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Le pere Goriot - де Бальзак Оноре (лучшие книги читать онлайн бесплатно .TXT) 📗

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— Bah ! il y en a de bien plus droles, s’ecria Vautrin.

Mademoiselle Taillefer avait a peine ecoute, tant elle etait preoccupee par la tentative qu’elle allait faire. Madame Couture lui fit signe de se lever pour aller s’habiller. Quand les deux dames sortirent, le pere Goriot les imita.

— Eh ! bien, l’avez-vous vu ? dit madame Vauquer a Vautrin et a ses autres pensionnaires. Il est clair qu’il s’est ruine pour ces femmes-la.

— Jamais on ne me fera croire, s’ecria l’etudiant, que la belle comtesse de Restaud appartienne au pere Goriot.

— Mais, lui dit Vautrin en l’interrompant, nous ne tenons pas a vous le faire croire. Vous etes encore trop jeune pour bien connaitre Paris, vous saurez plus tard qu’il s’y rencontre ce que nous nommons des hommes a passions… (A ces mots, mademoiselle Michonneau regarda Vautrin d’un air intelligent). Vous eussiez dit un cheval de regiment entendant le son de la trompette — Ah ! ah ! fit Vautrin en s’interrompant pour lui jeter un regard profond, quenous n’avons neunos petites passions, nous ? (La vieille fille baissa les yeux comme une religieuse qui voit des statues.) — Eh bien ! reprit-il, ces gens-la chaussent une idee et n’en demordent pas. Ils n’ont soif que d’une certaine eau prise a une certaine fontaine, et souvent croupie ; pour en boire, ils vendraient leurs femmes, leurs enfants ; ils vendraient leur ame au diable. Pour les uns, cette fontaine est le jeu, la Bourse, une collection de tableaux ou d’insectes, la musique ; pour d’autres, c’est une femme qui sait leur cuisiner des friandises. A ceux-la, vous leur offririez toutes les femmes de la terre, ils s’en moquent, ils ne veulent que celle qui satisfait leur passion. Souvent cette femme ne les aime pas du tout vous les rudoie, leur vend fort cher des bribes de satisfactions ; eh ! bien ! mes farceurs ne se lassent pas, et mettraient leur derniere couverture au Mont-de-Piete pour lui apporter leur dernier ecu. Le pere Goriot est un de ces gens-la. La comtesse l’exploite parce qu’il est discret, et voila le beau monde ! Le pauvre bonhomme ne pense qu’a elle. Hors de sa passion, vous le voyez, c’est une bete brute. Mettez-le sur ce chapitre-la, son visage etincelle comme un diamant. Il n’est pas difficile de deviner ce secret-la. Il a porte ce matin du vermeil a la fonte, et je l’ai vu entrant chez le papa Gobseck, rue des Gres. Suivez bien ! En revenant, il a envoye chez la comtesse de Restaud ce niais de Christophe qui nous a montre l’adresse de la lettre dans laquelle etait un billet acquitte. Il est clair que si la comtesse allait aussi chez le vieil escompteur, il y avait urgence. Le pere Goriot a galamment finance pour elle. Il ne faut pas coudre deux idees pour voir clair la-dedans. Cela vous prouve, mon jeune etudiant, que, pendant que votre comtesse riait, dansait, faisait ses singeries, balancait ses fleurs de pecher, et pincait sa robe, elle etait dans ses petits souliers, comme on dit, en pensant a ses lettres de change protestees, ou a celles de son amant.

— Vous me donnez une furieuse envie de savoir la verite. J’irai demain chez madame de Restaud, s’ecria Eugene.

— Oui, dit Poiret, il faut aller demain chez madame de Restaud.

— Vous y trouverez peut-etre le bonhomme Goriot qui viendra toucher le montant de ses galanteries.

— Mais, dit Eugene avec un air de degout, votre Paris est donc un bourbier.

— Et un drole de bourbier, reprit Vautrin. Ceux qui s’y crottent en voiture sont d’honnetes gens, ceux qui s’y crottent a pied sont des fripons. Ayez le malheur d’y decrocher n’importe quoi, vous etes montre sur la place du Palais-de-Justice comme une curiosite. Volez un million, vous etes marque dans les salons comme une vertu. Vous payez trente millions a la Gendarmerie et a la Justice pour maintenir cette morale-la. Joli !

— Comment, s’ecria madame Vauquer, le pere Goriot aurait fondu son dejeuner de vermeil ?

— N’y avait-il pas deux tourterelles sur le couvercle ? dit Eugene.

— C’est bien cela.

— Il y tenait donc beaucoup, il a pleure quand il a eu petri l’ecuelle et le plat. Je l’ai vu par hasard, dit Eugene.

— Il y tenait comme a sa vie, repondit la veuve.

— Voyez-vous le bonhomme, combien il est passionne, s’ecria Vautrin. Cette femme-la sait lui chatouiller l’ame.

L’etudiant remonta chez lui. Vautrin sortit. Quelques instants apres, madame Couture et Victorine monterent dans un fiacre que Sylvie alla leur chercher. Poiret offrit son bras a mademoiselle Michonneau, et tous deux allerent se promener au Jardin-des-Plantes, pendant les deux belles heures de la journee.

— Eh bien ! les voila donc quasiment maries, dit la grosse Sylvie. Ils sortent ensemble aujourd’hui pour la premiere fois. Ils sont tous deux si secs que, s’ils se cognent, ils feront feu comme un briquet.

— Gare au chale de mademoiselle Michonneau, dit en riant madame Vauquer, il prendra comme de l’amadou.

A quatre heures du soir, quand Goriot rentra, il vit, a la lueur de deux lampes fumeuses, Victorine dont les yeux etaient rouges. Madame Vauquer ecoutait le recit de la visite infructueuse faite a monsieur Taillefer pendant la matinee. Ennuye de recevoir sa fille et cette vieille femme, Taillefer les avait laisse parvenir jusqu’a lui pour s’expliquer avec elles.

— Ma chere dame, disait madame Couture a madame Vauquer, figurez-vous qu’il n’a pas meme fait asseoir Victorine, qu’est restee constamment debout. A moi, il m’a dit, sans se mettre en colere, tout froidement, de nous epargner la peine de venir chez lui ; que mademoiselle, sans dire sa fille, se nuisait dans son esprit en l’importunant (une fois par an, le monstre !) ; que la mere de Victorine ayant ete epousee sans fortune, elle n’avait rien a pretendre ; enfin les choses les plus dures, qui ont fait fondre en larmes cette pauvre petite. La petite s’est jetee alors aux pieds de son pere, et lui a dit avec courage qu’elle n’insistait autant que pour sa mere, qu’elle obeirait a ses volontes sans murmure ; mais qu’elle le suppliait de lire le testament de la pauvre defunte, elle a pris la lettre et la lui a presentee en disant les plus belles choses du monde et les mieux senties, je ne sais pas ou elle les a prises, Dieu les lui dictait, car la pauvre enfant etait si bien inspiree qu’en l’entendant, moi, je pleurais comme une bete. Savez-vous ce que faisait cette horreur d’homme, il se coupait les ongles, il a pris cette lettre que la pauvre madame Taillefer avait trempee de larmes, et l’a jetee sur la cheminee en disant : C’est bon ! Il a voulu relever sa fille qui lui prenait les mains pour les lui baiser, mais il les a retirees. Est-ce pas une sceleratesse ? Son grand dadais de fils est entre sans saluer sa s?ur.

— C’est donc des monstres ? dit le pere Goriot.

— Et puis, dit madame Couture sans faire attention a l’exclamation du bonhomme, le pere et le fils s’en sont alles en me saluant et me priant de les excuser, ils avaient des affaires pressantes. Voila notre visite. Au moins il a vu sa fille. Je ne sais pas comment il peut la renier, elle lui ressemble comme deux gouttes d’eau.

Les pensionnaires, internes et externes, arriverent les uns apres les autres, en se souhaitant mutuellement le bonjour, et se disant de ces riens qui constituent, chez certaines classes parisiennes, un esprit drolatique dans lequel la betise entre comme element principal, et dont le merite consiste particulierement dans le geste ou la prononciation. Cette espece d’argot varie continuellement. La plaisanterie qui en est le principe n’a jamais un mois d’existence. Un evenement politique, un proces en cour d’assises, une chanson des rues, les farces d’un acteur, tout sert a entretenir ce jeu d’esprit qui consiste surtout a prendre les idees et les mots comme des volants, et a se les renvoyer sur des raquettes. La recente invention du Diorama, qui portait l’illusion de l’optique a un plus haut degre que dans les Panoramas, avait amene dans quelques ateliers de peinture la plaisanterie de parler en rama, espece de charge qu’un jeune peintre, habitue de la pension Vauquer, y avait inoculee.

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