Contes merveilleux, Tome II - Andersen Hans Christian (читать книги онлайн полностью .txt) 📗
– Mon fiance m'a dit tant de bien de vous, ma petite demoiselle, dit la corneille apprivoisee, du reste votre curriculum vitae, comme on dit, est si touchant. Voulez-vous tenir la lampe, je marcherai devant. Nous irons tout droit, ici nous ne rencontrerons personne.
– Il me semble que quelqu'un marche juste derriere nous, dit Gerda. Quelque chose passa pres d'elle en bruissant, sur les murs glissaient des ombres: chevaux aux crinieres flottantes et aux jambes fines, jeunes chasseurs, cavaliers et cavalieres.
– Reves que tout cela, dit la corneille. Ils viennent seulement orienter vers la chasse les reves de nos princes, nous pourrons d'autant mieux les contempler dans leur lit. Mais autre chose: si vous entrez en grace et prenez de l'importance ici, vous montrerez-vous reconnaissante?
– Ne parlons pas de ca, dit la corneille de la foret.
Ils entrerent dans la premiere salle tendue de satin rose a grandes fleurs, les reves les avaient depasses et couraient si vite que Gerda ne put apercevoir les hauts personnages. Les salles se succedaient l'une plus belle que l'autre, on en etait impressionne… et ils arriverent a la chambre a coucher.
Le plafond ressemblait a un grand palmier aux feuilles de verre precieux, et au milieu du parquet se trouvaient, accroches a une tige d'or, deux lits qui ressemblaient a des lis, l'un etait blanc et la princesse y etait couchee, l'autre etait rouge et c'est dans celui-la que Gerda devait chercher le petit Kay. Elle ecarta quelques petales rouges et apercut une nuque brune.
– Oh! c'est Kay! cria-t-elle tout haut en elevant la lampe vers lui.
Les reves a cheval bruissaient dans la chambre. Il s'eveilla, tourna la tete vers elle-et ce n'etait pas le petit Kay…
Le prince ne lui ressemblait que par la nuque mais il etait jeune et beau.
Alors la petite Gerda se mit a pleurer, elle raconta toute son histoire et ce que les corneilles avaient fait pour l'aider.
– Pauvre petite, s'exclamerent le prince et la princesse. Ils louerent grandement les corneilles, declarant qu'ils n'etaient pas du tout faches mais qu'elles ne devaient tout de meme pas recommencer. Cependant ils voulaient leur donner une recompense.
– Voulez-vous voler librement? demanda la princesse, ou voulez-vous avoir la charge de corneilles de la cour ayant droit a tous les dechets de la cuisine?
Les deux corneilles firent la reverence et demanderent une charge fixe; elles pensaient a leur vieillesse et qu'il est toujours bon d'avoir quelque chose de sur pour ses vieux jours.
Le prince se leva de son lit et permit a Gerda d'y dormir. Il ne pouvait vraiment faire plus. Elle joignit ses petites mains et pensa:
«Comme il y a des etres humains et aussi des animaux qui sont bons!» La-dessus elle ferma les yeux et s'endormit delicieusement.
Tous les reves voltigerent a nouveau autour d'elle, cette fois ils avaient l'air d'anges du Bon Dieu, ils portaient un petit traineau sur lequel etait assis Kay qui saluait. Mais tout ceci n'etait que reve et disparut des qu'elle s'eveilla.
Le lendemain on la vetit de la tete aux pieds de soie et de velours, elle fut invitee a rester au chateau et a couler des jours heureux mais elle demanda seulement une petite voiture attelee d'un cheval et une paire de petites bottines, elle voulait repartir de par le monde pour retrouver Kay.
On lui donna de petites bottines et un manchon, on l'habilla a ravir et au moment de partir un carrosse d'or pur attendait devant la porte. La corneille de la foret, mariee maintenant, les accompagna pendant trois lieues, assise a cote de la petite fille car elle ne pouvait supporter de rouler a reculons, la deuxieme corneille, debout a la porte, battait des ailes, souffrant d'un grand mal de tete pour avoir trop mange depuis qu'elle avait obtenu un poste fixe, elle ne pouvait les accompagner. Le carrosse etait bourre de craquelins sucres, de fruits et de pains d'epice.
– Adieu! Adieu! criaient le prince et la princesse.
Gerda pleurait, la corneille pleurait, les premieres lieues passerent ainsi, puis la corneille fit aussi ses adieux et ce fut la plus dure separation. Elle s'envola dans un arbre et battit de ses ailes noires aussi longtemps que fut en vue la voiture qui rayonnait comme le soleil lui-meme.
Cinquieme histoire La petite fille des brigands
On roulait a travers la sombre foret et le carrosse luisait comme un flambeau. Des brigands qui se trouvaient la en eurent les yeux blesses, ils ne pouvaient le supporter.
– De l'or! de l'or! criaient-ils.
S'elancant a la tete des chevaux, ils massacrerent les petits postillons, le cocher et les valets et tirerent la petite Gerda hors de la voiture.
– Elle est grassouillette, elle est mignonne et nourrie d'amandes, dit la vieille brigande qui avait une longue barbe broussailleuse et des sourcils qui lui tombaient sur les yeux. C'est joli comme un petit agneau gras, ce sera delicieux a manger.
Elle tira son grand couteau et il luisait d'une facon terrifiante.
– Aie! criait en meme temps cette megere.
Sa propre petite fille qu'elle portait sur le dos et qui etait sauvage et mal elevee a souhait, venait de la mordre a l'oreille.
– Sale petite! fit la mere.
Elle n'eut pas le temps de tuer Gerda, sa petite fille lui dit:
– Elle jouera avec moi, qu'elle me donne son manchon, sa jolie robe et je la laisserai coucher dans mon lit.
Elle mordit de nouveau sa mere qui se debattait et se tournait de tous les cotes. Les brigands riaient.
– Voyez comme elle danse avec sa petite!
– Je veux monter dans le carrosse, dit la petite fille des brigands.
Et il fallut en passer par ou elle voulait, elle etait si gatee et si difficile. Elle s'assit aupres de Gerda et la voiture repartit par-dessus les souches et les broussailles plus profondement encore dans la foret. La fille des brigands etait de la taille de Gerda mais plus forte, plus large d'epaules, elle avait le teint sombre et des yeux noirs presque tristes. Elle prit Gerda par la taille, disant:
– Ils ne te tueront pas tant que je ne serai pas fachee avec toi. Tu es surement une princesse.
– Non, repondit Gerda.
Et elle lui raconta tout ce qui lui etait arrive et combien elle aimait le petit Kay.
La fille des brigands la regardait d'un air serieux, elle fit un signe de la tete.
Elle essuya les yeux de Gerda et mit ses deux mains dans le manchon. Qu'il etait doux!
Le carrosse s'arreta, elles etaient au milieu de la cour d'un chateau de brigands, tout lezarde du haut en bas, des corbeaux, des corneilles s'envolaient de tous les trous et les grands bouledogues, qui avaient chacun l'air capable d'avaler un homme, bondissaient mais n'aboyaient pas, cela leur etait defendu.
Dans la grande vieille salle noire de suie, brulait sur le dallage de pierres un grand feu, la fumee montait vers le plafond et cherchait une issue, une grande marmite de soupe bouillait et sur des broches rotissaient lievres et lapins.
– Tu vas dormir avec moi et tous mes petits animaux preferes! dit la fille des brigands.
Apres avoir bu et mange elles allerent dans un coin ou il y avait de la paille et des couvertures. Au-dessus, sur des lattes et des barreaux se tenaient une centaine de pigeons qui avaient tous l'air de dormir mais ils tournerent un peu la tete a l'arrivee des fillettes.
– Ils sont tous a moi, dit la petite fille des brigands.
Elle attrapa un des plus proches, le tint par les pattes.
– Embrasse-le! cria-t-elle en le claquant a la figure de Gerda.
– Et voila toutes les canailles de la foret, continua-t-elle, en montrant une quantite de barreaux masquant un trou tres haut dans le mur.
– Ce sont les canailles de la foret, ces deux-la, ils s'envolent tout de suite si on ne les enferme pas bien. Et voici le plus cheri, mon vieux Bee!