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Le pere Goriot - де Бальзак Оноре (лучшие книги читать онлайн бесплатно .TXT) 📗

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— Adieu, dit le Portugais en s’empressant de gagner la porte quand Eugene entra dans un petit salon coquet, gris et rose, ou le luxe semblait n’etre que de l’elegance.

— Mais a ce soir, dit madame de Beauseant en retournant la tete et jetant un regard au marquis. N’allons-nous pas aux Bouffons ?

— Je ne le puis, dit-il en prenant le bouton de la porte.

Madame de Beauseant se leva, le rappela pres d’elle, sans faire la moindre attention a Eugene, qui, debout, etourdi par les scintillements d’une richesse merveilleuse, croyait a la realite des contes arabes, et ne savait ou se fourrer en se trouvant en presence de cette femme sans etre remarque par elle. La vicomtesse avait leve l’index de sa main droite, et par un joli mouvement designait au marquis une place devant elle. Il y eut dans ce geste un si violent despotisme de passion que le marquis laissa le bouton de la porte et vint. Eugene le regarda non sans envie.

— Voila, se dit-il, l’homme au coupe ! Mais il faut donc avoir des chevaux fringants, des livrees et de l’or a flots pour obtenir le regard d’une femme de Paris ? Le demon du luxe le mordit au c?ur, la fievre du gain le prit, la soif de l’or lui secha la gorge. Il avait cent trente francs pour son trimestre. Son pere, sa mere, ses freres, ses s?urs, sa tante, ne depensaient pas deux cents francs par mois, a eux tous. Cette rapide comparaison entre sa situation presente et le but auquel il fallait parvenir contribuerent a le stupefier.

— Pourquoi, dit la vicomtesse en riant, ne pouvez-vous pasvenir aux Italiens ?

— Des affaires ! Je dine chez l’ambassadeur d’Angleterre.

— Vous les quitterez.

Quand un homme trompe, il est invinciblement force d’entasser mensonges sur mensonges. Monsieur d’Ajuda dit alors en riant : Vous l’exigez ?

— Oui, certes.

— Voila ce que je voulais me faire dire, repondit-il en jetant un de ces fins regards qui auraient rassure toute autre femme. Il prit la main de la vicomtesse, la baisa et partit.

Eugene passa la main dans ses cheveux, et se tortilla pour saluer en croyant que madame de Beauseant allait penser a lui ; tout a coup elle s’elance, se precipite dans la galerie, accourt a la fenetre et regarde monsieur d’Ajuda pendant qu’il montait en voiture ; elle prete l’oreille a l’ordre, et entend le chasseur repetant au cocher : Chez monsieur de Rochefide. Ces mots, et la maniere dont d’Ajuda se plongea dans sa voiture, furent l’eclair et la foudre pour cette femme, qui revint en proie a de mortelles apprehensions. Les plus horribles catastrophes ne sont que cela dans le grand monde. La vicomtesse rentra dans sa chambre a coucher, se mit a sa [] table, et prit un joli papier.

Du moment, ecrivait-elle, ou vous dinez chez les Roche- fide, et non a l’ambassade anglaise, vous me devez une explication, je vous attends.

Apres avoir redresse quelques lettres defigurees par le tremblement convulsif de sa main, elle mit un C qui voulait dire Claire de Bourgogne, et sonna.

— Jacques, dit-elle a son valet de chambre qui vint aussitot, vous irez a sept heures et demie chez monsieur de Rochefide, vous y demanderez le marquis d’Ajuda. Si monsieur le marquis y est, vous lui ferez parvenir ce billet sans demander de reponse ; s’il n’y est pas, vous reviendrez et me rapporterez ma lettre.

— Madame la vicomtesse a quelqu’un dans son salon.

— Ah ! c’est vrai, dit-elle en poussant la porte.

Eugene commencait a se trouver tres-mal a l’aise, il apercut enfin la vicomtesse qui lui dit d’un ton dont l’emotion lui remua les fibres du c?ur : Pardon, monsieur, j’avais un mot a ecrire, je suis maintenant tout a vous. Elle ne savait ce qu’elle disait, car voici ce qu’elle pensait : Ah ! il veut epouser mademoiselle de Rochefide. Mais est-il donc libre ? Ce soir ce mariage sera brise, ou je… Mais il n’en sera plus question demain.

— Ma cousine… repondit Eugene.

— Hein ? fit la vicomtesse en lui jetant un regard dont l’impertinence glaca l’etudiant.

Eugene comprit ce hein. Depuis trois heures il avait appris tant de choses, qu’il s’etait mis sur le qui-vive.

— Madame, reprit-il en rougissant. Il hesita, puis il dit en continuant : Pardonnez-moi ; j’ai besoin de tant de protection qu’un bout de parente n’aurait rien gate.

Madame de Beauseant sourit, mais tristement : elle sentait deja le malheur qui grondait dans son atmosphere.

— Si vous connaissiez la situation dans laquelle se trouve ma famille, dit-il en continuant, vous aimeriez a jouer le role d’une de ces fees fabuleuses qui se plaisaient a dissiper les obstacles autour de leurs filleuls.

— Eh ! bien, mon cousin, dit-elle en riant, a quoi puis-je vous etre bonne ?

— Mais le sais je ? Vous appartenir par un lien de parente qui se perd dans l’ombre est deja toute une fortune. Vous m’avez trouble, je ne sais plus ce que je venais vous dire. Vous etes la seule personne que je connaisse a Paris. Ah ! je voulais vous consulter en vous demandant de m’accepter comme un pauvre enfant qui desire se coudre a votre jupe, et qui saurait mourir pour vous.

— Vous tueriez quelqu’un pour moi ?

— J’en tuerais deux, fit Eugene.

— Enfant ! Oui, vous etes un enfant, dit-elle en reprimant quelques larmes ; vous aimeriez sincerement, vous !

— Oh ! fit-il en hochant la tete.

La vicomtesse s’interessa vivement a l’etudiant pour une reponse d’ambitieux. Le meridional en etait a son premier calcul. Entre le boudoir bleu de madame de Restaud et le salon rose de madame de Beauseant, il avait fait trois annees de ce Droit parisiendont on ne parle pas, quoiqu’il constitue une haute jurisprudence sociale qui, bien apprise et bien pratiquee, mene a tout.

— Ah ! j’y suis, dit Eugene. J’avais remarque madame de Restaud a votre bal, je suis alle ce matin chez elle.

— Vous avez du bien la gener, dit en souriant madame de Beauseant.

— Eh ! oui, je suis un ignorant qui mettra contre lui tout le monde, si vous me refusez votre secours. Je crois qu’il est fort difficile de rencontrer a Paris une femme jeune, belle, riche, elegante qui soit inoccupee, et il m’en faut une qui m’apprenne ce que, vous autres femmes, vous savez si bien expliquer : la vie. Je trouverai partout un monsieur de Trailles. Je venais donc a vous pour vous demander le mot d’une enigme, et vous prier de me dire de quelle nature est la sottise que j’y ai faite. J’ai parle d’un pere…

— Madame la duchesse de Langeais, dit Jacques en coupant la parole a l’etudiant qui fit le geste d’un homme violemment contrarie.

— Si vous voulez reussir, dit la vicomtesse a voix basse, d’abord ne soyez pas aussi demonstratif.

— Eh ! bonjour [bon jour], ma chere, reprit-elle en se levant et allant au-devant de la duchesse dont elle pressa les mains avec l’effusion caressante qu’elle aurait pu montrer pour une s?ur et a laquelle la duchesse repondit par les plus jolies calineries.

— Voila deux bonnes amies, se dit Rastignac. J’aurai des lors deux protectrices ; ces deux femmes doivent avoir les memes affections, et celle-ci s’interessera sans doute a moi.

— A quelle heureuse pensee dois-je le bonheur de te voir, ma chere Antoinette ? dit madame de Beauseant.

— Mais j’ai vu monsieur d’Ajuda-Pinto entrant chez monsieur de Rochefide, et j’ai pense qu’alors vous etiez seule.

Madame de Beauseant ne se pinca point les levres, elle ne rougit pas, son regard resta le meme, son front parut s’eclaircir pendant que la duchesse prononcait ces fatales paroles.

— Si j’avais su que vous fussiez occupee… ajouta la duchesse en se tournant vers Eugene.

— Monsieur est monsieur Eugene de Rastignac, un de mes cousins, dit la vicomtesse. Avez-vous des nouvelles du general Montriveau ? fit-elle. Serizy m’a dit hier qu’on ne le voyait plus, l’avez-vous eu chez vous aujourd’hui ?

La duchesse, qui passait pour etre abandonnee par monsieur de Montriveau de qui elle etait eperdument eprise, sentit au c?ur la pointe de cette question, et rougit en repondant : — Il etait hier a l’Elysee.

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