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Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта (читать книги бесплатно .txt) 📗

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— Est-ce vrai ? demanda-t-il avec tant de durete que la jeune femme en fremit.

Elle connaissait trop la jalousie intransigeante d'Arnaud pour ne pas trembler en voyant se crisper ses machoires et flamber ses yeux sombres. Mais le demi- sourire narquois de Zobeida lui rendit tout son aplomb. Qu'il osa interroger sur un ton de maitre devant cette fille qui, depuis des mois, etait sa maitresse, c'etait tout de meme un peu fort !

Elle redressa la tete, leva bien haut son petit menton et, defiant son epoux du regard :

— Tres vrai ! fit-elle calmement. Il fallait que je parvienne jusqu'a toi. Tous les moyens sont bons, dans un cas semblable...

— Crois-tu ? Tu parais oublier...

— C'est toi qui oublies, il me semble ! Puis-je te demander ce que tu fais ici ?

— J'ai ete capture. Tu devrais le savoir si tu as rencontre Fortunat...

— Un captif cherche a retrouver sa liberte... Qu'as-tu fait pour reprendre la tienne ?

— Ce n'est, ici, ni le lieu ni le moment d'en discuter !

— Voila une echappatoire qui parait un peu trop facile et je...

— Silence ! coupa Zobeida avec impatience. En verite, vos affaires de famille ne m'interessent pas ! Ou pensez-vous etre ?

L'interruption etait malencontreuse. Arnaud tourna contre elle sa fureur.

— Qui es-tu toi-meme pour t'immiscer entre nous ? Dans tes coutumes comme dans les notres, l'homme a pleine puissance sur la femme appartenant a son lignage. Celle-ci est mienne... puisque de meme sang, et j'ai le droit de lui demander compte de sa conduite.

Son honneur est le mien et si elle l'a avili...

Le geste qui accompagna ces paroles etait si menacant que Catherine, instinctivement, recula. Le visage decompose d'Arnaud etait effrayant avec son nez arrogant dont les ailes se pincaient et blanchissaient, tandis que le meurtre hantait son regard. Une lassitude envahit en meme temps la jeune femme devant cette egoiste colere de male frustre. Comment ne comprenait-il pas tout ce qu'elle avait du endurer, toutes ses souffrances, ses angoisses, ses larmes et ses peines, pour en arriver la ? Mais non ! c'etait pour lui lettre morte : seul comptait le don de son corps fait au prince-poete...

La menace, latente dans l'attitude d'Arnaud, frappa Zobeida ellememe. Pareille fureur n'etait pas feinte et si tout a l'heure elle avait eprouve quelques doutes a l'aspect de cette s?ur trop belle tombee pour ainsi dire du ciel, la Mauresque commencait a escompter la colere de son amant pour l'en debarrasser. Qu'il la tue, dans un acces de rage meurtriere, et tout serait bien ! Le Calife ne pourrait que s'incliner devant l'honneur offense d'un frere. Un mince sourire etira sa belle bouche pourpre tandis qu'elle se tournait vers Arnaud.

Tu as raison, o mon seigneur ! L'honneur de ta famille ne regarde que toi. Je te laisse le soin d'en user comme bon te plaira avec celle-ci et, si tu la chaties, ne crains pas la colere du Calife. Il peut comprendre ce genre de vengeance... et je plaiderai pour toi !

D'un geste, elle ordonna aux deux Soudanais de se retirer et s'appretait a en faire autant quand surgit Morayma, hors d'haleine. La vieille Juive se jeta face contre terre des qu'elle apercut la princesse, mais non sans avoir lance a Catherine un regard indigne. Puis elle attendit qu'on l'interrogeat. Zobeida ne la fit pas languir.

— Que veux-tu, Morayma ? Pourquoi cette agitation ! Releve-toi !

A peine debout, la maitresse du harem pointa vers Catherine un doigt accusateur.

— Cette femme s'est echappee de son appartement apres avoir maitrise et ligote une de ses compagnes et lui avoir vole ses vetements. Je vois qu'elle a ose s'introduire chez toi, o splendeur !

Remets-la-moi pour que je lui fasse appliquer le chatiment qu'elle merite : le fouet !

Un sourire mechant crispa la bouche de la princesse.

— Le fouet ? Es-tu folle, Morayma ? Pour que le Calife a son retour, qui ne saurait tarder, en lise les marques sur le corps dont il est impatient de gouter de nouveau les delices ? Non, laisse-la-moi...

Desormais, elle ne quittera plus ces pavillons que pour se rendre au desir de mon frere. C'est une noble dame du pays des Francs, vois-tu, la propre s?ur de mon seigneur bien- aime. Elle m'est, desormais, chere et precieuse. Ce sont mes propres servantes qui s'occuperont d'elle a l'avenir, qui la baigneront et la parfumeront quand son maitre la demandera afin que son corps soit le poeme parfait dont il s'enivrera sous les roses du Djenan-el-Arif...

Incontestablement, Zobeida connaissait a merveille l'art de jeter l'huile sur le feu. Chacun des mots prononces par elle etait calcule pour attiser la fureur d'Arnaud... cette fureur dont elle esperait bien qu'elle allait etre mortelle. De fait, l'epoux de Catherine fremissait, les poings serres, tendu comme une corde d'arc... Zobeida lui dedia un sourire ensorcelant.

— Je te laisse avec elle. Fais ce que tu crois devoir faire, mais ne me laisse pas trop longtemps languir de ton absence ! Chaque minute qui s'ecoule sans toi est une eternite d'ennui... ; puis, changeant de ton

: Quant a toi, Morayma, laisse-les aussi, mais ne t'eloigne pas. Tu veilleras, lorsque mon seigneur en aura termine avec elle, a loger cette femme... selon ses besoins et selon son rang !

Catherine se mordit les levres de rage: Qu'esperait cette chatte sanguinaire ? Qu'Arnaud allait la tuer ? Sans doute le logement qu'elle recommandait a Morayma de lui trouver etait quelque tombe bien profonde et bien secrete, a l'abri des vautours ? Catherine ne s'illusionnait guere sur la subite sollicitude de son ennemie. Depuis qu'elle la croyait la s?ur d'Arnaud, Zobeida la haissait peut-etre plus encore que par le passe, a cause, sans doute, des souvenirs communs ou elle n'avait point part. Cette femme devait jalouser meme le passe !

Et, comme la Mauresque, en se dirigeant d'un pas nonchalant vers sa chambre, passait aupres d'elle, Catherine ne put s'empecher de lui lancer :

— Ne te rejouis pas trop vite, Zobeida... Je ne suis pas encore morte. Il est peu dans nos coutumes que le frere tue la s?ur ou l'epoux l'epouse.

— Les fils du destin sont tous entre les mains d'Allah ! Que tu vives ou que tu meures, qu'importe ? Mais, si j'etais toi, je choisirais la mort car vivante tu n'as aucune chance d'echapper a ton sort, celui d'une esclave parmi d'autres esclaves, paree et caressee certes tant que tu plairas, delaissee et miserable quand ton heure sera passee !

— Treve de discours, Zobeida ! coupa Arnaud brutalement. Je suis seul ici a savoir ce que je dois faire. Va-t'en !

Un rire moqueur a peine etouffe derriere la main, le glissement soyeux des babouches sur le marbre et la princesse disparut. Arnaud et Catherine furent seuls, face a face...

Ils resterent un instant sans parler, debout a quelques pas l'un de l'autre, ecoutant les bruits de ce palais hostile, et Catherine songea avec amertume qu'elle n'avait pas imagine ainsi leurs retrouvailles.

Tout a l'heure, oui, quand il avait arrache son voile et qu'il avait esquisse le geste de la prendre dans ses bras ! Mais, maintenant, les fleches empoisonnees de Zobeida avaient frappe au plus vif de la chair d'Arnaud, trouvant le c?ur. Maintenant, ils allaient se dechirer l'un l'autre avec l'acharnement d'ennemis implacables... Etait-ce donc pour en arriver la qu'ils s'etaient cherches, aimes en depit des hommes, des guerres, des princes et de tant d'orages capables d'abattre les plus forts

? Quelle pitie !...

Catherine osait a peine lever les yeux sur son epoux qui, les bras croises sur sa poitrine, l'observait, craignant trop de lui montrer les larmes qui emplissaient ses yeux. Elle s'accordait, avant le combat qu'elle sentait venir, un instant de repit, attendant peut-etre qu'il parlat le premier. Il n'en fit rien, comptant peut-etre sur ce pesant silence pour griffer les nerfs de la jeune femme. Et, en effet, ce fut elle qui attaqua.

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