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Catherine et le temps d'aimer - Бенцони Жюльетта (читать книги бесплатно .txt) 📗

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D'une brusque secousse, elle s'etait degagee, eloignee de quelques, pas et, maintenant, elle le defiait du regard. Il etait etrange de voir combien la colere rendait les hommes semblables entre eux.

Sur le masque exaspere de celui-la, elle retrouvait le reflet d'autres fureurs, celles de tous les hommes qui l'avaient aimee ou qu'elle avait combattus. Et toujours elle etait sortie, finalement, victorieuse.

Du moment qu'il ne faisait pas appel a son c?ur ou a sa sensibilite, elle se sentait forte en face d'un homme en colere. Mais, en pensant que cette faiblesse ; que denote toujours la colere lui livrerait Muhammad, elle se trompait. Les autres etaient de sa race. Celui-la etait different. Il y avait un monde entre eux par-dessus lequel leurs esprits ne pouvaient se rejoindre.

Au prix d'un effort violent sur lui-meme, le Calife se calma. Tournant le dos a Catherine, il retourna s'asseoir sur son trone, reprit son sceptre comme s'il cherchait dans l'embleme de sa puissance une defense ; contre cette femme trop attirante. Catherine se raidit, '

inquiete soudain du regard oblique qu'il lui jetait tandis qu'un mince sourire faisait luire ses dents sous sa barbe blonde. La peur maintenant glissait insidieusement en elle ! La fureur de Muhammad etait moins terrifiante que ce sourire !

— Tu ne mourras pas, Lumiere de l'Aurore ! commenca-t-il doucement.

— Cesse de m'appeler ainsi ! s'insurgea la jeune femme. Ce nom me fait horreur. Le mien est Catherine !

— J'ai peu l'habitude de ces noms barbares, mais je ferai selon ton desir. Donc, tu ne mourras pas... Catherine... car je veillerai a ce qu'aucun moyen ne t'en soit laisse. Et je t'aurai quand je voudrai.

Non... ne proteste pas ! Je n'aurai pas sur les mains le sang de ton epoux... car c'est toi-meme qui le tueras !

Le c?ur de Catherine manqua un battement. Elle crut avoir mal entendu, demanda avec angoisse :

— Que dis-tu ? J'ai mal compris...

— Tu le tueras, de ta jolie main fine. Ecoute plutot : ton epoux est au fond d'une geole, en ce moment. Il y restera jusqu'au jour des funerailles solennelles de sa victime, qui auront lieu au coucher du soleil, dans une semaine d'ici. Ce jour-la, il mourra afin que l'esclave accompagne sa maitresse dans l'Au-dela et que Zobeida, puisse, dans la tombe, contempler les restes sanglants de son meurtrier. Jusque-la, il ne boira, ni ne mangera, ni ne dormira, afin que le peuple voie quelle pauvre chose ma colere peut faire d'un chevalier franc. Mais ce qu'il va souffrir n'est rien aupres de l'univers de tortures qu'il devra endurer avant de mourir. A la face du ciel, devant tout le peuple, les bourreaux lui feront regretter cent fois d'etre ne... a moins que...

— A moins que quoi ? souffla Catherine, la gorge seche.

— A moins que tu n'abreges son supplice. Tu y assisteras, ma rose, paree comme il convient a une sultane. Et tu auras le droit d'abreger ses toitures en le frappant, toi-meme, avec l'arme meme dont il s'est servi pour tuer.

Ainsi, c'etait cela qu'il avait trouve pour la faire souffrir ? Le choix abominable entre frapper, elle-meme, l'homme qu'elle adorait, ou bien l'entendre hurler pendant des heures dans les supplices ! Mon Dieu ! Comment pourrait-elle trancher cette vie dont dependait la sienne ? Tristement, pitoyablement elle murmura, comme pour ellememe :

— Il benira la mort que lui donnera ma main.

— Je ne crois pas. Car il saura que tu m'appartiendras desormais en toute propriete. On ne lui laissera pas ignorer que, le soir meme, je t'epouserai.

Une telle cruaute se lisait sur le beau visage du Calife que Catherine detourna les yeux, ec?uree.

— Et l'on te dit bon, noble, genereux !... On te connait mal !

Pourtant ne te rejouis pas trop vite. Moi non plus, tu ne me connais pas ! Il y a une limite a la souffrance.

— Je sais. Tu as dit que tu mettrais fin a tes jours. Pas avant le jour du supplice, cependant, car rien ne pourrait sauver ton epoux de la torture si tu n'etais plus. Il te faut rester vivante pour lui, douce dame !

Elle leva sur lui un regard de noyee. Quel genre d'amour lui vouait donc cet homme ? Il lui criait sa passion et, l'instant suivant, la torturait avec une froide cruaute... Mais elle ne raisonnait plus, ne luttait plus ! Elle etait a bout d'espoir. Pourtant, il n'etait pas possible qu'il ne se trouvat pas, au plus profond du c?ur de cet homme, de ce poete, une toute petite place accessible a la pitie...

Lentement, elle se laissa glisser a genoux, courba la tete.

— Seigneur ! murmura-t-elle. Je t'implore ! Vois... je suis a tes pieds, je n'ai plus d'orgueil, plus meme d'amour-propre. Si tu as pour moi un peu d'amour, si peu que ce soit, ne me laisse pas souffrir ainsi ! Tu ne peux me condamner a la torture que seront les jours a venir, tu ne peux vouloir que j'agonise lentement sous le meme toit que toi. Si tu ne veux, ou ne peux m'accorder la vie de mon epoux, alors permets-moi de le rejoindre. Laisse-moi partager ses souffrances et sa mort et, devant Dieu qui m'entend, je jure qu'en mourant je te benirai...

Elle tendait, instinctivement, des mains suppliantes, levait maintenant vers lui son beau visage noye de larmes a la fois touchante et si belle que, contrairement a ce qu'elle esperait, la colere de Muhammad se durcit.

— Releve-toi, dit-il sechement. Inutile de t'humilier, j'ai dit ce que j'avais a dire.

— Non, tu ne peux pas etre si cruel ! Qu'as-tu a faire d'un corps dont l'ame ne peut t'appartenir ?... Ne me fais pas souffrir... Aie pitie de moi !

Elle cacha son visage dans ses mains, mais, au- dehors, le soleil se couchait dans une gloire sanglante. Du haut du minaret voisin, la voix percante d'un muezzin s'eleva vers le ciel, appelant les croyants a la priere du soir. Elle couvrit les sanglots desesperes de Catherine, et Muhammad qui, peut-etre, allait flechir, se reprit entierement. D'un geste violent, il designa la porte, jetant durement :

— Va-t'en ! Tu perds ici ton temps et tes peines ! Tu n'obtiendras rien de moi. Rentre chez toi. Il est l'heure pour moi d'aller prier !

Instantanement, les larmes de Catherine secherent au feu d'une brutale fureur. Elle se releva vivement, dardant sur le Calife un regard brulant de haine.

— Tu vas prier ? fit-elle avec un ecrasant mepris. Tu sais donc prier ? Alors, n'oublie pas, seigneur, d'apprendre a ton Dieu comment tu entends briser l'union de deux etres et obliger l'epouse a frapper l'epoux. S'il t'approuve, c'est qu'il est vraiment bien different du seul et vrai Dieu ! et aussi que l'on a les dieux que l'on merite !

Ramassant son voile blanc, elle s'en drapa negligemment, sortit sans se retourner, retrouvant au-dehors Morayma et son escorte. La longue cour verte se vidait rapidement. Les hommes se rendaient a la mosquee. Seuls, quatre jardiniers nonchalants s'attardaient encore a elaguer les buissons de myrtes. L'un d'eux, un Maure gigantesque, toussa quand Catherine passa aupres de lui. Machinalement, elle tourna la tete, le regarda, retint un haut-le-corps. Entre le turban blanc et l'etroite barbe noire, elle avait reconnu Gauthier.

Leurs regards se croiserent. Mais elle ne pouvait ni s'etonner, ni s'arreter. Il fallait continuer son chemin tandis que le faux jardinier, du meme pas trainant que ses confreres, s'en allait, lui aussi, vers la mosquee. Pourtant, en regagnant sa geole doree, Catherine sentit que son cour s'etait allege. Elle ne pouvait comprendre comment Gauthier se trouvait la, mele aux serviteurs d'Al Hamra, mais, s'il y etait, c'etait surement grace a Abou-al-Khayr. Il devait passer pour sourd et muet, sans doute, ce qui etait la situation la moins dangereuse pour un faux musulman. Et la pensee qu'il etait la, tout pres d'elle, etait si reconfortante que Catherine en aurait pleure de joie. C'etait bon de le savoir dans ce palais maudit, veillant sur elle autant qu'il etait possible

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