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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно без TXT) 📗

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D'un geste vif, la jeune fille essuya une larme attardee sur sa joue.

— Qui a dit cela ?

Abou-al-Khayr haussa les epaules et posa la main sur la poignee de la porte. Il etait moins grand que Catherine d'une bonne moitie de tete, non compris le turban, mais il avait tant de dignite qu'il lui parut immense.

— Un poete persan mort voici deja bien des annees, repondit-il. Il se nommait Hafiz et connaissait bien le c?ur de l'homme. Moins bien celui de la femme dont il eut a souffrir... Mais je vois que, cette fois, les roles sont renverses et c'est toi qui souffres, jeune fille. Tu t'es meurtrie a cet homme aussi beau mais aussi dangereux qu'une lame de Tolede et tu

saignes... Je ne l'aurais pas cru car, par Allah, j'etais persuade, vous voyant ensemble, que vous etiez destines a former l'un de ces couples rares et benis, qui ne se rencontrent que si peu souvent.

— Vous vous etes trompe, soupira Catherine... et moi aussi. J'ai cru, un instant, qu'il allait m'aimer. Mais il me hait et me meprise et je ne peux vous expliquer pourquoi. Il a dit qu'il ne voulait plus jamais me revoir...

Le petit medecin se mit a rire de bon c?ur, sans souci de l'air indigne de Catherine pour qui cette gaiete etait au moins intempestive.

— Hafiz dit aussi : « J'ai bien peur que les saints qu'on voit se moquer des ivrognes n'aillent porter un jour leurs prieres au cabaret. »

Il te deteste mais il te desire. Que te faut-il de plus ? Quand une femme emporte avec elle le desir d'un homme, elle est toujours sure de le retrouver un jour. Tu devrais savoir qu'un homme en colere laisse courir sans frein sa parole, cette jument sauvage. Les voix de sa tempete interieure crient bien trop fort pour qu'il entende celle, toujours un peu enrouee, de la raison. Va rejoindre ton oncle qui s'inquiete et laisse-moi seul avec cet homme difficile. Je vais rester aupres de lui et l'accompagnerai chez le duc de Bourgogne. Je vais aussi essayer de savoir ce qu'il y a dans cette tete dure... Va en paix, jeune fille !

Sans rien ajouter de plus, Abou-al-Khayr salua Catherine et, appelant d'un geste son serviteur noir, accroupi un peu plus loin, aussi immobile qu'une statue d'ebene, il rentra dans la chambre. Catherine, songeuse et un peu consolee, regagna celle ou elle etait demeuree si peu de temps, pour reparer le desordre de sa toilette. Dans la cour, Mathieu continuait a clamer son nom. Elle se pencha sur la balustrade, cria :

— Un moment, mon oncle, je viens tout de suite ! puis rentra chez elle.

Quelques minutes plus tard, vetue d'une robe de fin lainage brun sous le grand manteau du duc Philippe, ses nattes bien serrees par un etroit capuchon de soie qui lui donnait l'air d'un jeune moine, elle descendait majestueusement dans la cour sous l'?il mi-ravi mi-furieux de son oncle et celui, franchement admiratif du jeune Roussay. Revoir la jeune fille epanouissait visiblement le capitaine bourguignon et il se precipita vers elle pour lui offrir la main a la derniere marche et l'aider a franchir les flaques d'eau laissees par la pluie.

Avec un sourire distrait, Catherine appuya ses doigts au poing offert et s'avanca vers Mathieu qui suivait la scene, les mains aux hanches et le chaperon en bataille a son habitude.

— Le bonjour, mon oncle. Avez-vous passe une bonne nuit ?

— D'ou sors-tu, grogna Mathieu en posant un baiser rapide sur le front offert. Voila des heures que je m'epoumone !

— Je me suis promenee mais l'herbe etait mouillee et j'ai du me changer. Partons-nous ?

— Tu es bien pressee soudain ? Tu semblais te soucier si fort de notre trouvaille d'hier soir...

Catherine offrit a son oncle un sourire eclatant puis, haussant la voix suffisamment pour qu'elle montat jusqu'a certaine fenetre ouverte juste au-dessus de sa tete, repondit :

— Nous lui avons trouve un medecin, nous n'avons plus rien a faire avec lui et nul besoin d'exercer plus avant la charite. Partons, j'ai hate maintenant de rentrer chez nous.

D'un pas decide, elle se dirigeait vers les mules qui attendaient toutes preparees, laissant Jacques de Roussay se substituer au vieux Pierre pour lui tenir l'etrier et le remerciait d'un sourire et d'un : Grand merci, Messire. Je rends grace a Monseigneur Philippe de vous avoir envoye a nous. L'honneur est grand et aussi le plaisir puisque nous allons voyager ainsi de compagnie...

Rouge de joie, le jeune homme remonta a cheval et donna a ses hommes le signal du depart. Les paroles gracieuses de Catherine lui ouvraient une large porte sur des espoirs qu'il s'etait interdits jusque-

la. Cette attention du duc Philippe ne signifiait que trop le prix accorde par lui a la belle Dijonnaise et Jacques ne doutait pas que Catherine ne fut promise, a bref delai, a l'amour de son maitre. Mais une femme ayant toujours le droit de choisir et de se refuser, rien n'interdisait au jeune capitaine de tenter sa chance de son cote, pendant le temps que durerait le voyage.

Il mit son cheval au pas de la mule de Catherine et voulut poursuivre un entretien si bien commence. Mais la jeune fille parut tout a coup frappee de mutisme. A toutes ses avances, elle ne repondit plus que par monosyllabes, gardant les yeux baisses et un visage ferme. Jacques de Roussay se resigna a voyager en silence, se contentant d'admirer le ravissant profil delicatement encadre par la precieuse fourrure.

Rassure par l'escorte armee, Mathieu Gautherin s'etait paisiblement endormi sur sa selle, balance au pas mesure de sa monture. Les valets et les soldats suivaient. Catherine, muree dans son silence et dans ses pensees essayait de retrouver le visage ardent d'Arnaud quand il lui avait parle d'amour. Tout avait ete si brusque, tout avait change si vite dans sa vie paisible qu'elle se sentait etourdie comme si elle avait bu trop de vin doux. Il fallait le calme quotidien de la maison, les presences familieres et raisonnables de sa mere, de sa s?ur, et aussi de Sara pour reprendre un peu pied sur terre. De Sara surtout ! Elle savait toujours tout, elle lisait dans l'ame de Catherine comme dans un petit livre clair. Elle pouvait tout expliquer car nulle femme ne connaissait comme elle les hommes. Un desir violent de la revoir saisit Catherine, si pressant qu'elle eut envie de cravacher sa mule, de devancer tout le monde et de ne plus jamais s'arreter avant les murailles de Dijon.

Mais, devant les pas de la mule, la route de Flandres s'allongeait toujours, interminablement...

L'office du matin s'achevait dans l'eglise Notre- Dame de Dijon. Le chaud soleil de juillet, a l'exterieur, illuminait deja les mille fleches de la ville ducale, mais il faisait si sombre a l'interieur que l'on n'y voyait guere. Peu eclairee, en temps normal, la grande eglise ogivale etait encore obscurcie par les lourdes tentures noires qui tombaient des voutes. Dans toutes les eglises, et aux facades de beaucoup de maisons, on retrouvait ces memes tentures car, depuis une semaine, la Bourgogne etait en deuil de sa duchesse. Michelle de France etait morte subitement, dans son palais de Gand, le 8 juillet. Si subitement meme que l'on parlait de poison, a mots couverts bien sur.

On chuchotait que la jeune duchesse faisait tous ses efforts pour rapprocher son mari du dauphin Charles, son frere, et que la reine Isabeau, sa terrible mere, ne voulait pas de cette reconciliation entre son gendre et le fils qu'elle haissait. C'etait elle qui avait place aupres de sa fille la dame de Vies ville que l'on accusait sous le manteau d'avoir fait passer Michelle de vie a trepas. Le duc Philippe etait parti pour Gand precipitamment, laissant Dijon a la garde de sa mere, la duchesse douairiere Marguerite de Baviere, cousine d'Isabeau...

cousine et ennemie.

C'etait a tout cela que songeait Catherine tandis qu'agenouillee aupres de Loyse, elle attendait la fin des prieres de celle-ci, toujours interminables. Depuis qu'elle etait dijonnaise, Loyse s'etait prise d'une profonde devotion pour l'etrange vierge noire de sa paroisse, cette statue de bois sombre, si vieille que nul ne savait dire depuis combien de temps elle etait la et que l'on nommait Notre-Dame de l'Apport, ou Notre-Dame de Bon Espoir. Elle faisait de longues stations dans la chapelle du transept sud, contemplant durant des heures la petite statue raide, avec son long visage triste de vierge romane et son severe Enfant- Jesus, a peine visible dans le scintillement des ors et le rougeoiement d'une foret de cierges. Catherine, pour sa part, venerait, elle aussi, l'antique madone mais supportait mal ces longues stations a genoux. C'etait uniquement pour faire plaisir a Loyse, et aussi pour ne pas s'attirer d'acerbes recriminations qu'elle s'y resignait.

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