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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно без TXT) 📗

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Le feu flambait dans les cheminees, sa chambre etait douillette et tendue de toiles brodees, le lit fait et, sur une table, des violettes trempaient dans un pot de faience peinte. Le repas etait servi dans la piece principale.

Cette installation, relativement modeste pourtant, etait un rare privilege dans une ville surpeuplee, ou le moindre lit se payait a prix d'or. Les nombreuses suites du duc de Bretagne, de Bedford, des comtes de Richemont, de Salisbury et de Suffolk avaient tout envahi.

Plus d'un bourgeois d'Amiens etait reduit a s'entasser dans une seule chambre avec sa famille et ses servantes pour laisser place aux gens, brutaux et arrogants pour la plupart, de tous ces seigneurs venus rencontrer le duc Philippe. Ce n'etait, a toutes les maisons, qu'ecussons accroches aux fenetres, pennons et bannieres flottant au vent du soir. Les queues d'hermines noires sur champ d'argent de Bretagne couvraient toutes les maisons a l'est du palais episcopal, tandis que les pals sanglants du comte de Foix occupaient le quartier ouest. Le sud appartenait aux roses

ecarlates de Lancastre, duc de Bedford. Le regent anglais a lui seul, avec le renfort des comtes de Salisbury et de Suffolk, occupait la moitie de la ville. Les Bourguignons, en general, s'entassaient au nord et les serviteurs de l'eveque d'Amiens, la ou ils pouvaient.

Malgre sa fatigue, ce soir-la, Catherine ne put trouver le sommeil.

Toute la nuit, la ville retentit de chants, de cris, d'appels de trompettes si vigoureux que les maisons en tremblaient, preludant ainsi aux fetes magnifiques annoncees par le duc Philippe. Et puis l'enervement s'ajoutait au vacarme du dehors. Dans la soiree, Garin s'etait rendu au palais episcopal, appele par son maitre. En rentrant, il etait entre chez sa femme qui venait de se coucher. Elle bavardait avec Sara, tandis que la fidele servante brossait et pliait les vetements portes par sa maitresse dans la journee.

— Demain soir, dit-il seulement, vous serez presentee a Monseigneur au cour du bal des accordailles. Je vous souhaite une bonne nuit...

Le lendemain, le palais de l'eveque rougeoyait dans la nuit comme un incendie. Les pots de feu couronnant ses creneaux, les flots de lumiere pourpre et doree que deversait chacune de ses fenetres lanceolees s'allaient refleter sur l'immense ciselure blanche de la haute cathedrale, enveloppant pierres et statues d'une factice aurore. Chaque embrasure vomissait des cascades de soieries armoriees degringolant jusqu'au sol, chaque colonnette supportait une banniere de soie et, sur la place ou les gardes contenaient a grand-peine la foule des badauds de la ville, une etonnante fresque en couleurs violentes deroulait son faste. Seigneurs aux pourpoints rayonnants de pierreries, posant avec precautions

leurs

pieds

chausses

d'absurdes

chaussures

a

l'interminable poulaine dont certains relevaient le bout avec des chainettes d'or retenues a la ceinture, portant avec une assurance inouie d'enormes chaperons brodes et de longues manches dechiquetees qui tombaient jusqu'a terre, dames en robes de reve sous l'echafaudage fantastique des hennins pointus, cornus, a bourrelets simples ou doubles, toutes, ennuagees de dentelles et de mousselines, toutes, scintillantes de joyaux, trainant apres elles les aunes de brocart, de satin, de velours ou de lame de leurs robes de fete. Tous, gardes de la foule par la double haie de fer des gardes, s'en allaient d'un pas nonchalant vers la fete comme autant d'etoiles etranges qui scintillaient un instant sous le feu des torches et qu'engloutissait l'ombre du porche. Toutes les fenetres de la place etaient bondees de curieux et l'on y voyait comme en plein soleil tant le duc avait prodigue torches et chandelles.

D'une fenetre du palais, Catherine regardait couler le fleuve etincelant des invites. Elle etait arrivee dans l'apres-midi avec ses femmes et les coffres contenant ses atours, car la Grande Maitresse n'avait voulu laisser a personne le soin d'inspecter minutieusement sa toilette de presentation. Pour plus de surete et afin d'etre certaine que la jeune femme, entrainee par la curiosite ne se montrerait pas aux invites avant l'heure convenue, Ermengarde l'avait enfermee dans sa propre chambre, tandis qu'elle-meme allait surveiller les toilettes des princesses. Prete et des?uvree, Catherine regardait...

— Je me demande si Madame Marguerite et Madame Anne vous pardonneront votre beaute, ce soir. Car, en verite, vous les eclipsez comme le soleil eteint les etoiles a l'aurore. Ce n'est pas permis d'etre si belle, ma chere, c'est indecent, presque scandaleux !

Ermengarde avait l'air reellement offusquee, mais ses louanges n'en etaient que plus sinceres. Pour une fois, cependant, Catherine n'en avait retire aucune joie. Sans trop savoir pourquoi, elle se sentait triste, lasse et, volontiers, elle eut retire cette robe de fete pour aller se blottir au fond de son lit, dans la chambre au-dessus du canal vert.

Jamais elle ne s'etait sentie aussi seule !

Tout a l'heure Garin viendrait la chercher. Il la prendrait par la main et la conduirait vers la salle haute ou s'assemblait la foule des invites. La, elle ferait sa reverence au duc Philippe, aux princesses et a leurs futurs epoux. Elle savait qu'elle retrouverait le regard gris dont, un instant, elle avait trouble le calme enigmatique. Elle savait que Philippe l'attendait, que cette soiree etait l'aboutissement d'une volonte puissante, obstinee, mais de cela non plus elle ne retirait aucune joie. Que le puissant Duc la desirat, qu'il l'aimat meme, s'il en etait capable, ne la touchait pas. Parmi les couples qui entraient au palais, elle en avait distingue un, tres jeune. Un chevalier adolescent, blond comme l'etait Michel de Montsalvy, imberbe et joyeux dans un costume de satin bleu sombre. Il donnait la main a une belle enfant, aussi blonde que lui-meme, simplement couronnee de roses, fraiches comme sa robe de moire rosee. De temps en temps, il se penchait vers sa compagne, murmurait quelque chose qui la faisait sourire, rougir et Catherine devinait les doigts qui se serraient un instant, les paroles caressantes chuchotees et les baisers qui s'appretaient. Ces deux-la ne voyaient qu'eux-memes. Lui n'avait pas un regard pour les femmes, souvent tres belles, toujours eblouissantes, qui les entouraient. Elle ne detournait pas ses yeux calins du visage de son compagnon. Ils s'aimaient avec l'ardeur de tres jeunes etres et il ne leur serait meme pas venu a l'esprit de dissimuler si peu que ce soit leur amour. Ils etaient heureux...

A l'aune de cet insouciant bonheur, la jeune femme mesurait le vide de sa propre existence. Un c?ur avide et solitaire, un mari postiche qui ne la parait que pour mieux la jeter dans les bras d'un autre, le desir d'inconnus qui ne l'emouvait pas malgre la fievre de certaines nuits ou le sang menait dans ses veines une infernale ronde, le mepris du seul homme aime... triste bilan !

— Votre epoux est la, dame Catherine, fit derriere elle la comtesse Ermengarde qu'elle n'avait pas entendu entrer.

Elle etait la pourtant, rutilante et formidable dans sa robe de velours rouge et or avec un hennin aussi haut qu'une fleche de cathedrale. Elle accaparait a elle seule tout l'espace et cachait presque Garin dont la silhouette vetue de noir s'erigeait pres de la porte.

Il s'avanca de quelques pas, contempla un instant Catherine puis prononca :

— C'est bien !...

— C'est mieux que bien ! s'insurgea Ermengarde. C'est impressionnant !

Le mot etait exact. Catherine, ce soir, etait impressionnante a force de simplicite voulue. Sa robe de velours noir, tout unie, retenue sous la poitrine par une large ceinture de meme etoffe n'avait d'autre ornement que la doublure de drap d'or de ses longues manches trainant jusqu'a terre. Mais dans cette absolue severite, l'audace du decollete faisait chanter victorieusement l'eclat de sa peau. Carre devant, cernant tout juste la rondeur de l'epaule et decouvrant presque la moitie des seins, il plongeait en pointe dans le dos, plus bas que les omoplates. En revanche, les manches tres longues, couvraient a peu pres toute la main. Bien des femmes seraient aussi decolletees mais, grace a la couleur sombre et mate de la robe, aucune ne paraitrait aussi nue. Autre audace due a l'imagination de la comtesse de Chateauvillain, Catherine ne porterait pas de hennin. Ses cheveux magnifiques tombaient librement comme ceux d'une jeune fille sur ses epaules. Un seul bijou, mais fantastique : un diamant noir, fascinant comme une etoile malefique, fulgurait sur le front de la jeune femme, retenu par un mince cercle d'or qui se perdait dans la chevelure. Cette pierre, d'un incomparable eclat, etait le precieux tresor de Garin, la gemme la plus rare de sa collection. Il l'avait achetee a Venise, quelques annees plus tot au capitaine d'une caravelle qui revenait de Calicut et il l'avait payee fort cher, mais moins cher, tout de meme, que ne le meritait la beaute exceptionnelle du diamant. Le marin semblait avoir hate de se debarrasser de la pierre noire. C'etait un homme malade et le bateau avait souffert de son dernier voyage.

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