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Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта (читать книги бесплатно .txt) 📗

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Abou-al-Khayr haussa les epaules et reprit un gateau.

— Sois tranquille ! Il n'est pas assez bete pour se faire prendre.

Nous n'avons pas mis, outre mesure, sa vie en danger. Vaincu, il fuira, passera la mer, ira chercher refuge a Fes ou il possede un palais et des terres. Puis, au bout de quelques mois, il reviendra, plus arrogant que jamais, avec des forces neuves. Et tout recommencera. Pourtant, cette fois, il lui faudra se mefier de Banu Saradj. La mort de Zobeida l'a reellement rendu a moitie fou.

— Le Grand Vizir est mort ! fit Catherine. J'ai vu un cavalier vetu de noir, portant a son turban un enorme rubis, qui faisait voler sa tete puis l'attachait a sa selle.

Avec stupeur, elle constata que le visage d'Abou-al- Khayr s'epanouissait.

Le sage dit qu'il est mauvais de benir la mort de son ennemi... mais il faut bien avouer que je ne pleurerai guere Aben-Ahmed Banu Saradj !

— Si seulement, lanca la sultane avec une soudaine violence, Mansour avait pu abattre en meme temps que lui toute la famille !

Mais ces gens semblent pulluler, toujours plus nombreux...

— Contentons-nous du resultat obtenu et esperons que...

Des coups violents, frappes au portail, lui couperent la parole. Au-dela du haut mur, des cris s'elevaient, des appels. Puis vint l'etrange hululement qu'avait pousse tout a l'heure le petit medecin. Des esclaves se precipiterent. L'enorme porte aux clous de bronze tourna sur ses gonds sans un bruit, mais les hommes qui la man?uvraient eurent tout juste le temps de se rejeter en arriere pour eviter la charge furieuse d'un groupe de cavaliers voiles. En tete, Catherine reconnut l'homme au rubis et detourna les yeux. La tete aux yeux fermes du Grand Vizir pendait toujours a l'arcon de la selle. Sans montrer la moindre surprise, Amina se contenta de se lever et demeura debout au bord du massif de roses. Elle remonta seulement son voile mauve glace d'or sur son visage. Sa vue parut figer sur place le cavalier noir.

Catherine vit qu'il avait une belle bouche cruelle soulignee d'une mince moustache, des yeux sauvages dans un maigre visage d'oiseau melancolique.

Mansour ben Zegris se laissa tomber de son cheval plus qu'il n'en descendit et s'avanca vers Amina, d'un pas d'automate. A trois pas d'elle, il s'arreta.

— Tu vis ? articula-t-il enfin. Par quel prodige ?

— Abou-al-Khayr m'a sauvee, repondit tranquillement la sultane.

C'est un grand medecin. Une de ses drogues a vaincu le poison.

— Allah est grand ! soupira Mansour d'un air tellement extasie que Catherine retint un sourire. Ce guerrier au visage de fanatique semblait detenir une bonne dose de naivete. Lui faire avaler les pires couleuvres etait apparemment la chose du monde la plus facile ! Il est vrai que la reputation d'Abou-al-Khayr etait si grande !

Mais deja les yeux noirs de Mansour se tournaient vers Catherine, s'y fixaient bien que la jeune femme, imitant Amina, eut cache son visage. L'aspect insolite de cette silhouette inconnue frappa sans doute le sombre seigneur car il demanda :

— Qui est cette femme ? Je ne l'ai jamais vue.

— Une fugitive ! La favorite blanche de Muhammad. Pendant que tu combattais, Abou le medecin l'a fait fuir en meme temps que le condamne, l'homme qui a tue Zobeida et qui est d'ailleurs son epoux.

Le visage de Mansour exprima une stupeur non deguisee.

Visiblement, il ignorait tout de Catherine et d'Arnaud.

— Quelle est cette etrange histoire ? Et que veut dire tout ceci ?

Sous la semi transparence du voile, Catherine devina le sourire de la sultane. Elle connaissait, tres certainement, les moindres reactions de son inquietant amoureux et jouait de lui avec une incroyable aisance.

— Cela veut dire, repondit-elle avec une note de solennite dans la voix, que le Calife s'appretait a offenser la loi sainte en s'emparant du bien d'autrui. Cette femme, par grands perils et grandes douleurs, est venue de son lointain pays franc reprendre a Zobeida son epoux qu'elle retenait captif, mais sa beaute a eveille le desir dans le c?ur de Muhammad. C'est pour defendre son epouse menacee de mort que le chevalier franc a tue la Panthere.

Ce petit discours fit incontestablement sur Mansour une profonde impression. Ses raisonnements etaient, en general, d'une grande simplicite : si l'on etait l'ennemi du Calife, on etait obligatoirement son ami. Son regard perdit sa menace, se chargea de sympathie.

— Ou est le chevalier franc ? demanda-t-il.

— Ici meme. Abou le medecin l'a soigne. Il repose.

— Il faut qu'il fuie. Et cette nuit meme !

— Pourquoi ? demanda la sultane. Qui viendrait le chercher ici ?

Les gardes du Calife. La mort de ce chien, dont la tete pend a ma selle, jointe a la fuite de sa favorite et du meurtrier de sa s?ur ont rendu Muhammad enrage. Cette nuit, toutes les maisons de Grenade, et meme les villas de la campagne seront fouillees... et jusqu'a ta demeure, o princesse !

Une ombre passa dans le regard mobile de la sultane.

— Tu as donc echoue ?

— Que croyais-tu en me voyant arriver ? Que je venais deposer la couronne califale au pied de ton lit ? Non, je venais reconforter mes hommes, prendre moi- meme quelques forces avant de fuir. Mon palais est deja aux mains de l'ennemi. Je suis heureux de te voir en vie, mais je dois fuir. Si tes proteges veulent echapper a Muhammad, il leur faut quitter Grenade cette nuit meme car le Calife les recherche plus activement encore que moi-meme !

Catherine, avec une angoisse facile a comprendre, avait suivi le bref dialogue d'Amina et de Mansour. En meme temps, a mesure qu'elle realisait le sens des paroles, une lassitude montait en elle.

Encore fuir, encore se cacher... et dans quelles conditions ! Comment faire quitter Grenade a son epoux, blesse et drogue par Abou ? Elle allait poser la question a la sultane quand la voix douce de celle-ci s'eleva de nouveau, mais, cette fois, Catherine constata qu'une nuance de colere la faisait trembler.

— Tu vas donc me quitter encore, Mansour ? Quand te reverrai-je

? — Il ne tient qu'a toi de me suivre ! Pourquoi demeurer aupres de cet homme qui ne t'a apporte que deceptions et douleurs ? Je t'aime, tu le sais, et je peux te donner le bonheur. Le Grand Sultan t'accueillerait avec joie...

— Il n'accueillerait pas une epouse adultere. Tant que Muhammad vivra il me faudra demeurer. Maintenant, il te faut songer a mettre la mer entre lui et toi. Quelle route prends-tu ? Motril ?

Le cavalier noir secoua la tete.

Trop facile ! C'est la qu'on me cherchera en premier lieu. Non.

Almeria ! Le chemin est plus long, mais le prince Abdallah est mon ami et j'ai un navire dans le port.

— Alors, emmene le Franc et son epouse. Seuls, ils sont perdus : les cavaliers de Muhammad les auront vite repris. Avec toi, ils ont une chance...

— Laquelle ? Leur description doit, a cette minute, partir a francs etriers pour tous les postes frontieres et tous les ports... Moi, je m'en sortirai toujours parce que j'ai des allies, des amis, des serviteurs partout. Mais je ne donne pas cher de leur peau.

Sans laisser a Catherine le temps de s'affoler, Abou- al-Khayr intervint :

— Un moment, seigneur Mansour ! Accepte seulement de les emmener avec toi et je me charge de les dissimuler. J'ai pour cela une idee. D'ailleurs, je vous accompagnerai, si tu le permets. Tant que mes amis ne seront pas definitivement hors de portee des bourreaux du Calife, je ne regagnerai pas ma demeure.

Le petit medecin avait parle avec tant de grandeur simple et de vraie noblesse que Mansour n'osa pas refuser.

Tandis que Catherine serrait doucement, dans un geste de gratitude profonde, la main de son ami, il bougonna :

— C'est bon ! Fais comme tu l'entends, Abou le Medecin, mais sache ceci : dans la moitie d'une heure seulement, je quitterai ce palais

! Le temps, je te l'ai dit, de reconforter hommes et chevaux. Si tes proteges ne sont point prets a m'accompagner, ils resteront. J'ai dit !

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