Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (книги полностью TXT) 📗
Le craquement des buches reprit pleinement possession de la chambre tandis que Philippe et Catherine oubliaient une nouvelle fois le monde exterieur.
Quand elle lui apprit qu'elle attendait un enfant, il resta d'abord muet de surprise puis manifesta aussitot une joie exuberante, la remerciant comme d'un rare present.
— Tu m'enleves tout remords ! s'ecria-t-il. J'etais honteux de t'avoir appelee ici le soir meme ou ma mere... mais cette vie que tu m'annonces absout la faute. Un enfant... un fils, n'est-ce pas ?
— Je ferai ce que je pourrai, fit Catherine en riant. Tu es heureux ?
— Tu le demandes ?
Il sautait du lit et allait remplir, sur un dressoir, deux coupes d'or, dont il tendit l'une a Catherine.
— Du vin de Malvoisie ! Buvons a notre enfant !
Il leva sa coupe, la vida d'un trait puis se recoucha pour regarder Catherine boire son vin a petits coups.
— Tu as l'air d'une chatte devant un bol de creme, fit-il en se penchant pour recueillir, des levres, une goutte de vin qui roulait sur la gorge nue de Catherine. Maintenant, dis-moi comment je peux te rendre un peu de la joie que tu m'as donnee.
Il l'avait installee a nouveau contre sa poitrine. Pres de son oreille, Catherine entendait battre le c?ur de son amant. Mais ce fut le sien, a elle, qui battit un peu plus vite. Le moment etait venu... elle se reprochait deja d'avoir trop tarde. Dans les delices de cette nuit d'amour, elle avait failli oublier la detresse d'Odette. Collant sa tete plus etroitement contre Philippe, elle murmura :
— J'ai... j'ai quelque chose a te demander.
— Dis vite, c'est accorde d'avance.
Elle se redressa, posa sa main sur la bouche du duc, hochant tristement la tete.
— Ne promets pas trop vite ! Tu n'aimeras sans doute pas ce que je vais te dire. Il se peut... que tu te faches.
Elle attendit l'effet de ses paroles et son inquietude grandit en voyant que Philippe se mettait a rire.
— II n'y a pas de quoi rire, je t'assure, fit-elle, offusquee vaguement.
— Oh si ! car je pourrais te dire moi-meme ce que tu vas me demander.
Gageons... tiens, un baiser !... que je sais ce que tu veux !
— C'est impossible !
— Mais non ! Il suffit seulement de te bien connaitre. Tu as toujours dans ta manche une grace « impossible » a me demander... meme quand tu n'as pas de manches. Crois-tu que j'ignore ton amitie pour cette sotte d'Odette de Champdivers ? Ma police est mieux faite que cela, belle dame.
— Alors ? fit Catherine, la gorge soudain serree.
Qu'est-ce que le duc de Bourgogne va faire des conspirateurs ?
— Le duc de Bourgogne n'en fera rien du tout, pour ne pas faire pleurer les beaux yeux que voila. La fille, le moine et le trafiquant iront se faire pendre ailleurs. On les liberera... mais je ne peux faire moins que les expulser. Ton Odette devra quitter la Bourgogne. Elle ira en Savoie ou on la casera quelque part. Le moine retournera a son mont Beuvray avec interdiction de franchir nos frontieres et le marchand regagnera Geneve. Tu es contente ?
— Oh ! s'ecria Catherine debordante de reconnaissance, les yeux brillants comme des etoiles. Oh oui !
— Alors, je te rappelle que tu me dois un gage. J'ai devine juste. Paie, maintenant !
Catherine paya avec enthousiasme et tant d'ardeur que Philippe fut bientot comble.
Matines devaient etre chantees depuis longtemps au couvent Saint-Etienne, voisin du palais, quand Catherine, ses muets sur les talons, regagna sa demeure. La nuit etait d'un noir d'encre et le froid cinglait son visage sous le capuchon baisse, mais la joie qu'elle emportait lui tenait chaud. Elle savait que, dans la matinee, Odette serait liberee, qu'elle pourrait la garder chez elle vingt-quatre heures puis la remettre a l'escorte chargee de la mener aux frontieres de Bourgogne. L'exil n'aurait rien d'affreux car la jeune femme se promettait de bien munir son amie et le moine de maniere a ce qu'ils ne manquassent de rien...
Elle etait tres fatiguee. Une journee de ceremonies ecrasantes ajoutee a une nuit de plaisir, il y avait la de quoi abattre quelqu'un de plus solide. Mais, en se hatant vers sa maison chaude, Catherine songeait avec plaisir a son lit douillet, bien clos, a la douceur de ses draps. Elle se sentait extraordinairement bien, malgre son etat... detendue comme cela ne lui etait pas arrive depuis la Noel. Elle etait sure de dormir comme un ange.
Rentree dans sa chambre, elle se hata de se devetir et de se glisser dans le lit que Perrine, reveillee en sursaut, s'etait precipitee pour lui bassiner pendant qu'elle se deshabillait. Tout etait tranquille dans la maison. On n'entendait aucun bruit.
— Ne me laisse pas dormir trop longtemps demain matin, recommanda Catherine a la jeune fille. Il faut que j'aille a la prison vers le milieu de la matinee pour y chercher dame Odette. Et je suis si lasse que je pourrais dormir jusqu'au soir.
Perrine promit, se retira sur une reverence. Catherine, bien protegee derriere ses rideaux de soie, ne tarda pas a tomber dans un profond sommeil.
Elle fut tiree de sa bienheureuse inconscience par un fait etrange et brutal.
Des mains s'etaient saisies d'elle, l'empoignaient aux epaules et aux cuisses, la soulevaient dans les airs, l'emportaient. Ses yeux gros de sommeil devinerent, dans une penombre grisatre, qui etait peut-etre le tout petit jour, des formes sombres et confuses qui s'agitaient. Sa chambre, qu'elle avait peine a reconnaitre, semblait pleine de fantomes. Ces ombres ne faisaient pas le moindre bruit et ce silence ajoutait a l'impression de cauchemar.
Comme pour sortir d'un reve, Catherine voulut crier. Mais, si sa voix s'arreta sur ses levres, ce ne fut pas a cause de l'etrange impuissance nee d'un songe penible, mais bien parce qu'une main s'etait abattue sur sa bouche. Elle comprit, alors, qu'elle ne revait pas, qu'on l'enlevait bel et bien. Mais qui ?
Toutes ces ombres portaient des masques... D'autres mains, sans douceur, la roulaient dans une couver ture qu'on rabattit sur sa tete. Une obscurite totale, etouffante, engloutit la jeune femme terrorisee.
Elle percut un vague chuchotement puis on l'emporta. En pensee, elle suivait le chemin parcouru, la galerie, l'escalier... marche a marche. Les deux hommes qui la portaient, sans precautions, la secouaient comme un panier. Elle ne pouvait crier car on l'avait baillonnee... Une brusque bouffee d'air glacial lui apprit qu'elle etait dans la cour. Tout cela n'etait que trop reel et pourtant la sensation de reve absurde demeurait. Comment pouvait-on l'enlever dans cette maison pleine de monde ? Il y avait Perrine, Garin, Abou et ses muets... Il y avait Tiercelin... et cependant on l'emportait comme un sac sans qu'aucune voix se fit entendre...
On la jeta dans quelque chose qui devait etre une litiere car cela se mit a bouger. Catherine se debattait avec une energie si farouche que, malgre les liens serres autour de la couverture, elle parvint a degager un bras.
— Faites vite, chuchota une voix etouffee...
Catherine prit pour elle le conseil, redoubla d'energie, decouvrit sa tete a demi. Elle etait dans une charrette bachee et pleine de paille. Le jour se levait... Elle put voir un coin de la rue, tres peu. Un homme occupait tout son champ de vision... et cet homme etait Landry Pigasse. Un ultime effort et elle put liberer sa bouche, hurla :
— A moi... Landry !
Le cri s'etrangla dans sa gorge, etrangement faible. Ses ravisseurs avaient du s'apercevoir qu'elle s'etait quelque peu liberee. Un coup violent s'abattit sur sa tete et Catherine s'effondra dans la paille, sans connaissance cette fois.
Elle ne sut pas que la charrette franchissait la porte d'Ouche et s'engageait sur la route de l'ouest.
Une sensation de froid reveilla Catherine en meme temps qu'une violente douleur a la tete. Etroitement ligotee, elle etait incapable de bouger mais du moins son visage etait-il decouvert. Cela ne l'avancait pas beaucoup car le baillon avait ete replace sur sa bouche et, profondement enfoncee dans la paille qui garnissait la charrette, elle ne voyait rien que le ciel et les deux hommes assis pres d'elle. Mais sa tete etait a peu pres a la hauteur de leurs pieds.