettaient a pousser des cris de joie-quel tapage!-et a danser autour de l'arbre. Ensuite, on commenca a cueillir les cadeaux l'un apres l'autre.
«Qu'est-ce qu'ils font? se demandait le sapin. Qu'est-ce qui va se passer?»
Les bougies brulerent jusqu'aux branches, on les eteignait a mesure, puis les enfants eurent la permission de depouiller l'arbre completement. Ils se jeterent sur lui, si fort, que tous les rameaux en craquaient, s'il n'avait ete bien attache au plafond par le ruban qui fixait aussi l'etoile, il aurait ete renverse.
Les petits tournoyaient dans le salon avec leurs jouets dans les bras, personne ne faisait plus attention a notre sapin, si ce n'est la vieille bonne d'enfants qui jetait de-ci de-la un coup d'oeil entre les branches pour voir si on n'avait pas oublie une figue ou une pomme.
– Une histoire! une histoire! criaient les enfants en entrainant vers l'arbre un gros petit homme ventru.
Il s'assit juste sous l'arbre.
– Comme ca, nous sommes dans la verdure et le sapin aura aussi interet a nous ecouter, mais je ne raconterai qu'une histoire. Voulez-vous celle d'Ivede-Avede ou celle de Dumpe-le-Ballot qui roula en bas des escaliers, mais arriva tout de meme a s'asseoir sur un trone et a epouser la princesse?
L'homme racontait l'histoire de Dumpe-le-Ballot qui tomba du haut des escaliers, gagna tout de meme le trone et epousa la princesse. Les enfants battaient des mains. Ils voulaient aussi entendre l'histoire d'Ivede-Avede, mais ils n'en eurent qu'une. Le sapin se tenait coi et ecoutait.
«Oui, oui, voila comment vont les choses dans le monde», pensait-il. Il croyait que l'histoire etait vraie, parce que l'homme qui la racontait etait elegant.
– Oui, oui, sait-on jamais! Peut-etre tomberai-je aussi du haut des escaliers et epouserai-je une princesse!
Il se rejouissait en songeant que le lendemain il serait de nouveau orne de lumieres et de jouets, d'or et de fruits.
Il resta immobile et songeur toute la nuit.
Au matin, un valet et une femme de chambre entrerent.
– Voila la fete qui recommence! pensa l'arbre. Mais ils le trainerent hors de la piece, en haut des escaliers, au grenier… et la, dans un coin sombre, ou le jour ne parvenait pas, ils l'abandonnerent.
– Qu'est-ce que cela veut dire? Que vais-je faire ici?
Il s'appuya contre le mur, reflechissant. Et il eut le temps de beaucoup reflechir, car les jours et les nuits passaient sans qu'il ne vint personne la-haut et quand, enfin, il vint quelqu'un, ce n'etait que pour deposer quelques grandes caisses dans le coin. Elles cachaient l'arbre completement. L'avait-on donc tout a fait oublie?
«C'est l'hiver dehors, maintenant, pensait-il. La terre est dure et couverte de neige. On ne pourrait meme pas me planter; c'est sans doute pour cela que je dois rester a l'abri jusqu'au printemps. Comme c'est raisonnable, les hommes sont bons! Si seulement il ne faisait pas si sombre et si ce n'etait si solitaire! Pas le moindre petit lievre. C'etait gai, la-bas, dans la foret, quand sur le tapis de neige le lievre passait en bondissant, oui, meme quand il sautait par-dessus moi; mais, dans ce temps-la, je n'aimais pas ca. Quelle affreuse solitude, ici!»
«Pip! pip!» fit une petite souris en apparaissant au meme instant, et une autre la suivait. Elles flairerent le sapin et fureterent dans ses branches.
– Il fait terriblement froid, dit la petite souris. Sans quoi on serait bien ici, n'est-ce pas, vieux sapin?
– Je ne suis pas vieux du tout, repondit le sapin. Il en y a beaucoup de bien plus vieux que moi.
– D'ou viens-tu donc? demanda la souris, et qu'est-ce que tu as a raconter?
Elles etaient horriblement curieuses.
– Parle-nous de l'endroit le plus exquis de la terre. Y as-tu ete? As-tu ete dans le garde-manger?
– Je ne connais pas ca, dit l'arbre, mais je connais la foret ou brille le soleil, ou l'oiseau chante.
Et il parla de son enfance. Les petites souris n'avaient jamais rien entendu de semblable. Elles ecoutaient de toutes leurs oreilles.
– Tu en as vu des choses! Comme tu as ete heureux!
– Moi! dit le sapin en songeant a ce que lui-meme racontait. Oui, au fond, c'etait bien agreable.
Mais, ensuite, il parla du soir de Noel ou il avait ete garni de gateaux et de lumieres.
– Oh! dirent encore les petites souris, comme tu as ete heureux, vieux sapin.
– Mais je ne suis pas vieux du tout, ce n'est que cet hiver que j'ai quitte ma foret; je suis dans mon plus bel age, on m'a seulement replante dans un tonneau.
– Comme tu racontes bien, dirent les petites souris.
La nuit suivante, elles amenerent quatre autres souris pour entendre ce que l'arbre racontait et, a mesure que celui-ci parlait, tout lui revenait plus exactement.
«C'etait vraiment de bons moments, pensait-il. Mais ils peuvent revenir, ils peuvent revenir! Dumpe-le-Ballot est tombe du haut des escaliers, mais il a tout de meme eu la princesse; peut-etre en aurai-je une aussi.»
Il se souvenait d'un petit bouleau qui poussait la-bas, dans la foret, et qui avait ete pour lui une veritable petite princesse.
– Qui est Dumpe-le-Ballot? demanderent les petites souris.
Alors le sapin raconta toute l'histoire, il se souvenait de chaque mot; un peu plus, les petites souris grimpaient jusqu'en haut de l'arbre, de plaisir.
La nuit suivante, les souris etaient plus nombreuses encore, et le dimanche il vint meme deux rats, mais ils declarerent que le conte n'etait pas amusant du tout, ce qui fit de la peine aux petites souris; de ce fait, elles-memes l'apprecierent moins.
– Eh bien, merci, dirent les rats en rentrant chez eux. Les souris finirent par s'en aller aussi, et le sapin soupirait.
– C'etait un vrai plaisir d'avoir autour de moi ces petites souris agiles, a ecouter ce que je racontais. C'est fini, ca aussi, mais maintenant, je saurai gouter les plaisirs quand on me ressortira. Mais quand?
Ce fut un matin, des gens arriverent et remuerent tout dans le grenier. Ils deplacerent les caisses, tirerent l'arbre en avant. Bien sur, ils le jeterent un peu durement a terre, mais un valet le traina vers l'escalier ou le jour eclairait.