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Contes merveilleux, Tome II - Andersen Hans Christian (читать книги онлайн полностью .txt) 📗

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Un jour, l'empereur recut une caisse, sur laquelle etait inscrit: «Le rossignol».

«Voila sans doute un nouveau livre sur notre fameux oiseau!», dit l'empereur. Ce n'etait pas un livre, mais plutot une oeuvre d'art placee dans une petite boite: un rossignol mecanique qui imitait le vrai, mais tout sertis de diamants, de rubis et de saphirs. Aussitot qu'on l'eut remonte, il entonna l'un des airs que le vrai rossignol chantait, agitant la queue et brillant de mille reflets d'or et d'argent. Autour de sa gorge, etait noue un petit ruban sur lequel etait inscrit: «Le rossignol de l'Empereur du Japon est bien humble compare a celui de l'Empereur de Chine.»

Tous s'exclamerent: «C'est magnifique!» Et celui qui avait apporte l'oiseau recu aussitot le titre de «Supreme Porteur Imperial de Rossignol».

«Maintenant, ils doivent chanter ensembles! Comme ce sera plaisant!»

Et ils durent chanter en duo, mais ca n'allait pas. Car tandis que le vrai rossignol chantait a sa facon, l'automate, lui, chantait des valses.»Ce n'est pas de sa faute!», dit le maestro, «il est particulierement regulier, et tout a fait selon mon ecole!» Alors l'automate dut chanter seul. Il procura autant de joie que le veritable et s'avera plus adorable encore a regarder; il brillait comme des bracelets et des epinglettes.

Il chanta le meme air trente-trois fois sans se fatiguer; les gens auraient bien aime l'entendre encore, mais l'empereur pensa que ce devait etre au tour du veritable rossignol de chanter quelque chose. Mais ou etait-il? Personne n'avait remarque qu'il s'etait envole par la fenetre, en direction de sa foret verdoyante.

«Mais que se passe-t-il donc?», demanda l'empereur, et tous les courtisans grognerent et se dirent que Rossignol etait un animal hautement ingrat.»Le meilleur des oiseaux, nous l'avons encore!», dirent-ils, et l'automate dut recommencer a chanter. Bien que ce fut la quarante-quatrieme fois qu'il jouait le meme air, personne ne le savait encore par coeur; car c'etait un air tres difficile. Le maestro fit l'eloge de l'oiseau et assura qu'il etait mieux que le vrai, non seulement grace a son apparence externe et les nombreux et magnifiques diamants dont il etait serti, mais aussi grace a son mecanisme interieur.»Voyez, mon Souverain, Empereur des Empereurs! Avec le vrai rossignol, on ne sait jamais ce qui en sortira, mais avec l'automate, tout est certain: on peut l'expliquer, le demonter, montrer son fonctionnement, voir comment les valses sont reglees, comment elles sont jouees et comment elles s'enchainent!»

«C'est tout a fait notre avis!», dit tout le monde, et le maestro recu la permission de presenter l'oiseau au peuple le dimanche suivant. Le peuple devait l'entendre, avait ordonne l'empereur, et il l'entendit. Le peuple etait en liesse, comme si tous s'etaient enivres de the, et tous disaient: «Oh!», en pointant le doigt bien haut et en faisant des signes. Mais les pauvres pecheurs, ceux qui avaient deja entendu le vrai rossignol, dirent: «Il chante joliment, les melodies sont ressemblantes, mais il lui manque quelque chose, nous ne savons trop quoi!»

Le vrai rossignol fut banni du pays et de l'empire. L'oiseau mecanique eut sa place sur un coussin tout pres du lit de l'empereur, et tous les cadeaux que ce dernier recu, or et pierres precieuses, furent poses tout autour. L'oiseau fut eleve au titre de «Supreme Rossignol Chanteur Imperial» et devint le Numero Un a la gauche de l'empereur-l'empereur considerant que le cote gauche, celui du coeur, etait le plus distingue, et qu'un empereur avait lui aussi son coeur a gauche. Le maestro redigea une oeuvre en vingt-cinq volumes sur l'oiseau. C'etait tres savant, long et remplis de mots chinois parmi les plus difficiles; et chacun pretendait l'avoir lu et compris, craignant de se faire prendre pour un idiot et de se faire pietiner le corps.

Une annee entiere passa. L'empereur, la cour et tout les chinois connaissaient par coeur chacun des petits airs chantes par l'automate. Mais ce qui leur plaisait le plus, c'est qu'ils pouvaient maintenant eux-memes chanter avec lui, et c'est ce qu'ils faisaient. Les gens de la rue chantaient: «Ziziiz! Kluckkluckkluck!», et l'empereur aussi. Oui, c'etait vraiment magnifique!

Mais un soir, alors que l'oiseau mecanique chantait a son mieux et que l'empereur, etendu dans son lit, l'ecoutait, on entendit un «cric» venant de l'interieur; puis quelque chose sauta: «crac!» Les rouages s'emballerent, puis la musique s'arreta.

L'empereur sauta immediatement hors du lit et fit appeler son medecin. Mais que pouvait-il bien y faire? Alors on amena l'horloger, et apres beaucoup de discussions et de verifications, il reussit a remettre l'oiseau dans un certain etat de marche. Mais il dit que l'oiseau devait etre menage, car les chevilles etaient usees, et qu'il etait impossible d'en remettre de nouvelles. Quelle tristesse! A partir de la, on ne put faire chanter l'automate qu'une fois l'an, ce qui etait deja trop. Mais le maestro tint un petit discourt, tout plein de mots difficiles, disant que ce serait aussi bien qu'avant; et ce fut aussi bien qu'avant.

Puis, cinq annees passerent, et une grande tristesse s'abattit sur tout le pays. L'empereur, qui occupait une grande place dans le coeur de tous les chinois, etait maintenant malade et devait bientot mourir. Deja, un nouvel empereur avait ete choisi, et le peuple, qui se tenait dehors dans la rue, demandait au chancelier comment se portait son vieil empereur.

«P!», disait-il en secouant la tete.

L'empereur, froid et bleme, gisait dans son grand et magnifique lit. Toute la cour le croyait mort, et chacun s'empressa d'aller accueillir le nouvel empereur; les serviteurs sortirent pour en discuter et les femmes de chambres se rassemblerent autour d'une tasse de cafe. Partout autour, dans toutes les salles et les couloirs, des draps furent etendus sur le sol, afin qu'on ne puisse pas entendre marcher; ainsi, c'etait tres silencieux. Mais l'empereur n'etait pas encore mort: il gisait, pale et glace, dans son magnifique lit aux grands rideaux de velours et aux passements en or massif. Tout en haut, s'ouvrait une fenetre par laquelle les rayons de lune eclairaient l'empereur et l'oiseau mecanique.

Le pauvre empereur pouvait a peine respirer; c'etait comme si quelque chose ou quelqu'un etait assis sur sa poitrine. Il ouvrit les yeux, et la, il vit que c'etait la Mort. Elle s'etait coiffee d'une couronne d'or, tenait dans une main le sabre de l'empereur, et dans l'autre, sa splendide banniere. De tous les plis du grand rideau de velours surgissaient toutes sortes de tetes, au visage parfois laid, parfois aimable et doux. C'etaient les bonnes et les mauvaises actions de l'empereur qui le regardaient, maintenant que la Mort etait assise sur son coeur.

«Te souviens-tu d'elles?», dit la Mort. Puis, elle lui raconta tant de ses actions passees, que la sueur en vint a lui couler sur le front.

«Cela je ne l'ai jamais su!», dit l'empereur.»De la musique! De la musique! Le gros tambour chinois», cria l'empereur, «pour que je ne puisse entendre tout ce qu'elle dit!»

Mais la Mort continua de plus belle, en faisant des signes de tete a tout ce qu'elle disait.

«De la musique! De la musique!», criait l'empereur.»Toi, cher petit oiseau d'or, chante donc, chante! Je t'ai donne de l'or et des objets de grande valeur, j'ai suspendu moi-meme mes pantoufles d'or a ton cou; chante donc, chante!»

Mais l'oiseau n'en fit rien; il n'y avait personne pour le remonter, alors il ne chanta pas. Et la Mort continua a regarder l'empereur avec ses grandes orbites vides. Et tout etait calme, terriblement calme.

Tout a coup, venant de la fenetre, on entendit le plus merveilleux des chants: c'etait le petit rossignol, plein de vie, qui etait assis sur une branche. Ayant entendu parler de la detresse de l'empereur, il etait venu lui chanter reconfort et espoir. Et tandis qu'il chantait, les visages fantomes s'estomperent et disparurent, le sang se mit a circuler toujours plus vite dans les membres fatigues de l'empereur, et meme la Mort ecouta et dit: «Continue, petit rossignol! Continue!»

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