Contes merveilleux, Tome II - Andersen Hans Christian (читать книги онлайн полностью .txt) 📗
Elle tira par une corne un renne qui portait un anneau de cuivre poli autour du cou et qui etait attache.
– Il faut aussi l'avoir a la chaine celui-la, sans quoi il bondit et s'en va. Tous les soirs je lui caresse le cou avec mon couteau aiguise, il en a une peur terrible, ajouta-t-elle.
Elle prit un couteau dans une fente du mur et le fit glisser sur le cou du pauvre renne qui ruait, mais la fille des brigands ne faisait qu'en rire. Elle entraina Gerda vers le lit.
– Est-ce que tu le gardes pres de toi pour dormir? demanda Gerda.
– Je dors toujours avec un couteau, dit la fille des brigands. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Mais repete-moi ce que tu me racontais de Kay.
Tandis que la petite Gerda racontait, les pigeons de la foret roucoulaient la-haut dans leur cage, les autres pigeons dormaient. La fille des brigands dormait et ronflait, une main passee autour du cou de Gerda et le couteau dans l'autre, mais Gerda ne put fermer l'oeil, ne sachant si elle allait vivre ou mourir.
Alors, les pigeons de la foret dirent:
– Crouou! Crouou! nous avons vu le petit Kay. Une poule blanche portait son traineau, lui etait assis dans celui de la Reine des Neiges, qui volait bas au-dessus de la foret, nous etions dans notre nid, la Reine a souffle sur tous les jeunes et tous sont morts, sauf nous deux. Crouou! Crouou!
– Que dites-vous la-haut? cria Gerda. Ou la Reine des Neiges est-elle partie?
– Elle allait surement vers la Laponie ou il y a toujours de la neige et de la glace. Demande au renne qui est attache a la corde.
– Il y a de glace et de la neige, c'est agreable et bon, dit le renne. La, on peut sauter, libre, dans les grandes plaines brillantes, c'est la que la Reine des Neiges a sa tente d'ete, mais son veritable chateau est pres du pole Nord, sur une ile appelee Spitzberg.
– Oh! mon Kay, mon petit Kay, soupira Gerda.
– Si tu ne te tiens pas tranquille, dit la fille des brigands a demi reveillee, je te plante le couteau dans le ventre.
Au matin Gerda raconta a la fillette ce que les pigeons, le renne, lui avaient dit et la fille des brigands avait un air tres serieux, elle disait:
– Ca m'est egal! ca m'est egal!
– Sais-tu ou est la Laponie? demanda-t-elle au renne.
– Qui pourrait le savoir mieux que moi, repondit l'animal dont les yeux etincelerent. C'est la que je suis ne, que j'ai joue et bondi sur les champs enneiges.
– Ecoute, dit la fille des brigands a Gerda, tu vois que maintenant tous les hommes sont partis, la mere est toujours la et elle restera, mais bientot elle va se mettre a boire a meme cette grande bouteille la-bas et elle se paiera ensuite un petit somme supplementaire-alors je ferai quelque chose pour toi.
Lorsque la mere eut bu la bouteille et se fut rendormie, la fille des brigands alla vers le renne et lui dit:
– Cela m'aurait amuse de te chatouiller encore souvent le cou avec mon couteau aiguise car tu es si amusant quand tu as peur, mais tant pis, je vais te detacher et t'aider a sortir pour que tu puisses courir jusqu'en Laponie mais il faudra prendre tes jambes a ton cou et m'apporter cette petite fille au chateau de la Reine des Neiges ou est son camarade de jeu. Tu as surement entendu ce qu'elle a raconte, elle parlait assez fort et tu es toujours a ecouter.
Le renne sauta en l'air de joie. La fille des brigands souleva Gerda et prit la precaution de l'attacher fermement sur le dos de la bete, elle la fit meme asseoir sur un petit coussin.
– Ca m'est egal, dit-elle. Prends tes bottines fourrees car il fera froid, mais le manchon je le garde, il est trop joli. Et comme je ne veux pas que tu aies froid, voila les immense moufles de ma mere, elles te monteront jusqu'au coude, fourre-moi tes mains la-dedans. Et voila, par les mains tu ressembles a mon affreuse mere.
Gerda pleurait de joie.
– Assez de pleurnicheries, je n'aime pas ca, tu devrais avoir l'air contente au contraire, voila deux pains et un jambon, tu ne souffriras pas de la faim.
Elle attacha les deux choses sur le renne, ouvrit la porte, enferma les grands chiens, puis elle coupa avec son couteau la corde du renne et lui dit:
– Va maintenant, cours, mais fais bien attention a la petite fille.
Gerda tendit ses mains gantees des immenses moufles vers la fille des brigands pour dire adieu et le renne detala par-dessus les buissons et les souches, a travers la grande foret par les marais et par la steppe, il courait tant qu'il pouvait. Les loups hurlaient, les corbeaux croassaient. Le ciel faisait pfut! pfut! comme s'il eternuait rouge.
– C'est la chere vieille aurore boreale, dit le renne, regarde cette lumiere!
Et il courait, il courait, de jour et de nuit.
On mangea les pains, et le jambon aussi. Et ils arriverent en Laponie.
Sixieme histoire La femme lapone et la finnoise
Ils s'arreterent pres d'une petite maison tres miserable, le toit descendait jusqu'a terre et la porte etait si basse que la famille devait ramper sur le ventre pour y entrer. Il n'y avait personne au logis qu'une vieille femme lapone qui faisait cuire du poisson sur une lampe a huile de foie de morue. Le renne lui raconta toute l'histoire de Gerda, mais d'abord la sienne qui semblait etre beaucoup plus importante et Gerda etait si transie de froid qu'elle ne pouvait pas parler.
– Helas! pauvres de vous, s'ecria la femme, vous avez encore beaucoup a courir, au moins cent lieues encore pour atteindre le Finmark, c'est la qu'est la maison de campagne de la Reine des Neiges, et les aurores boreales s'y allument chaque soir. Je vais vous ecrire un mot sur un morceau de morue, je n'ai pas de papier, et vous le porterez a la femme finnoise la-haut, elle vous renseignera mieux que moi.
Lorsque Gerda fut un peu rechauffee, quand elle eut bu et mange, la femme lapone ecrivit quelques mots sur un morceau de morue sechee, recommanda a Gerda d'y faire bien attention, attacha de nouveau la petite fille sur le renne-et en route! Pfut! pfut! entendait-on dans l'air, la plus jolie lumiere bleue brulait la-haut.
Ils arriverent au Finmark et frapperent a la cheminee de la finnoise car la il n'y avait meme pas de porte.
Quelle chaleur dans cette maison! la Finnoise y etait presque nue, petite et malpropre. Elle defit rapidement les vetements de Gerda, lui enleva les moufles et les bottines pour qu'elle n'ait pas trop chaud, mit un morceau de glace sur la tete du renne et commenca a lire ce qui etait ecrit sur la morue sechee. Elle lut et relut trois fois, ensuite, comme elle le savait par coeur, elle mit le morceau de poisson a cuire dans la marmite, c'etait bon a manger et elle ne gaspillait jamais rien.
Le renne raconta d'abord sa propre histoire puis celle de Gerda. La Finnoise clignait de ses yeux intelligents mais ne disait rien.
– Tu es tres remarquable, dit le renne, je sais que tu peux attacher tous les vents du monde avec un simple fil a coudre, si le marin defait un noeud il a bon vent. S'il defait un second noeud, il vente fort, et s'il defait le troisieme et le quatrieme, la tempete est si terrible que les arbres des forets sont renverses. Ne veux-tu pas donner a cette petite fille un breuvage qui lui assure la force de douze hommes et lui permette de vaincre la Reine des Neiges?
– La force de douze hommes, dit la Finnoise, oui, ca suffira bien.
Elle alla vers une tablette, y prit une grande peau roulee, la deroula. D'etranges lettres y etaient gravees, la Finnoise les lisait et des gouttes de sueur tombaient de son front.
Le renne la pria encore si fort pour Gerda et la petite la regarda avec des yeux si suppliants, si pleins de larmes que la Finnoise se remit a cligner des siens. Elle attira le renne dans un coin et lui murmura quelque chose tout en lui mettant de la glace fraiche sur la tete.