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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (смотреть онлайн бесплатно книга txt) 📗

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Mais son esprit etait ailleurs. Il tournait autour d'Arnaud invisible, de Marie prisonniere et aussi de sa belle-mere. Qu'est-ce qui retenait cette femme, pieuse jusqu'au fanatisme, d'assister a la messe ? Catherine croyait encore entendre dans son oreille les sanglots de la vieille dame. Ce n'etaient pas, comme l'avait suppose un peu gratuitement Sara, des larmes de soulagement, ou de reconnaissance, mais bien des sanglots de desespoir et de souffrance... Pourquoi ?

L'impatience de se lancer dans le combat s'empara de la jeune femme et elle accueillit l'« ite missa est »avec un soupir de soulagement. Un dernier signe de croix, une derniere genuflexion, et Catherine tourna les talons. A pas rapides, elle sortit de la chapelle. Fortunat faisait les cent pas sous le porche. En apercevant la jeune femme, il vint a elle.

— Monseigneur vous attend, dame Catherine... commenca-t-il, mais elle l'interrompit d'un geste sec.

— Va devant, je te suis...

Elle lui emboita le pas en silence. Il lui semblait qu'en parlant elle gaspillerait les forces accumulees depuis l'aube, depuis qu'elle savait devoir se preparer a cette entrevue. Tout en marchant, elle marmottait entre ses dents une priere, un peu incoherente peut- etre, mais si Dieu ne s'y retrouvait pas dans le pauvre c?ur humain, qui donc s'y retrouverait ?

A la suite de Fortunat, Catherine traversa la cour, s'engagea dans l'etroit escalier de pierre sans rampe qui menait au chemin de ronde. Bientot l'on quitta le grand air de la cour pour le hourdis et l'interminable galerie couverte qui ourlait les courtines, suivait la courbe des tours et couronnait la forteresse d'un chemin de feu quand l'ennemi attaquait. C'est sur ce chemin qu'elle trouva Arnaud. Arme de toutes pieces, appuye au creneau, l'air sombre, il scrutait la vallee sur laquelle se dechiraient les brouillards du matin, revelant les creux, ouates de verdure tendre, les ruisseaux, les toits roussis ou fumaient les cheminees, les b?ufs roux fonce qui, deux par deux, s'en allaient au champ, unis sous le meme joug.

Il etait seul et, tourne vers l'horizon, il ne bougea pas quand les pas de son ecuyer et ceux de la jeune femme firent resonner les planches epaisses du hourdage. Peut-etre etait-ce pour se donner un ultime instant de reflexion qu'il semblait ne rien entendre ? Peut-etre ne se sentait-il pas pret encore pour cette minute ou il lui faudrait lutter face a face contre son amour.

Fortunat s'avanca, seul, murmura quelque chose tout bas. Alors, la statue de fer vetue se tourna lentement vers Catherine tandis que Fortunat s'esquivait. Sous la visiere relevee du heaume d'acier noir, la jeune femme vit luire les yeux sombres de son mari. Il la regardait sans rien dire. Elle appela a elle tout son courage et, pour briser ce silence qui s'eternisait, l'etouffait, elle dit, tres doucement :

— Tu m'as demandee ? Me voici...

Il ne fit pas un geste vers elle. Un pied appuye au creneau, il laissait le soleil arracher des eclats sinistres a sa funebre carapace et jouait avec une longue dague armoriee, timbree de son epervier heraldique, qu'il avait prise a sa ceinture.

Soudain, il parut prendre son parti de quelque chose, releva la tete, se redressa et fit face a sa femme.

— Je t'ai demande de venir pour te dire adieu !

Elle n'avait pas prevu cela et recula d'un pas. Dans la douce lumiere du voile blanc ses yeux se creuserent, sa bouche trembla d'angoisse.

— Adieu ? Tu veux que je m'en aille ?

Il eut un pale sourire, aussitot efface.

— Non, Catherine. Tu dois rester ! C'est moi qui vais partir. Partir pour ne jamais plus revenir. J'ai voulu que tu le saches...

— Tu veux partir ? Tu veux partir ?...

Elle repetait ces paroles sans parvenir a leur donner un sens clair. Une invincible fatigue envahit tous ses membres et, cherchant instinctivement un appui, elle se laissa glisser, assise entre les enormes merlons. Enfin la signification claire de cette etrange declaration parvint a percer les brumes ou s'enfoncait son esprit.

— Partir ! repeta-t-elle. Mais pourquoi ? Et pour aller ou ?

II se detourna d'elle, reprit la contemplation du paysage, haussa les epaules.

— Ou, je n'en sais encore rien... peut-etre vers la Provence ! Il y a la-bas, au bord d'une mer plus bleue que le ciel d'ete, des chateaux blancs entoures d'etranges fleurs ou il doit faire bon vivre.

— Mais, si tu veux vivre la-bas, moi je veux bien ! Et si tu veux partir, partons. Je suis prete.

De nouveau le douloureux sourire. Il baissa la tete, sa voix se fit plus sourde.

Je sais que je vais te faire du mal, qu'il te faudra etre courageuse, Catherine. Mais je sais aussi que tu n'as jamais manque de courage et je pense que, lorsque deux etres se sont trompes, il vaut mieux avoir le courage d'en finir avant qu'il soit trop tard. Je ne veux pas t'emmener la-bas. C'est Marie que j'emmenerai !

Assommee, Catherine se laissa aller contre la pierre. Le visage baisse d'Arnaud etait crispe comme celui d'un martyr dans l'arene, mais il ne tournait pas les yeux et sa voix ne faiblissait pas. Il avait dit : « C'est Marie que j'emmenerai », calmement, froidement. C'etait la une decision murement pesee.

— Marie ! articula Catherine. C'est Marie que tu veux emmener ? Mais pourquoi ?

La reponse vint, immediate, foudroyante.

— Je l'aime !

Et comme Catherine, ecrasee sous l'enormite de ces mots, ne reagissait pas, il poursuivit, d'une voix sourde :

— Vois-tu, il arrive que l'on se trompe dans la vie. Marie et moi, nous nous connaissions depuis toujours et... je n'avais jamais pense a elle autrement que comme a une tres petite fille. Toi, tu m'as ebloui et je t'ai voulue, mais...

quand nous sommes revenus, je l'ai revue et elle avait change. Nous sommes de la meme race, elle et moi, Catherine.

C'est cela qu'il te faut comprendre.

La furieuse poussee de colere qui s'enfla en elle ranima Catherine. Les mots affreux frappaient sa tete comme des coups de marteau. Ils n'etaient pas vrais, j ils ne pouvaient pas etre vrais ! D'ailleurs, ils sonnaient faux ! Elle se dressa, les poings serres.

— Tu l'aimes, dis-tu ? Tu oses me dire cela a moi ? As-tu oublie tout ce qui nous a lies depuis dix ans... dix ans !

Etais-tu fou, ou bien ne savais-tu pas ce que tu disais ? Si c'est elle que tu aimes, en verite tu as une etrange facon d'aimer. A coups de fouet ?

Il devint bleme et, sous la visiere relevee, les ombres de son visage parurent se creuser davantage. Les narines se pincerent et la bouche se serra au point de n'etre plus qu'un mince trait rouge.

On frappe un chien qui a commis une faute et pourtant on l'aime ! Je t'ai dit que nous etions de meme race, elle et moi.

Elle pouvait comprendre ce chatiment. Elle l'avait merite en me desobeissant. Je lui avais donne l'ordre de te laisser en paix.

Catherine, alors, se mit a rire, a rire, a rire... Des eclats -durs, secs et metalliques qui, sous la longue galerie de bois, resonnerent etrangement. C'etait un rire nerveux qui faisait plus mal que des sanglots.

— Ainsi... articula-t-elle au bout d'un instant, tenter de me tuer, essayer d'etouffer Michel, c'est seulement pour toi une desobeissance ? Si c'est cela, je pense en effet que vous etes tous deux de la meme race : vous n'avez pas de c?ur ! Rien !

Les pierres de ce mur, les loups que l'on entend hurler la nuit dans ces bois sont plus humains que vous. Tu veux partir ?

A merveille, mon seigneur ! Pars ! Va-t'en cacher tes nouvelles amours... Moi, je retourne aux miennes !

Au prix de sa vie Catherine n'eut pu dire ce qui l'avait poussee a lancer cette affirmation, a moins que ce ne fut le desir de rendre coup pour coup, blessure pour blessure, souffrance pour souffrance. Avec une joie amere, elle constata que le coup avait porte : Arnaud avait chancele et s'etait adosse a la muraille.

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