Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта (читать книги бесплатно .txt) 📗
— Mon amour... murmura-t-il contre sa bouche... ma douce Catherine !... ma femme !
La suite etait ineluctable. Il y avait trop longtemps qu'ils attendaient, l'un et l'autre, de retrouver ensemble les gestes de l'amour ! Le palais rose aurait pu crouler sur eux, mais n'aurait pu empecher Catherine de se donner a son epoux. Durant de longues minutes, ils s'aimerent avec une ardeur sauvage, oubliant le danger que renfermaient ces murs chatoyants, attentifs seulement a cette incomparable volupte qu'ils trouvaient ensemble.
Ils se seraient peut-etre aimes des heures encore si une brusque lumiere n'avait envahi la piece tandis qu'une voix lancait, stridente de colere :
— L'inceste est-il une coutume franque ? Voila, il me semble, une etrange attitude pour un frere et une s?ur.
Instantanement, le couple se separa. Arnaud bondit sur ses pieds tandis que Catherine regardait, avec une terreur soudaine, le visage convulse de Zobeida qui se tenait debout au centre de la chambre, deux serviteurs portant des torches sur ses talons. La princesse etait meconnaissable. La haine avait bouleverse ses traits tandis que sa peau doree devenait d'un gris de cendre. Ses larges prunelles s'injectaient, ses petits poings, crispes, disaient clairement son desir de meurtre. Elle serrait les dents, si fort que les mots eurent du mal a en franchir le barrage. Tournant le dos a Catherine, elle s'adressa furieusement a Arnaud :
— Tu m'as trompee... mais pas tant que tu le croyais. Je sentais qu'il y avait, entre cette femme et toi, autre chose que le lien du sang.
Je le sentais... a ma haine ! J'aurais pu aimer ta s?ur, mais, elle, je l'ai detestee du premier regard ! C'est pourquoi je l'ai surveillee...
Du bout de son pied, Arnaud rejeta la couverture, decouvrant le corps noir du serpent.
— Surveillee seulement ? Alors, explique-moi donc ceci ? Sans moi, elle serait morte !
— Et je voulais sa mort parce que je devinais qu'il y avait quelque chose entre vous ! J'en etais sure... Je suis venue, pour faire enlever son cadavre... et je vous ai vus... vus, tu comprends ?
— Cesse de hurler ! coupa Arnaud dedaigneux. Ne dirait-on pas que je t'appartiens ? Tu es la, a crier, a revendiquer comme n'importe quelle fatma du bazar dont l'epoux court les filles. Tu n'es rien pour moi... rien, qu'une Infidele dont je suis seulement le captif !"
— Arnaud ! souffla Catherine inquiete de voir son ennemie devenir livide. Prends garde !...
Mais Zobeida continuait a la dedaigner.
— Et cette femme blanche t'est beaucoup, sans doute ?
— Elle est ma femme ! riposta le chevalier avec simplicite. Mon epouse devant Dieu et devant les hommes. Et, si tu veux vraiment tout savoir, nous avons un fils, dans notre pays ! Maintenant, comprends si tu peux.
Une vague de joie envahit Catherine, malgre la situation precaire.
Elle etait heureuse qu'il eut jete son titre d'epouse comme une insulte a la face de sa rivale.
— Comprendre ?
Un sourire charge de fiel crispa davantage encore le visage decompose de la princesse tandis que sa voix perdait sa tonalite aigue pour se charger d'une menacante douceur.
— C'est toi qui vas comprendre, mon seigneur. Tu l'as dit : tu es mon captif et captif tu demeureras... du moins tant que j'aurai envie de toi ! Que croyais-tu, en m'annoncant triomphalement que cette femme est ton epouse ? Que j'allais pleurer d'attendrissement, mettre sa main dans la tienne, ouvrir devant vous les portes d'Al Hamra et vous donner une escorte jusqu'a la frontiere en vous souhaitant tout le bonheur du monde ?
— Si tu etais digne de ton sang, fille des guerriers de l'Atlas, c'est ainsi que tu agirais, en effet !
— Ma mere etait une esclave, une princesse turkmene vendue au Grand Khan et offerte en cadeau a mon pere. C'etait une bete sauvage de la steppe qu'il fallait enchainer pour la posseder. Elle ne connaissait que la violence et finit par se tuer apres ma naissance parce que je n'etais qu'une fille. Je lui ressemble : moi, je ne connais que le sang.
Cette femme est ton epouse, tant pis pour elle !
— Que veux-tu en faire ?
Je vais te le dire. Une flamme trouble s'alluma dans le regard glace de Zobeida. Elle eut un petit rire dur, nerveux, proche de la felure Je vais la faire attacher nue dans la cour des esclaves pour qu'ils s'en rejouissent pendant tout un jour et toute une nuit. Ensuite, on la mettra en croix sur le rempart afin que le soleil brule et craquelle un peu cette peau qui te plait tant, puis. Yuan et Kong s'occuperont d'elle, mais, rassure-toi, tu ne perdras rien du spectacle. Ce sera ton chatiment, je pense qu'apres cela tu n'auras plus envie d'etablir de comparaison entre elle et moi, mes bourreaux savent bien leur metier ! Emparez-vous de cette femme, vous autres !
Le c?ur de Catherine manqua un battement ; instinctivement, elle tendit les bras vers son epoux, comme pour chercher sa protection.
Les eunuques n'eurent pas le temps de faire un geste ; vivement, Arnaud avait saisi sa dague demeuree pres du lit et s'etait jete entre Catherine et les esclaves. La colere empourprait son visage, mais sa voix etait d'un calme glacial quand il articula :
— Vous n'y toucherez pas ! Le premier qui avance peut etre certain de ne pas vivre un instant de plus...
Les eunuques se figerent, mais Zobeida eclata de rire.
— Fou que tu es ! Je vais appeler... Les gardes viendront. Ils seront cent, deux cents, trois cents... autant que je voudrai ! Il faudra bien t'avouer vaincu. Abandonne-la a son destin. Je saurai te la faire oublier. Je te ferai roi...
— Crois-tu vraiment me seduire avec de tels arguments ? ricana Arnaud. Et tu dis que je suis fou ? Folle, toi-meme...
Avant que quiconque ait esquisse un geste, il avait saisi Zobeida, immobilise ses deux poignets d'une seule main tout en la maintenant contre lui. De l'autre, il appuyait sur la gorge de la princesse la pointe aceree de la dague.
— Appelle tes armees, maintenant, Zobeida ! Appelle si tu l'oses et tu auras pousse ton dernier cri.... Leve-toi, Catherine, et habille-toi...
Nous allons fuir !
— Mais... comment ?
Tu le verras bien. Fais ce que je te dis. Quant a toi, princesse, tu vas nous conduire, tranquillement, jusqu'a cette issue secrete du palais que tu connais si bien. Si tu fais un geste ou si tu pousses un cri, tu es morte...
— Tu n'iras pas loin, murmura Zobeida. A peine dans la ville tu seras repris.
— C'est mon affaire. Marche !
Lentement, suivis de Catherine terrifiee, ils avancerent hors de la piece, etrange silhouette double devant laquelle les eunuques s'ecarterent avec crainte et s'enfuirent. Le groupe s'avanca dans le jardin.
A Catherine l'entreprise paraissait demente, vouee d'avance a l'echec. Elle n'avait pas eu vraiment peur pour elle-meme tout a l'heure quand Zobeida, avec une joie sadique, avait decrit les tortures qu'elle lui reservait. Morayma n'avait-elle pas annonce le retour du Calife comme tres proche ? Zobeida, dans sa colere, avait du l'oublier... Curieusement, Arnaud devina la pensee de sa femme :
— Tu as tort, Catherine, de penser que la crainte de son frere retiendrait cette furie de te faire mourir. Elle est au-dela de tout raisonnement, au-dela de toute crainte quand elle est la proie de ses demons.
De fait, malgre la menace que l'arme faisait peser sur sa gorge, Zobeida siffla entre ses dents serrees :
— Vous n'irez pas loin... Vous mourrez...
Et, tout a coup, perdant la tete, elle se mit a hurler :
— A moi !... A l'aide !... tout en se tordant comme une couleuvre pour echapper a l'etreinte d'Arnaud.
Elle voulut crier encore, mais, cette fois, le hurlement s'etrangla, s'acheva en une sorte d'affreux gargouillis. La dague s'etait enfoncee.
Zobeida, sans une plainte, glissa du bras d'Arnaud sur le sable doux du jardin, les yeux grands ouverts sur une immense surprise. Elle s'etala comme une flaque de lumiere pale, sous les yeux epouvantes de Catherine.