Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно без TXT) 📗
Elle n'obeit pas tout de suite, ne comprenant pas ce qu'il voulait.
Alors, il la prit doucement par la main, repeta :
— Levez-vous...
— Mais...
— Allons ! Obeissez ! Ne savez-vous pas que vous me devez soumission entiere ? Ou bien n'avez-vous rien entendu de ce qu'a dit le pretre ?
Le ton etait froid, sans passion. Il enoncait simplement un fait.
Docile, elle quitta son lit, s'avanca sur les peaux d'ours, pieds nus, relevant legerement le vetement de soie blanche un peu trop long, pour ne pas tomber. Garin l'avait reprise par la main. Il la conduisit ainsi jusque devant la cheminee. Son visage demeurait indechiffrable.
Le c?ur de Catherine battait a se rompre dans sa poitrine. Que voulait-il d'elle ? Pourquoi la faire lever ? Elle n'osait pas poser de questions.
Quand les doigts de Garin monterent a son cou, denouerent le lien d'or, elle sentit son visage s'empourprer et se hata de refermer les yeux, serrant bien fort les paupieres comme pour s'en faire une barriere protectrice. Le contact des mains disparut. Catherine sentit la soie blanche glisser de ses epaules, s'ecrouler mollement autour de ses chevilles. Elle sentit aussi, plus intense, la chaleur du feu sur sa peau nue.
De longues minutes passerent ainsi. Des taches rouges eclataient comme des eclairs sous les paupieres etroitement fermees de la jeune femme. La brulure du feu, sur son ventre et sur ses cuisses, devenait intolerable. Garin ne la touchait pas, ne disait rien. Elle ne sentait meme plus sa presence. Consciente de sa nudite, malgre ses yeux clos, elle eut un reflexe de pudeur, voulut se cacher de ses bras. Mais un mot bref l'arreta, lui faisant rouvrir les yeux du meme coup.
— Non !
Alors, elle le vit. Il etait assis dans un haut fauteuil de chene, a quelques pas d'elle et, le menton dans la main, il la regardait. Son ?il unique avait une expression etrange, faite de colere et de desespoir. Si intense pourtant que Catherine detourna la tete. Elle remarqua alors, grandie jusqu'a l'antique voute de pierre, son ombre noire, emouvante et gracieuse, dessinee avec la precision d'un burin. La honte l'envahit d'etre ainsi detaillee par ce regard d'homme. Elle gemit :
— Par grace... ce feu me brule.
— Alors, ecartez-vous un peu.
Elle obeit, enjamba la soie blanche roulee a terre, s'approcha de lui, inconsciemment provocante, souhaitant eperdument qu'il cessat ce jeu cruel et troublant. La chaleur de l'atre avait enflamme son corps, y faisant naitre d'etranges sensations. Une fois deja elle avait senti cette houle profonde et mysterieuse, cette griserie bizarre qui lui avait fait tout oublier. Sans bien s'en rendre compte, Catherine allait au-devant de caresses, de baisers que son corps jeune et sain reclamait comme son du. Mais, assis dans son fauteuil, Garin de Brazey ne bougeait toujours pas. Il la regardait seulement.
La colere envahit brutalement Catherine, malade de honte. Elle allait se detourner de lui, courir vers le lit pour y chercher refuge dans les rideaux et les couvertures. Il dut sentir cette revolte. Ses doigts se nouerent, durs comme fer, autour de son poignet, l'obligeant a demeurer pres de lui.
— Vous m'appartenez ! J'ai le droit de faire de vous ce que je veux...
Sa voix, assourdie, s'enrouait un peu mais la main qui tenait Catherine ne tremblait pas. Il semblait curieusement insensible a la beaute devoilee de cette femme. Sa main libre monta, s'arreta au visage detourne, pourpre de honte, puis glissa en une sorte de longue caresse autour d'un sein, le long d'une hanche. Ce n'etait pas un geste d'amour mais seulement celui de l'amateur d'art qui eprouve, de la main, le grain serre d'un marbre, la purete parfaite d'une statue.-Il n'y en eut, d'ailleurs, pas de second, mais, sous les doigts chauds, Catherine avait tressailli. La voix enrouee se fit encore entendre :
— Un corps de femme peut etre la plus belle ou la pire des choses, dit Garin. J'aime que le votre ait cette splendeur.
Cette fois, il s'etait leve, lachait le poignet endolori. Stupefaite, Catherine, les yeux bien ouverts cette fois, le vit s'eloigner, poser la main sur la porte.
— Dormez bien ! fit-il calmement.
Il s'evanouit dans l'ombre aussi silencieusement qu'il etait entre.
Catherine vit sa silhouette noire fondre comme par enchantement.
Elle resta seule au milieu de la grande chambre, interdite, un peu decue sans vouloir se l'avouer. L'ombre sur le mur lui rendit le sentiment de sa nudite et elle courut jusqu'au lit dans lequel elle s'engloutit, le c?ur fou. Puis, dans le refuge des oreillers de soie et des chaudes couvertures, elle se mit a sangloter sans la moindre logique et sans meme savoir pourquoi.
Quand elle cessa de pleurer, longtemps apres, le feu avait baisse et sa migraine de tout a l'heure lui etait revenue, plus violente encore. Les yeux rouges et gonfles, la tete brulante, Catherine s'en alla chercher sa robe de nuit demeuree devant l'atre, s'en revetit et alla baigner son visage dans une cuvette d'argent, posee sur un coffre avec une aiguiere d'eau d'oranger. La fraicheur de l'eau lui fit du bien. Autour d'elle c'etait le silence absolu, une enorme solitude. Les chiens eux-memes etaient sortis, sans doute sur les talons de Garin ; elle ne s'etait meme pas rendu compte de leur depart. Un peu calmee, elle retourna se coucher, se cala confortablement dans ses oreillers et tenta d'y voir clair.
L'aventure de cette etrange nuit de noces lui en avait appris sur ellememe bien plus que les dix dernieres annees ecoulees. Elle avait decouvert qu'il lui faudrait, a l'avenir, se mefier de son propre corps et de ses imprevisibles reactions. Lorsqu'elle s'etait abandonnee entre les bras d'Arnaud, elle avait attribue sa faiblesse a la puissance de l'amour immediat que lui avait inspire le chevalier. Mais ce soir ? Elle n'aimait pas Garin. Elle n'etait aucunement attiree par lui et pourtant... elle avait ete a deux doigts de le supplier de la prendre dans ses bras. Son corps s'etait revele exigeant, avide, receleur de forces troubles dont elle n'avait jamais soupconne l'existence auparavant.
Quant a l'attitude de son mari, elle renoncait a l'expliquer. Il etait reellement impossible d'y comprendre quelque chose.
Le lendemain etait la veille de Noel. Une musique aigrelette tira Catherine de son sommeil. Les rideaux avaient ete tires, laissant voir le jour triste d'hiver mais le feu flambait de plus belle dans la cheminee devant laquelle, assis dans un fauteuil, un levrier a ses pieds, Garin etait assis, toujours vetu de sa robe noire, comme s'il venait de se lever. Comme Catherine se dressait sur son seant, il eut un mince sourire.
— Ce sont les hautbois de l'Avent, ma mie. Comme le veut la coutume, ils doivent jouer ici toute la journee jusqu'a minuit. Il faut vous appreter pour les accueillir. Je vais appeler vos femmes...
Ahurie, mal reveillee, Catherine vit entrer ses servantes qui vinrent, joyeusement, lui souhaiter le bon jour. Toutes etaient tres gaies et voltigeaient autour du lit, tendant l'une la dalmatique fourree, l'autre les pantoufles, la troisieme un miroir. Mais leurs regards malins glissaient irresistiblement vers Garin, carre .dans son fauteuil. Il surveillait toute cette joyeuse agitation d'un air indulgent jouant parfaitement son personnage de nouveau marie heureux d'assister au lever de la femme aimee... Devant cette comedie, Catherine ne savait si elle devait rire ou se facher.
Seule Sara conservait son calme. Elle etait entree la derniere, portant la robe de lendemain de noces que Catherine devait revetir pour cette journee : une toilette de drap couleur de miel brode d'epis de ble en soie ton sur ton cernes d'un mince fil d'or. Les larges manches, le decollete et le bas de la robe etaient ourles de zibeline d'un brun chaud. La robe de dessous etait de satin couleur miel, tout unie. Quant a la coiffure qui absorba toute la chevelure de Catherine elle etait faite d'un double bourrelet de zibeline tendu sur une haute forme de drap brode d'ou tombait un court voile assorti. Une large ceinture orfevree retint les plis de la robe, juste sous les seins, et un collier, fait d'epis d'or et de belles topazes rondes vinrent completer cette toilette que Sara aida sa maitresse a revetir avec des gestes de pretresse a l'autel.