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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта (книги полные версии бесплатно без регистрации TXT) 📗

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Gilles ne repondit pas tout de suite. La mine sombre, il jouait nerveusement avec une dague a poignee d'or qu'il avait prise sur un coffre. La jeune femme osait a peine respirer, craignant de troubler ce silence plein de menaces. Mais, soudain, elle sursauta. Gilles venait de planter la dague dans le bois precieux du coffre et, sans regarder Catherine, articulait :

— Je veux que vous voliez pour moi le diamant noir, que vous me le remettiez ensuite...

— Vous oubliez qu'il m'appartient. Au fait, j'aimerais savoir comment il est venu entre les mains de votre cousin.

— Un tavernier de je ne sais quel pays aurait entendu l'homme auquel vous l'avez confie, un certain pelletier de Bourges, dire qu'il engagerait le diamant chez un juif de Beaucaire, nomme je crois Abrabanel. Esperant une bonne recompense, le tavernier est venu conter l'affaire au Grand Chambellan. Des lors, la chose etait facile.

— Il a fait tuer maitre C?ur ? s'ecria Catherine douloureusement.

— Ma foi non. Votre emissaire ayant deja touche son or avait pris le large. Le juif avait le diamant. Il n'a pas voulu le remettre aux emissaires de mon cousin... et il en est mort.

Catherine poussa un cri d'horreur qui s'acheva en un rire a la fois douloureux et ironique.

— La mort ! Encore !... Et vous voulez cette pierre maudite ? Car elle est maudite. Elle traine apres elle le malheur, le sang, la souffrance. Ceux qui la possedent connaissent les pires destins ou bien en meurent, tout simplement. Et j'espere qu'il en sera de meme pour votre beau cousin. Si vous voulez ce diamant, venu tout droit de l'enfer, vous n'avez qu'a le prendre vous- meme !

Exasperee, sa voix etait montee jusqu'au cri, mais deja les mains de Gilles s'etaient abattues brutalement sur elle et pesaient impitoyablement sur ses epaules tandis que le visage tordu de colere et de peur se rapprochait du sien.

J'ai moins peur de Satan que de tes malefices, maudite sorciere ! Et tu n'as pas le choix. Demain, tu seras livree a La Tremoille : ou bien tu voleras pour moi le diamant ; ou bien tu mourras dans les supplices, et ton Egyptienne avec toi. Tu n'es rien ici, qu'une ribaude sans importance que l'on peut supprimer a son gre. Les bonnes gens du pays ne sont jamais si heureux que lorsqu'ils voient le corps d'un de tes freres se balancer au gibet.

— Alors, il faudra me faire couper la langue, lanca Catherine froidement. Car, dans les supplices, je parlerai, je dirai qui je suis et pourquoi vous m'avez entrainee ici. De toute facon, conclut-elle amerement, je mourrai. Vous ne me laisserez pas sortir d'ici vivante.

Je n'ai donc aucun interet a voler cette pierre pour vous.

— Si ! Contre la pierre tu auras la vie sauve. C'est de nuit qu'il te faudra agir. La Tremoille habite cette tour meme. Le diamant en ta possession, tu n'auras qu'a me l'apporter et moi je te ferai sortir d'ici. Il te restera a faire decamper ta tribu au plus vite car votre salut dependra de la vitesse de vos jambes. Vous aurez la fin de la nuit pour fuir... car, bien entendu, tu seras accusee et les tiens avec toi.

— Les hommes d'armes nous auront vite retrouves, fit Catherine.

Votre « vie sauve » n'est qu'un sursis mal deguise et qui fera couler le sang d'une foule de braves gens.

— Cela ne me regarde plus. A toi de ne pas te faire prendre. Au surplus, si cela t'arrivait, sache bien qu'il ne te servirait a rien de dire la verite. Entre la parole d'une fille d'Egypte et celle d'un marechal du Roi, personne n'hesiterait. Tu ne reussirais qu'a faire rire.

— Et... si je refuse ?

— Ta Sara va etre conduite sur l'heure a la chambre des tortures Tu pourras assister au spectacle avant d'y participer toi-meme.

Catherine detourna la tete avec degout. Le masque convulse de Gilles avait quelque chose de diabolique et le rendait hideux. Elle haussa les epaules et soupira.

— C'est bien, j'obeirai... Je crois bien qu'en effet je n'ai pas le choix.

— Tu voleras le diamant et tu me le donneras ?

— Oui..., dit-elle avec lassitude. Je vous le donnerai en esperant qu'il vous portera malheur a vous comme aux autres ; au surplus je n'ai vraiment pas envie de garder une...

La gifle que lui assena Gilles lui coupa la parole sur un cri de douleur. Elle avait ete si violente qu'elle avait cru sa tete emportee.

— Je n'ai que faire de tes maledictions, coquine. Tu n'as qu'a obeir si tu ne veux pas qu'il t'en cuise. A obeir, tu entends, avec humilite !

La douleur avait fait perler des larmes aux cils de Catherine. Elle les ravala courageusement, mais sa tete sonnait encore comme une cloche. Elle regarda haineusement l'homme qui, maintenant, se dressait devant elle et ordonnait :

— Aide-moi a me devetir !

Il s'etait assis et tendait un pied botte pour qu'elle le dechaussat.

Elle hesita un instant, mais elle le connaissait trop pour resister. A

quoi bon ? Pour risquer un coup de dague dans un acces de fureur ?

Apparemment, il marquait sa volonte de l'humilier... Avec un soupir elle s'agenouilla.

Tandis que Catherine lui enlevait les differentes pieces de son costume, Gilles avait saisi sur la table un hanap de vin et buvait, a longues gorgees avides. Quand il fut vide, il le jeta et en prit un autre qu'il se mit a ingurgiter avec autant d'ardeur. Un troisieme suivit.

Catherine, horrifiee, voyait son visage gonfler et s'empourprer, ses yeux s'injecter comme si le vin epais coulait directement sous sa peau.

Quand il n'eut plus rien sur le corps, il saisit sur un siege une longue robe de velours noir, l'enfila, serra la cordeliere autour de ses reins et jeta a la jeune femme un coup d'?il mauvais tout en s'approchant d'un dressoir qui supportait des flacons.

— Maintenant, deshabille-toi, ordonna-t-il.

Une lente rougeur monta aux joues de Catherine qui serra les poings.

Un eclair de colere brilla dans ses yeux tandis que sa bouche se pincait sur un pli d'obstination.

— Non !

Elle s'attendait a une explosion de fureur. Il n'en fut rien. Gilles poussa un soupir et, se dirigeant d'un pas nonchalant vers le fond de la piece, il prit, sur un meuble, un long fouet de chasse.

— C'est bien, dit-il seulement. Je vais le faire moi- meme... avec ceci.

Et, joignant le geste a la parole, il frappa. La longue meche souple siffla et s'enroulant, avec une habilete diabolique, autour d'une manche flottante l'arracha d'un coup sec, non sans bruler au passage le bras de Catherine qui retint a grand-peine un gemissement. Elle comprit qu'elle etait vaincue, qu'il lui fallait obeir sous peine d'etre assommee a coups de fouet par cette brute.

— Arretez, dit-elle d'une voix morne. J'obeis !

L'instant suivant, la dalmatique soyeuse et la fine chemise tombaient a ses pieds...

Lorsque revint le jour, Catherine n'avait plus de larmes. Recrue d'horreur et de souffrance, elle etait parvenue aux limites de l'epuisement. De cette nuit aux mains du sire de Rais, elle devait garder un terrible, un ineffacable souvenir...

L'homme etait fou, il n'y avait pas d'autre explication. C'etait un maniaque du sang et du vice et, durant des heures, la malheureuse avait du subir les odieuses fantaisies que dictaient a Gilles son esprit detraque et sa virilite declinante. Son corps meurtri, griffe, malmene, lui interdisait le sommeil et le sang coulait encore de son epaule dans laquelle le forcene avait mordu a pleines dents.

Durant toute cette nuit de cauchemar, il n'avait cesse de boire, de boire jusqu'au delire, et Catherine, plus d'une fois, avait cru sa derniere heure venue, mais Gilles s'etait contente de la rouer de coups sans presque cesser de l'injurier bassement.

En constatant la quantite de vin absorbee par son bourreau, Catherine avait espere qu'il finirait par s'endormir, mais, quand l'aurore parut et que les guetteurs cornerent l'ouverture des portes de la ville, Gilles n'avait pas encore ferme les yeux. Il avait seulement rejete les couvertures et s'etait leve, etirant dans la fraicheur du matin son corps nu. Il avait revetu ses habits, et sans meme un regard a la jeune femme, inerte sur le lit devaste, il etait sorti pour aller chasser comme chaque matin. Du fond des courtines ou elle essayait de trouver une position meilleure, Catherine avait entendu les appels de trompe ; les aboiements des chiens impatients de partir, puis le grondement du pont-levis que l'on abaissait.

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