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Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗

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— Il faut nous arreter, Catherine, dit Sara vers le milieu du jour.

— Nous arreter ou ? fit Catherine nerveusement. Nous ne sommes plus en terrain assure et meme les maisons-Dieu peuvent cacher des pieges. Il nous reste encore une lieue a peine pour atteindre Coulanges-la-Vineuse.

Nous nous y arreterons.

— Coulanges n'est pas sur, objecta l'un des archers d'escorte. Un brigand Armagnac, Jacques de Pouilly, qui se fait appeler Fortepice, en tient le chateau. Il vaudrait mieux gagner Auxerre.

Auxerre n'est pas plus engageante, coupa Catherine fermement. Au surplus, notre troupe n'a rien d'attirant pour un brigand. Par ce temps affreux, votre Fortepice doit etre enferme dans sa grande salle, devant un feu bien flambant, a jouer aux echecs avec un de ses hommes. Il y a bien un couvent quelconque a Coulanges ?

— Oui, mais...

— C'est la que nous nous arreterons, sans entrer dans le bourg. Nous n'en bougerons jusqu'a l'aube ou nous repartirons. Ah ! ca, messires soldats, auriez- vous peur ? En ce cas, il vaudrait mieux pour vous regagner la Bourgogne encore si proche...

— Madame, Madame..., reprocha frere Etienne. Il faut beaucoup de courage pour s'avancer ainsi en pays ennemi. Ces hommes ne font que leur devoir en vous mettant en garde.

Pour toute reponse, Catherine haussa les epaules, piqua legerement son cheval des eperons et forca l'allure. Bientot, le coteau de Coulanges-la-Vineuse, couronne de son chateau, se silhouetta en grisaille derriere le rideau de pluie. Mais, a mesure que l'on approchait, une inquietude vague se glissait dans l'ame de la jeune femme. Le paysage, qui avait du etre autrefois riant et fertile, etait etrangement sinistre. Les terres paisibles et encore protegees de Bourgogne avaient disparu. Le sol noir paraissait brule et ne montrait que de rares chicots de bois tordu qui avaient du etre des ceps de vigne. De loin en loin, une maison ecroulee, un tas de cendres froides ou, pire encore, un corps pendu a quelque branche qui achevait de se corrompre sous la pluie... Au passage d'une maison encore debout, Catherine et Sara, horrifiees, se cacherent les yeux : barrant la porte de la grange d'une sinistre croix bleme, il y avait le corps nu, crucifie et eventre d'une femme aux longs cheveux noirs.

— Mon Dieu ! murmura Catherine epouvantee... Mais ou sommes-nous donc ?

Le soldat qui avait tente de la detourner de sa route intervint encore :

— Je vous l'ai dit, Madame, ce Fortepice est un bandit... mais je ne pensais pas que c'etait a ce point ! Voyez, devant nous, ces batiments en ruine : c'est le couvent ou vous esperiez vous arreter. Il a du l'incendier, le miserable ! Il faut fuir, Madame, pendant qu'il est temps encore. Le mauvais temps, comme vous le pensiez, aura peut-etre retenu au chateau Fortepice et ses brigands. Mais il ne faut pas tenter le diable ! Voyez ce sentier, sur la gauche, qui s'enfonce dans le bois, prenons-le. A deux lieues d'ici, environ, nous trouverons les carrieres de Cour- son ou nous pourrons prendre abri pour la nuit car, du chateau de Courson, je ne suis guere plus sur, ne sachant pas qui le tient.

Glacee par l'affreux spectacle qu'elle venait de contempler, Catherine n'objecta rien. Elle laissa l'homme prendre son cheval par la bride et le diriger vers le chemin qui s'enfoncait a travers bois. Le sentier serpentait entre deux impenetrables taillis qui semblaient des murs de branchages enchevetres. De loin en loin, un rocher gris faisait une trouee. A mesure que l'on s'enfoncait dans le bois, la route se retrecissait et les branches des arbres se rejoignant d'un bord a l'autre finirent par en faire une sorte de tunnel qui allait s'assombrissant. On n'entendait pas d'autre bruit que le pas des chevaux et, de temps a autre, le cri d'un oiseau en vol. Et, soudain, ce fut l'attaque...

De derriere un mur rocheux, du haut de plusieurs arbres, des hommes bondirent sur la route, saisirent les chevaux par la bride tandis que d'autres, s'agrippant, deux a la fois, aux cavaliers, les desarconnaient et les jetaient a terre. En un clin d'?il, Catherine et ses compagnons se retrouverent solidement ligotes, jetes dans la boue du chemin sans ceremonie. La bande qui les avait assaillis etait formee d'hommes vigoureux, suffisamment depenailles, mais tous les visages etaient masques d'un chiffon qui ne laissait voir que les yeux. Seules les armes etaient de bonne qualite et reluisantes. L'un des hommes, le seul qui portat une brigandine de plaques d'acier sur son justaucorps de buffle, une longue epee et des eperons de chevalier, se detacha du groupe et vint examiner les captifs.

— Pas fameuse, la prise, grogna l'un des brigands. Les bourses ne sont pas grasses. Autant les pendre tout de suite !

— Il y a les chevaux et les armes qui sont de bonne qualite, coupa sechement celui qui semblait le chef. Et c'est moi qui decide.

Il courbait un peu sa haute taille maigre pour mieux examiner ses prisonniers et, soudain, il eclata de rire tandis qu'il otait le chiffon crasseux drape sur son visage. Catherine vit avec quelque surprise qu'il etait beaucoup plus jeune qu'elle n'aurait cru : vingt-deux ou vingt-trois ans peut-

etre. Cependant tous les stigmates du vice precoce etaient inscrits sur cette figure seche aux levres molles mais aux yeux aigus de rapace.

— Il n'y a que trois hommes dans cette brillante cavalcade ! s'ecria-t-il.

Le reste est compose d'un moine et, Dieu me pardonne, de deux femmes.

— Deux femmes ? fit l'autre brigand avec stupeur, en se penchant a son tour pour mieux voir. Celle-ci, oui, ca creve les yeux, mais j'aurais bien jure que l'autre etait un garcon.

Pour toute reponse, le chef tira sa dague, fendit le pourpoint de Catherine fremissante de rage, denudant une partie de sa poitrine.

Avec un garcon comme ca, on doit pouvoir se passer de femmes, grogna-t-il joyeusement. Mais elle est trop mince pour moi ! J'aime les filles bien dodues. L'autre me convient mieux.

— Espece de pourceau ! s'ecria Catherine ecumant de colere. Vous paierez cher l'audace d'avoir porte la main sur moi. Je suis la comtesse de Brazey et Monseigneur le duc de Bourgogne vous fera regretter cette agression... et ce geste !

— Je me moque du duc de Bourgogne comme d'une guigne, ma belle !

Et je vais te dire mieux : je considere qu'aupres de ce prince des traitres, je suis un ange, moi, Fortepice... Mais, bien que mes gestes te deplaisent, je vais m'en permettre un autre, rien que pour voir si tu mens.

D'un revers de main, il arracha le camail qui couvrait la tete, le cou et les epaules de la jeune femme par-dessus son pourpoint. Les epaisses nattes dorees qu'elle avait soigneusement serrees autour de sa tete apparurent et brillerent doucement sous la lumiere pauvre que dispensait ce jour pluvieux.

Fortepice la considera un instant, songeur, puis :

— La comtesse de Brazey, la belle maitresse de Philippe de Bourgogne, passe pour avoir les plus beaux cheveux du monde. Si ce ne sont pas ceux-la, je veux bien etre pendu !

— Soyez tranquille, fit Catherine sechement, cela viendra !

— Le plus tard possible ! Allons, la prise est meilleure que je ne croyais.

Je gage que, pour te ravoir, ma belle, le duc Philippe se montrera royalement genereux. J'aurai donc l'honneur de t'offrir l'hospitalite de mon castel de Coulanges en attendant ta rancon. On y mange mal, mais on y boit bien.

Ceci compense cela. Quant aux autres... A propos, qui donc est cette belle dame aux yeux noirs qui me regarde comme si j'etais messire Satan.

— C'est ma suivante, repliqua la jeune femme.

Elle vous suivra donc, fit Fortepice soudain galant, avec un sourire qui inquieta Catherine bien plus que le ton agressif qui l'avait precede.

De fait, il se detourna vers son lieutenant et ordonna :

— Tranchemer, tu vas hisser les prisonnieres et l'enfroque sur leur monture. On les ramene. J'ai justement besoin d'un chapelain. Le moine fera l'affaire. Quant aux autres...

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