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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно без TXT) 📗

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Il allait continuer quand Hughes de Lannoy, tirant sa dague, bondit par-dessus la table et tomba, l'arme haute, sur le malheureux chanteur.

— Qui ose, en pays bourguignon, prononcer le nom d'Orleans ?

Maudit maraud, tu vas le payer !

Fou de rage, le bouillant ami de Philippe le Bon allait frapper quand Catherine, mue par une irresistible impulsion, se leva :

— Assez, sire chevalier ! Vous etes ici chez moi et ceci est mon souper de noces. Je vous interdis de faire couler devant moi un sang innocent ! Une chanson se juge a sa beaute, non a son origine.

Sa voix, vibrante de colere, avait sonne comme un clairon. Un silence succeda. Stupefait, Hughes de Lannoy laissa retomber son bras. Ses yeux rejoignirent, sur la jeune femme, ceux de tous les assistants. Elle se tenait tres droite, s'appuyant a la table du bout des doigts, le menton fierement leve, toute brillante de fureur mais revetue d'une telle dignite que nul ne songea a s'etonner. Jamais la beaute de Catherine n'avait ete aussi eclatante qu'a cette minute. Elle s'imposa aux hommes presents, comme une aveuglante revelation, dans son incontestable royaute. Que cette fille vint d'une echoppe de drapier etait un fait, mais que, par la splendeur de son corps et la grace de son visage, elle fut digne d'etre reine, en etait un autre, non moins clair.

Une flamme etrange au fond de ses yeux bleu pale, Hughes de Lannoy repoussa lentement sa dague au fourreau, lacha le menestrel et revint vers la table. Il sourit, plia le genou.

— Pardonnez-moi, gracieuse dame, d'avoir, en votre presence, laisse la colere m'emporter. J'implore, a la fois, mon absolution et un sourire...

Mais tous ces regards fixes sur elle avaient eu raison de l'assurance momentanee de Catherine. Confuse, elle sourit au jeune homme d'un air embarrasse, se tourna vers son epoux :

— C'est a vous, messire, qu'il faut offrir des excuses. Pardonnez-moi d'avoir eleve la voix en votre lieu et place. Mais, veuillez considerer...

Garin s'etait leve et lui avait pris la main pour couper court a ses excuses et lui venir en aide :

— Comme vous l'avez dit fort justement, vous etes ici chez vous...

et vous etes ma femme. Je suis heureux que vous ayez agi ainsi car vous aviez entierement raison. Gageons que nos amis vous approuvent et qu'ils nous donneront, maintenant, permission de nous retirer.

La vague de sang venue avec la colere aux joues de Catherine se retira subitement. Sa main fremit dans celle de Garin. Le moment tant redoute etait donc venu ? Le visage impassible de l'epoux n'evoquait certes pas les doux epanchements de l'amour, mais c'etait tout de meme vers leur chambre commune qu'il l'emmenait. Sur leurs pas, les invites se formerent en un cortege dont six musiciens, jouant de la flute et de la viole, prirent la tete. Eperdue, Catherine chercha le regard d'Odette qui la suivait, menee par Lannoy. Elle y lut une chaude amitie et aussi une profonde compassion.

— C'est chose sans importance que le corps, lui avait dit la jeune femme tandis qu'elle l'aidait a s'habiller, le matin meme. L'heure de l'union est penible pour presque toutes les femmes, meme lorsque l'amour est la. Et, lorsqu'il n'y est pas, il arrive, parfois, qu'il vienne ensuite.

Catherine s'etait detournee pour prendre sa coiffure des mains d'une servante. Malgre l'amitie profonde, mais encore trop recente, qui la liait a Odette, elle ne s'etait pas encore resolue a lui decouvrir le fond de son c?ur ni le secret de son amour pour Arnaud de Montsalvy.

Elle avait l'impression, stupide peut-etre, qu'en laissant la confidence franchir ses levres, elle eloignerait d'autant la forme, deja si lointaine, du jeune homme, elle briserait le charme tisse entre elle et cet ennemi bien-aime.

... puisqu'il me faut loin de vous demeurer, Je n'ai plus rien a me reconforter Qu'un souvenir...

Les paroles de la plaintive chanson se reformaient d'elle-meme sur le miroir fidele de sa memoire, si poignantes, tout a coup en face de cette porte sombre qui allait s'ouvrir, puis se refermer.

Catherine ferma les yeux pour retenir les larmes qui venaient.

Elle etait au seuil de la chambre nuptiale...

La derniere, Odette s'etait retiree, laissant Catherine attendre seule l'arrivee de l'epoux. Un dernier baiser fraternel, un dernier sourire vite derobe par l'entrebaillement de la porte et la jeune femme avait disparu. Catherine savait qu'Odette quittait Brazey le soir meme pour regagner son castel de Saint-Jean-de- Losne ou l'attendait sa fille.

Malgre le froid et la neige,. peu d'invites demeureraient cette nuit au chateau, chacun preferant rentrer chez soi. Seuls, Guillaume et Marie de Champdivers resteraient a cause de leur age. C'etait peu, mais leur presence sous le meme toit qu'elle-meme reconfortait un peu la jeune mariee. Par ailleurs, Catherine ne regrettait ni Lannoy ni Rolin...

Assise dans le grand lit dont les severes tentures de tapisserie retracaient des scenes de chasse, elle tendait l'oreille a tous les bruits du chateau. Mais ils s'eteignaient l'un apres l'autre, etouffes par l'epaisseur des murs. Bientot, il n'y eut plus, dans la grande piece lugubre que le crepitement du feu ronflant dans l'enorme cheminee de pierre et le baillement de l'un des chiens au pied du lit. L'autre dormait, la tete sur les pattes.

Des tentures avaient ete accrochees le matin meme, dans cette chambre glaciale, aux murs de pierre nue. Elles masquaient l'ogive des fenetres etroites et l'etendue blanche de la plaine sous le ciel noir.

On avait jete, a terre, les grandes peaux d'ours brun que Garin affectionnait et, ainsi calfeutree, la piece ronde, prise dans la tour, avait trouve une nouvelle apparence, plus douillette. Dans la cheminee, on avait entasse deux troncs d'arbres et la chaleur degagee etait si forte que Catherine sentait la sueur couler le long de son dos.

Mais ses mains crispees demeuraient froides. Elle guettait un pas dans le couloir.

Ses femmes, dirigees par Odette, l'avaient revetue d'une sorte de robe de nuit en soie blanche, froncee au cou par un lien d'or et dont les larges manches glissaient jusqu'a l'epaule pour peu qu'elle levat les bras. Ses cheveux avaient ete tresses en nattes epaisses retombant sur sa poitrine et sur la courtepointe de damas rouge.

Pourtant, malgre l'insistance qu'elle mettait a fixer la porte, Catherine n'entendit ni ne vit entrer Garin. Il sortit de l'ombre d'un renfoncement, soudainement, silencieusement, et s'avanca sans bruit sur les fourrures sombres comme une apparition. Effrayee, Catherine reprima un petit cri, remonta ses couvertures qu'elle tint bien serrees sur sa poitrine.

— Vous m'avez fait peur ! Je ne vous ai point entendu entrer...

Il ne repondit pas, continua d'approcher du lit dont il gravit les deux marches. Son ?il sombre etait fixe sur la jeune femme effrayee qui le regardait venir mais ses levres serrees n'avaient pas un sourire. Il semblait plus pale que de coutume. Emprisonne du cou aux talons dans une longue robe de velours noir, il avait quelque chose de funebre aussi peu approprie que possible a la circonstance. Il semblait le fantome de ce chateau solitaire et son mauvais genie. Avec un petit gemissement apeure, Catherine ferma les yeux attendant ce qui allait suivre.

Elle sentit, tout a coup, des mains sur sa tete. Elle comprit que Garin defaisait ses nattes, habilement, legerement. Bientot les cheveux liberes glisserent sur ses epaules, sur son dos, comme un manteau rassurant. Les gestes de Garin etaient doux, peu hatifs. Catherine osa rouvrir les yeux, le vit considerer une longue meche doree qu'il avait gardee dans sa main et qu'il faisait miroiter dans la lumiere rouge des flammes.

— Messire... balbutia-t-elle.

Mais il lui fit signe de se taire. Il ne la regardait toujours pas, continuait a jouer avec la meche soyeuse. Soudain, il dit :

— Levez-vous !

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