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Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗

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Elle tira, non sans peine, la lourde porte a elle.

Mais une main sortie de l'ombre appuya vivement sur le battant entrouvert qui retomba.

— Il est formellement interdit a qui que ce soit de sortir de l'abbaye ! fit une voix paisible. C'est l'ordre de Monseigneur l'abbe !

Un moine qui portait sous le bras un gros paquet de paille se tenait devant elle. Il devait etre dans l'etable pour y prendre de quoi allumer un nouveau bucher tandis qu'elle essayait d'ouvrir la porte... Dans l'ombre, elle vit une forme courte et trapue, un crane rond et lisse sur la blancheur duquel tranchait une mince couronne de cheveux. Tranquillement, le moine jetait a terre son ballot, ramassait la barre de fer et la reengageait dans ses gaches.

Eperdue, Catherine l'implora :

— Je vous en supplie, laissez-moi sortir. Il faut que j'aille trouver ces gens, la, dehors. C'est moi qu'ils cherchent ! Une fois qu'ils me tiendront, ils n'auront plus aucune raison d'attaquer l'abbaye. Le village sera sauve ! On ne peut pas laisser faire une chose pareille !...

Mais le religieux secoua la tete, doucement. Sa voix etait toujours aussi paisible quand il dit :

— Ce que fait notre abbe est bien fait, ma s?ur ! Et les desseins de Dieu sont insondables. S'il a decide que nous peririons tous demain, nous et tout le village, c'est qu'il a ses raisons que je ne veux pas chercher a connaitre. Pour moi, j'ai fait v?u d'obeissance. Et, quand Monseigneur l'abbe ordonne, j'obeis, bien humblement. Venez, ma s?ur...

Calant sa paille sous un bras, il prenait de sa main libre le bras de Catherine et l'entrainait irresistiblement. Elle eut beau prier, supplier, le moine ne se laissa pas flechir. Il la ramena vers les feux. A cet instant, de l'eglise sortait Ermengarde tres agitee. Apercevant Catherine, elle courut a elle.

— Ou etiez-vous passee encore ! J'etais morte d'inquietude !

— Je l'ai arretee au moment ou elle allait franchir la porte des etables, fit le petit moine tranquille. Elle voulait sortir et se livrer, mais l'abbe a interdit a quiconque de sortir. Alors, je la ramene. Puis-je vous la confier ?

— Vous pouvez, mon pere, vous pouvez ! Et je vous garantis qu'elle ne m'echappera plus.

Ermengarde paraissait furieuse. Sans rien vouloir entendre des explications de Catherine eploree, elle l'entraina vers la maison des hotes et, sans un mot, s'enferma dans sa chambre avec sa captive.

— Comme cela, dit-elle, je serai tranquille. Vous resterez la !

A bout de forces, Catherine se laissa tomber sur son lit et y versa toutes les larmes de son corps sans parvenir a attendrir sa geoliere qui, assise, bras croises, la contemplait sans rien dire !

Et la nuit s'acheva.

Quand le jour revint, illuminant les batiments de l'abbaye, Catherine et Ermengarde, en sortant de leur logis, ne reconnurent pas le decor paisible de la veille. Sur les murs, les moines veillaient aupres de chaudrons qu'ils y avaient transportes et dont l'odeur empestait l'air pur du matin. D'autres, dans la cour, entretenaient de grands feux ou bien affutaient les lames des faux sur des meules. D'autres encore amenaient des pierres de taille prises au chantier de l'eglise. Et, au milieu de tout cela, les mains au dos, l'abbe se promenait, comme un general inspectant ses troupes.

En voyant les femmes apparaitre, il vint droit a elles.

Vous devriez retourner dans l'eglise, dit-il. Vous y seriez plus a l'abri. Il est temps pour moi de monter au rempart pour voir ce qu'il en est de nos assaillants.

— Je vais avec vous, s'ecria Catherine. Ce n'est pas l'heure pour moi de me cacher et si vous ne voulez pas que je me livre, permettez au moins que je parle a mon mari ! Je parviendrai peut-etre a le faire changer d'avis.

Jean de Blaisy hocha la tete avec un sourire sceptique.

— Je doute que vous y parveniez. S'il etait seul en cause, peut-etre... mais je connais le Begue de Perouges. Lui et ses hommes flairent le sac d'une riche abbaye. Le pretexte leur semble bon et d'autant meilleur qu'ils se contenteraient de bien moins. Vous allez courir la, inutilement, le risque d'une fleche perdue.

— Je tiens cependant a le courir.

— Comme vous voudrez. Venez donc...

Comme la veille, tous trois, car Ermengarde ne

voulait plus quitter Catherine — Sara aidait le frere apothicaire a preparer des pansements a la cuisine —, monterent au creneau, jeterent un coup d'?il sur le village d'ou parvenaient un cliquetis d'armes et des jurons.

Le soleil rouge qui se montrait derriere le versant ou s'adossaient les batiments conventuels eclaira les preparatifs des routiers du Begue. Ils en avaient termine avec leur infernale besogne de la nuit : toutes les portes etaient enclouees et toutes les maisons disparaissaient a demi sous la paille et les fagots. Quelques routiers se tenaient devant ces tas de paille, une torche allumee a la main. Leur attitude ne laissait place a aucune equivoque.

Le reste se formait en troupe serree autour d'une gigantesque poutre qu'ils avaient trouvee on ne savait ou. Garin et son acolyte monterent a cheval. Ils se dirigerent lentement vers le portail ferme. Le Grand Argentier portait cette fois une armure sur ses vetements noirs et l'on ne pouvait dire lequel, de lui ou du Begue, etait le plus sinistre. Il leva la tete vers le creneau, apercut l'abbe et sourit.

— Alors, seigneur abbe ? Quelle est ta reponse ? demanda-t-il calmement. Vas-tu me rendre ma femme ou bien preferes-tu le combat ?

Comme tu vois, nous avons pris quelques precautions utiles !

Jean de Blaisy allait repondre mais Catherine le devanca. Elle se glissa entre l'abbe et le creneau et s'ecria :

— Pour l'amour de Dieu, Garin, cessez ce jeu cruel ! N'etes-vous pas las de verser le sang ? Pourquoi des innocents devraient-ils perir a cause de nos querelles ? Est-ce que vous ne sentez pas combien tout cela est injuste, odieux !

— Je me demandais, riposta Garin avec un sourire sarcastique, combien de temps vous mettriez a vous montrer. Si quelqu'un est a blamer dans cette affaire, c'est vous et non pas moi. Je suis votre mari, vous devez me suivre au lieu de fuir devant moi...

— Vous savez parfaitement pourquoi je l'ai fait, vous savez qu'il me fallait sauver ma vie, celle de mon enfant et ma liberte aussi. Si vous ne m'aviez traitee avec cette cruaute, jamais je ne serais partie- Mais tout peut encore se reparer. Je ne vous demande rien pour moi. Mais pouvez-vous me donner votre parole que, si je vous rejoins, vous epargnerez ce bourg et ce monastere ?

Avant que Garin ait pu repondre, le Begue s'etait avance.

— Sortez d'abord, lanca-t-il goguenard. On verra ensuite a discuter... Je n'aime pas beaucoup que l'on me derange pour rien...

L'abbe tira Catherine en arriere avec autorite.

— Vous perdez votre temps et vos peines, dit-il.

Ils desirent nous attaquer et vous peririez sans sauver personne. Ne l'avez-vous pas compris ?...

Desesperee, Catherine se tourna vers Ermengarde et vit avec surprise qu'elle souriait beatement. La comtesse n'avait pas l'air d'etre presente a la scene qui se deroulait devant elle. La tete levee, l'air ravi, elle ecoutait...

— Oh, Ermengarde, reprocha Catherine douloureusement, comment pouvez-vous sourire quand des hommes vont mourir ?

— Ecoutez ! fit Ermengarde sans repondre. Est- ce que vous n'entendez rien ?

Instinctivement, Catherine tendit l'oreille. Un bruit sourd, lointain encore, roulait doucement sur le plateau. Il fallait une ouie fine pour le saisir, mais Catherine le percut nettement.

— Je n'entends rien ! fit l'abbe a mi-voix.

— Moi si ! Gagnez du temps, cousin, parlementez le plus longtemps possible !

Sans chercher a comprendre, l'abbe obeit. S'avancant au creneau, il se mit a adjurer les routiers d'epargner un village innocent et la demeure du Seigneur. Mais ils l'ecoutaient avec impatience et Catherine comprit que la parole ne retiendrait plus longtemps ces hommes avides de sang et de pillage.

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