Les Aventures De Pinocchio - Collodi Carlo (книги онлайн без регистрации полностью TXT) 📗
Geppetto, tout en affichant un air terriblement severe, avait les yeux pleins de larmes et le c?ur gros en voyant dans quel etat pitoyable etait son Pinocchio.
Il se tut, prit ses outils, deux bouts de bois sec et se mit farouchement au travail.
En moins d’une heure, les pieds etaient faits, et bien faits: deux petits pieds rapides et nerveux comme les aurait sculptes un artiste de genie.
Puis il dit a la marionnette:
– Ferme les yeux et dors!
Pinocchio ferma les yeux et fit semblant de dormir. Et pendant qu’il faisait semblant de dormir, Geppetto ramollit de la colle dans une coquille d’?uf et ajusta tellement bien les deux pieds aux jambes de la marionnette que l’on ne remarquait rien a l’endroit ou il les avait colles.
Des que Pinocchio se rendit compte qu’il avait des pieds, il sauta de la table ou il etait etendu et, fou de joie, commenca a faire mille entrechats et cabrioles.
– Pour vous remercier de ce que vous avez fait pour moi – dit-il alors a son pere – j’irai tout de suite a l’ecole.
– Bravo, mon garcon!
– Oui, mais pour y aller, j’ai besoin de vetements.
Geppetto etait pauvre et n’avait pas un centime en poche. Il lui confectionna donc un ensemble en papier a fleurs, des souliers en ecorce d’arbre et un bonnet de mie de pain.
Pinocchio courut se mirer dans une bassine pleine d’eau et, tres content de lui, revint en se pavanant:
– J’ai l’air d’un vrai monsieur!
– En effet – repliqua Geppetto. Pour etre un monsieur, mieux vaut un vetement propre qu’un vetement luxueux. Tiens-le-toi pour dit.
– A propos – fit remarquer la marionnette – il me manque tout de meme quelque chose d’essentiel pour aller a l’ecole.
– Quoi donc?
– Je n’ai pas d’abecedaire.
– Tu as raison, mon garcon. Mais comment fait-on pour s’en procurer?
– Ben, c’est tres facile. On va dans une librairie et on l’achete.
– Et les sous?
– Moi, je n’en ai pas.
– Et moi non plus.
Le visage du brave Geppetto s’assombrit. Et, bien que Pinocchio fut d’une nature insouciante et joyeuse, lui aussi devint triste. La misere, quand c’est de la vraie misere, tout le monde la voit, meme les enfants.
– Attends un peu! – cria tout a coup Geppetto.
Il se leva, enfila son vieux manteau de futaine tout rapiece et sortit de la maison en courant.
Il revint vite. Il tenait a la main un abecedaire pour son fiston. En revanche, il n’avait plus de manteau. Le pauvre homme etait en bras de chemise et, dehors, il neigeait.
– Et ton manteau, papa?
– Je l’ai vendu.
– Mais pourquoi?
– Il me tenait trop chaud.
Pinocchio avait bon c?ur. Comprenant a demi-mot, il sauta au cou de Geppetto et lui couvrit le visage de baisers.
Chapitre 9
La neige ayant cesse de tomber, Pinocchio prit le chemin qui menait a l’ecole emportant sous son bras, l’abecedaire flambant neuf. Tout en marchant il revassait et construisait mille chateaux en Espagne, tous plus beaux les uns que les autres.
Il se disait:
– Aujourd’hui, a l’ecole, j’apprendrai a lire; demain, j’apprendrai a ecrire; apres-demain, je saurai compter. Avec tout mon savoir, je gagnerai beaucoup d’argent et, des les premiers sous en poche, j’acheterai a mon papa un beau manteau de drap.
Que dis-je de drap? Il sera tisse d’or et d’argent avec des brillants en guise de boutons. Le pauvre homme le merite bien car, en somme, pour m’acheter des livres et me donner de l’instruction, il se retrouve en bras de chemise… avec le froid qu’il fait! Seuls les papas sont capables de faire de tels sacrifices!…
Alors que, tout emu, Pinocchio se racontait ce genre de choses, il entendit, au loin, le son aigu de fifres et les coups sourds d’une grosse caisse: pfuit-pfuit-pfuit, boum-boum-boum.
Il s’arreta pour mieux ecouter. Il y avait une tres longue route qui croisait la sienne et qui conduisait a un petit village construit au bord de la mer. La musique venait de la-bas.
– Qu’est-ce donc que cette musique? – se demanda Pinocchio – Dommage que je sois oblige d’aller a l’ecole, sinon…
Il restait la, perplexe. Il lui fallait choisir entre l’ecole et les fifres.
– Disons qu’aujourd’hui, je pourrais aller ecouter les fifres. Dans ce cas, j’irai a l’ecole demain. Pour aller a l’ecole, il sera toujours temps – finit-il par conclure en haussant les epaules.
Sitot dit, sitot fait. Il s’engagea sur la route transversale et se mit a courir a toutes jambes. Et plus il courait, mieux il entendait les fifres et la grosse caisse: pfuit-pfuit-pfuit, boum-boum-boum.
Il arriva sur une place pleine de gens qui s’agglutinaient autour d’une grande baraque en bois recouverte d’une toile bariolee aux mille couleurs.
– C’est quoi, cette baraque? – demanda-t-il a un gamin du village.
– Tu n’as qu’a lire la pancarte. C’est ecrit dessus.
– Je la lirais bien volontiers mais il se trouve qu’aujourd’hui je ne sais pas lire.
– Pauvre ignorant! Moi, je vais te la lire. Sache donc que, sur cette pancarte, il est ecrit en lettres rouges comme du feu: «GRAND THEATRE DE MARIONNETTES»
– Et il y a longtemps que le spectacle a commence?
– Il commence.
– Pour entrer, combien ca coute?
– Quatre sous.
Pinocchio, devore par la curiosite, perdit toute retenue. Toute honte bue, il demanda au jeune garcon:
– Tu pourrais me preter quatre sous jusqu’a demain?
– Je te les donnerais bien volontiers – ricana l’autre – mais il se trouve qu’aujourd’hui je ne peux pas les donner.
– Je te vends mon manteau pour quatre sous – repliqua Pinocchio.
– Que veux-tu que je fasse d’un manteau en papier peint? S’il se met a pleuvoir, il va se coller a moi et je ne pourrais meme plus m’en debarrasser.
– Alors, prends mes chaussures.