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Contes merveilleux, Tome II - Andersen Hans Christian (читать книги онлайн полностью .txt) 📗

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– Nous apportons ici l'animation et la gaiete, reprit la mere moineau. Les braves gens croient qu'un nid d'hirondelles porte bonheur, c'est pourquoi l'on ne nous tracasse pas; on nous aime au contraire, et l'on nous jette de temps en temps quelques bonnes miettes. Mais nos voisins, a quoi peuvent-ils etre utiles? Ce grand rosier, la contre le mur, ne fait qu'y attirer l'humidite. Qu'on l'arrache donc et qu'a sa place on seme un peu de ble. Voila une plante profitable. Mais les roses, ce n'est que pour la vue et l'odorat. Elles se fanent l'une apres l'autre. Alors, m'a appris ma mere, la femme du fermier en recueille les feuilles. On les met ensuite sur le feu pour que cela sente bon. Jusqu'au bout de leur existence, elles ne sont bonnes que pour flatter les yeux et le nez. Lorsque le soir approcha et que des myriades d'insectes se mirent a danser des rondes dans les vapeurs legeres que le soleil couchant colore en rose, le rossignol arriva et chanta pour les roses ses plus delicieux airs: le refrain etait que le beau est aussi necessaire au monde que le rayon de soleil. Les fleurs pensaient que l'oiseau faisait allusion a ses propres melodies; elles n'avaient pas l'idee qu'il chantait leur beaute. Elles n'en etaient pas moins ravies de ses harmonieuses roulades: elles se demandaient si les petits moineaux du toit deviendraient aussi un jour des rossignols.

– J'ai fort bien compris le chant de cet oiseau des bois, dit l'un d'eux, sauf un mot qui n'a pas de sens pour moi: le beau: qu'est-ce cela?

– A vrai dire, ce n'est rien du tout, repondit-elle; c'est si fragile! Tenez, la-bas au chateau, ou se trouve le pigeonnier dont les habitants recoivent tous les jours pois et avoine a gogo (j'y vais quelquefois marauder et y presenterai un jour), donc, au chateau ils ont deux enormes oiseaux au cou vert et portant une crete sur la tete: ces betes peuvent faire de leur queue une roue aux couleurs tellement eclatantes qu'elles font mal aux yeux: c'est la ce qu'il y a de plus beau au monde. Eh bien, je vous demande un peu: si l'on arrachait les plumes a ces paons (c'est ainsi qu'on appelle ces animaux si fiers), auraient-ils meilleure facon que nous? Je leur aurais depuis longtemps enleve leur parure, s'ils n'etaient pas si gros. Mais c'est pour vous dire que le beau tient a peu de chose.

– Attendez, c'est moi qui leur arracherai leurs plumes! s'ecria le petit moineau, qui n'avait lui-meme encore qu'un mince duvet. Dans la maison habitaient un jeune fermier et sa femme; c'etaient de bien braves gens, ils travaillaient ferme; tout chez eux avait un air propre et gai. Tous les dimanches matin, la fermiere allait cueillir un bouquet des plus belles roses et les mettait dans un vase plein d'eau sur le grand bahut.»Voila mon veritable almanach, disait le mari; c'est a cela que je vois que c'est bien aujourd'hui dimanche.» Et il donnait a sa femme un gros baiser.

– Que c'est fastidieux, toujours des roses! dit la mere moineau. Tous les dimanches on renouvelait le bouquet; mais pour cela le rosier ne degarnissait pas de fleurs. Dans l'intervalle il etait pousse des plumes aux petits moineaux; ils demanderent un jour a accompagner leur maman au fameux pigeonnier; mais elle ne le permit pas encore. Elle partit pour aller leur chercher a manger; la voila tout a coup prise au lacet que des gamins avaient tendu sur une branche d'arbre. La pauvrette avait ses pattes entortillees dans le crin qui la serrait horriblement. Les gamins, qui guettaient sous un bosquet, accoururent et saisirent l'oiseau brusquement.

– Ce n'est qu'un pierrot! dirent-ils. Mais ils ne le relacherent pas pour cela. Ils l'emporterent a la maison, et chaque fois que le malheureux oiseau se demenait et criait, ils le secouaient. Chez eux ils trouverent un vieux colporteur, qui etait en tournee. C'etait un rieur; a l'aide de ses plaisanteries il vendait force morceaux de savon et pots de pommade. Les galopins lui montrerent le moineau.

– Ecoutez, dit-il, nous allons le faire bien beau, il ne se reconnaitra plus lui-meme. L'infortunee maman moineau frissonna de tous ses membres. Le vieux prit dans sa balle un morceau de papier dore qu'il decoupa artistement; il enduisit l'oiseau de toutes parts avec du blanc d'oeuf, et colla le papier dessus. Les gamins battaient des mains en voyant le pierrot dore sur toutes les coutures; mais lui ne songeait guere a sa toilette resplendissante, il tremblait comme une feuille. Le vieux loustic coupa ensuite un petit morceau d'etoffe rouge, y tailla des zigzags pour imiter une crete de coq, et l'ajusta sur la tete de l'oiseau.

– Maintenant, vous allez voir, dit-il, quel effet il produira quand il va voler! Et il laissa partir le moineau qui, eperdu de frayeur, se mit a tourner en rond, ne sachant plus ou il etait. Comme il brillait a la lumiere du soleil! Toute la gent volatile, meme une vieille corneille fut d'abord effaree a l'aspect de cet etre extraordinaire. Le moineau s'etait un peu remis et avait pris son vol vers son nid; mais toute la bande des moineaux d'alentour, les pinsons, les bouvreuils et aussi la corneille se mirent a sa poursuite pour apprendre de quel pays il venait. Au milieu de ce tohu-bohu, il se troubla de nouveau, l'epouvante commencait a paralyser ses ailes, son vol se ralentissait. Plusieurs oiseaux l'avaient rattrape et lui donnaient des coups de bec; les autres faisaient un ramage terrible. Enfin le voila devant son nid. Les petits, attires par tout ce tapage, avaient mis la tete a la fenetre.

– Tiens, se dirent-ils l'un a l'autre, c'est certainement un jeune paon. L'eclat de son plumage fait mal aux yeux. Te rappelles-tu ce que la mere nous a dit: «C'est le beau. A bas le beau! Sus, sus!» Et de leurs petits becs ils frapperent l'oiseau epuise qui n'avait plus assez de souffle pour dire pip, ce qui l'aurait peut-etre fait reconnaitre. Ils barrerent l'entree du nid a leur mere. Les autres oiseaux alors se jeterent sur elle et lui arracherent une plume apres l'autre; elle finit par tomber sanglante au milieu du rosier.

– Pauvre petite bete! dirent les roses. Cache-toi bien. Ils n'oseront pas te poursuivre plus loin. Notre pere te defendra avec ses epines. Repose ta tete sur nous. Mais le pauvre moineau etait dans les dernieres convulsions, il etendit les ailes, puis les resserra; il etait mort. Dans le nid, c'etaient des pip, pip continuels.

– Ou peut donc rester la mere si longtemps? dit l'aine des petits. Serait-ce avec intention qu'elle ne rentre pas? peut-etre veut-elle nous signifier que nous sommes assez grands pour pourvoir nous-memes a notre entretien? Oui, ce doit etre cela. Elle nous abandonne le nid. Nous pouvons y loger tous trois maintenant; mais plus tard, quand nous aurons de la famille, a qui sera-t-il?

– Moi, je vous ferai bien decamper, dit le plus jeune, quand je viendrai installer ici ma nichee.

– Tais-toi, blanc-bec, dit le second, je serai marie bien avant toi, et avec ma femme et mes petits je te ferai une belle conduite si tu viens ici.

– Et moi, je ne compte donc pour rien? s'ecria l'aine. La querelle s'envenima, ils se mirent a se battre des ailes, a se donner des coups de bec; les voila tous trois hors du nid dans la gouttiere, ils resterent a plat quelque temps, clignotant des yeux de l'air le plus niais. Enfin ils se releverent, ils savaient un peu voleter, et les deux aines, se sentant le desir de voir le monde, laisserent le nid au plus jeune. Avant de se separer, ils convinrent d'un signe pour se reconnaitre plus tard: c'etait un pip prolonge, accompagne de trois grattements avec la patte gauche; ils devaient apprendre ce moyen de reconnaissance a leurs petits. Le plus jeune se carrait avec delices dans le nid, qui etait maintenant a lui seul. Mais des la nuit suivante le feu prit au toit, qui etait de chaume; il flamba en un instant et le moineau fut grille. Lorsque le soleil apparut, il ne restait plus debout que quelques poutres a moitie calcinees, appuyees contre un pan de mur. Les decombres fumaient encore. A cote des ruines, le rosier etait reste aussi frais, aussi fleuri que la veille; l'image de ses riches bouquets se refletait toujours dans l'eau.

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