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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта (книги полные версии бесплатно без регистрации TXT) 📗

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Soutenue par le jeune homme, Catherine quitta enfin le donjon du Coudray. Une fois dans la cour, elle s'arreta, leva les yeux vers le ciel. Les etoiles s'etaient eteintes. Il n'en restait plus qu'une, extraordinairement brillante, et, du cote de l'Orient, une mince bande plus claire se dessinait a l'horizon. La fraicheur de l'aube se faisait sentir ; Pierre, avec une tendre sollicitude, enveloppa Catherine d'un manteau.

— Venez, implora-t-il. Vous allez prendre froid.

Mais elle ne bougea pas, le retint au contraire sans quitter des yeux le firmament.

Le jour va naitre, murmura-t-elle... un jour nouveau. Tout est fini pour moi, la page est tournee.

Tout peut recommencer, Catherine, murmura-t-il ardemment.

Ce jour peut etre le premier d'une vie nouvelle, pleine de joie et de soleil ; si seulement vous le voulez. Catherine, dites-moi...

Doucement mais fermement, elle lui ferma la bouche de sa main, sourit tristement au beau visage anxieux qui se penchait vers elle.

Non, Pierre. Ne dites plus rien... je suis lasse, lasse a mourir.

Ramenez-moi seulement, sans rien dire.

A petits pas, serres l'un contre l'autre comme deux amoureux, ils redescendirent vers la ville endormie.

Franchie la haute porte a doubles battants armes de fer, Catherine vit s'etendre devant elle la vaste cour du chateau de Chinon. Les archers ecossais, ranges sur deux files se faisant face, formaient la haie, immobiles comme des statues, les plumes de heron de leurs bonnets remuant doucement au vent du soir. Sur le perron de dix-huit marches, qui menait a la Grande Salle ou l'attendait le Roi, une dizaine de herauts etaient figes, trompettes a la hanche...

Le c?ur de Catherine cognait a grands coups dans sa poitrine. Il y avait maintenant dix jours que l'audacieux coup de main contre le Grand Chambellan avait reussi. Prisonnier a Montresor, La Tremoille a demi mort attendait que fussent remplies les intransigeantes conditions de sa vie sauvee : rancon enorme, demission de toutes ses charges, residence forcee a l'avenir dans son chateau de Sully, le seul qu'on lui laissat. Mais elle voulait oublier le monstrueux tyran qui avait si cruellement pese sur elle et sur les Montsalvy. Aujourd'hui, c'etait l'heure de son triomphe. La reine Yolande lui avait fait savoir que, ce soir, 15 juin, le Roi la recevrait en grande ceremonie.

Ce moment, elle l'avait attendu avec impatience, dans l'auberge de maitre Agnelet, mais non plus dans la reclusion. Elle etait libre, desormais, de sortir et de recevoir des visites. Plus aucun danger ne la menacait.

N'avait-elle pas vu, au lendemain de la chute de La Tremoille, Gilles de Rais quitter Chinon, a l'aube, avec ses gens ? Un depart presque furtif. L'arrogance etait toujours peinte sur le visage du marechal, mais ce n'en etait pas moins un vaincu qui s'en retournait vers ses domaines angevins. Elle avait eu, en le regardant passer, un sombre sourire : « Un jour, avait-elle murmure entre ses dents, toi aussi tu me paieras le mal que tu m'as fait. Je ne t'oublierai pas. »

Comme elle approchait du perron, les herauts emboucherent les longues trompettes d'argent dont l'appel emplit l'air et fit vibrer Catherine d'emotion. Instinctivement, elle chercha, derriere elle, la silhouette de Tristan l'Hermite qui la suivait, respectueusement, a trois pas... Une certaine amertume, cependant, se melait a sa joie de ce soir... Elle avait espere que Pierre de Breze serait aupres d'elle a cette minute si importante. Or, depuis qu'en sortant du donjon du Coudray il l'avait ramenee chez elle, Breze avait totalement disparu. Personne n'avait pu lui dire ce qu'il etait devenu. Seul Tristan avait cru voir Pierre quitter Chinon au grand galop le jour meme. Personne ne l'avait revu.

Les trompettes se turent, mais comme Catherine, lentement, gravissait les degres du perron, les hautes portes de la Grande Salle s'ouvrirent sur la prodigieuse illumination de l'interieur. Une centaine de torches brulaient dans la gigantesque piece dont les murs, hauts de plus de six metres, etaient tout vetus de tapisseries. Des jonchees de fleurs fraiches semaient le dallage jusqu'a la grande cheminee au fond de la salle. Une foule somptueuse et bariolee etait rassemblee la, qui fit silence lorsque les portes s'ouvrirent. Pres de la cheminee, Catherine apercut le haut fauteuil royal surmonte d'un dais bleu et or.

Le Roi l'occupait et le jeune homme qu'elle avait vu dans la nuit d'Amboise, Charles

d'Anjou, etait debout pres de lui, eclatant de jeunesse dans son costume de drap d'or. Dans l'embrasure d'une des fenetres, elle vit la Reine entouree de ses femmes, mais son regard revint se poser sur un homme age et de haute mine qui se tenait debout a l'entree de la salle et venait a elle, appuye sur une canne blanche : le comte de Vendome, Grand Maitre de l'Hotel du Roi, ordonnateur des ceremonies.

Deja, il s'inclinait devant elle et lui offrait la main pour la mener jusqu'au trone quand une silhouette feminine, portant un deuil fastueux, s'avanca rapidement entre les deux groupes inclines de seigneurs et de dames. Etranglee d'emotion, Catherine reconnut la reine Yolande. Celle-ci s'adressa gracieusement a Louis de Vendome, qui deja pliait le genou.

— S'il vous semble bon, mon cousin, c'est moi qui menerai Madame de Montsalvy au Roi, dit-elle.

— Le protocole se tait quand la Reine ordonne, repliqua le Grand Maitre avec un sourire.

Yolande tendit la main a Catherine courbee a ses pieds par sa reverence.

— Venez, ma mie.

Cote a cote, au milieu d'un silence profond, les deux femmes remonterent la longue salle, l'une imposante et belle sous la haute couronne qui aureolait ses nattes sombres, l'autre eclatante de beaute malgre l'austerite de ses vetements lugubres. Toutes deux en deuil, mais celui de Yolande etait fait de velours et de satin tandis que Catherine s'etait seulement permis une laine fine ; sa tete blonde s'enveloppant de crepe funebre. A mesure qu'elles approchaient du trone, Catherine palissait, le c?ur etreint par la solennite du moment.

La silhouette maigre du Roi, dans ses vetements de velours bleu sombre discretement ornes d'or, grandissait, grandissait, et Catherine songeait, douloureusement, que cette main amicale qui la guidait eut du etre celle d'Arnaud. Sans le mal maudit, ils eussent remonte ensemble cette allee triomphale et certes pas en habits de deuil.

Pourtant, c'etait a lui, a son amour perdu, qu'elle dediait cette minute, car c'etait a lui qu'elle appartenait. Dans les profondeurs de sa memoire, elle le revoyait, abattu comme un chene foudroye sur les decombres de sa demeure ruinee, incendiee par ordre de ce meme roi qui la-bas l'attendait. Elle crut entendre encore les sanglots desesperes de cet homme, fort et vaillant entre tous, et dut fermer les yeux pour retenir ses larmes.

Soudain, arrachee de sa douloureuse reverie, elle mesura l'incroyable honneur que Yolande lui faisait car, sur leur passage, seigneurs et nobles dames s'inclinaient ou pliaient le genou et l'hommage rendu a la Reine rejaillissait sur sa jeune compagne. Elle vit meme se courber les princes du sang et, lorsqu'elles atteignirent les marches du trone, le Roi se leva. Ses yeux bruns, sans eclat, s'attacherent au visage de Catherine avec interet. La jeune femme se sentit rougir. Si mal partage que fut Charles VII sous le rapport physique, la majeste n'en emanait pas moins de sa forme frele et de son visage ingrat. Il etait bien le Roi, ce roi auquel, lorsqu'on s'appelle Montsalvy, on voue sans retour son sang, sa vie et sa fortune. Sans baisser son regard qu'elle tenait fixe a celui du souverain, Catherine, lentement, plia le genou tandis que s'elevait la voix de la reine Yolande.

— Sire, mon fils, dit-elle, plaise a votre justice et a votre c?ur genereux recevoir en grace Catherine, comtesse de Montsalvy, dame de la Chataigneraie, qui s'en vient a vos genoux implorer votre secours et reclamer reparation des torts nombreux et des cruelles souffrances qu'elle a endures du fait de l'ancien Grand Chambellan.

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