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Contes merveilleux, Tome II - Andersen Hans Christian (читать книги онлайн полностью .txt) 📗

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Dis-moi, chantez-vous encore les dimanches? Raconte-moi quelque chose de la petite Maria! Et mon bon camarade, l'autre soldat de plomb? Doit-il etre heureux, lui! Ne pourrait-il pas venir me relever de faction? Oh, emmene-moi!»

– Tu n'es plus a moi, repondit le petit garcon. Tu sais bien que je t'ai donne en cadeau au vieux monsieur. Il faut te faire une raison.»

Cette fois le vieillard montra a son petit ami des cassettes ou il y avait toutes sortes de jolis bibelots des temps passes; des cartes a jouer, grandes et toutes dorees, comme on n'en voit meme plus chez le roi. Le vieux monsieur ouvrit le clavecin, qui, a l'interieur, etait orne de fines peintures, de beaux paysages avec des bergers et des bergeres; il joua un ancien air; l'instrument n'etait guere d'accord, et les sons etaient comme enroues. Mais on aurait dit que le portrait de la belle dame, celui qui avait ete achete chez le marchand de bric-a-brac, s'animait en entendant cette antique melodie; le vieux monsieur la regardait, ses yeux brillaient comme ceux d'un jeune homme; un doux sourire passa sur ses levres.

«Je veux partir en guerre, en guerre!», s'ecria le soldat de plomb de toutes ses forces; mais, a ce moment, le vieux monsieur vint prendre quelque chose sur la cheminee et il renversa le soldat qui roula par terre. Ou etait-il tombe? Le vieillard chercha, le petit garcon chercha; ils ne purent le trouver. Disparu le soldat de plomb!»Je le retrouverai demain», dit le vieux monsieur. Mais, jamais, il ne le revit. Le plancher etait rempli de fentes et de trous; le soldat avait passe a travers, et il gisait la, sous les planches, comme enterre vivant.

Malgre cet incident la journee se passa gaiement, et, le soir, le petit garcon rentra chez lui. Des semaines s'ecoulerent, et l'hiver arriva. Les fenetres etaient gelees, et l'enfant etait oblige de souffler longtemps sur les carreaux, pour y faire un rond par lequel il put apercevoir la vieille maison. Les sculptures de la porte, les tulipes, les trompettes, on les voyait a peine, tant la neige les recouvrait. La vieille maison paraissait encore plus tranquille et silencieuse que d'ordinaire; et, en effet, il n'y demeurait absolument plus personne: le vieux monsieur etait mort, il s'etait doucement eteint.

Le soir, comme c'etait l'usage dans le pays, une voiture tendue de noir s'arreta devant la porte; on y placa un cercueil, qu'on devait porter bien loin, pour le mettre dans un caveau de famille. La voiture se mit en marche; personne ne suivait que le vieux domestique; tous les amis du vieux monsieur etaient morts avant lui. Le petit garcon pleurait, et il envoyait de la main des baisers d'adieu au cercueil.

Quelques jours apres, la vieille maison fut pleine de monde, on y faisait la vente de tout ce qui s'y trouvait. Et, de la fenetre, le petit garcon vit partir, dans tous les sens, les chevaliers, les chatelaines, les pots de fleurs en faience, les fauteuils qui poussaient des knik-knak plus forts que jamais. Le portrait de la belle dame retourna chez le marchand de bric-a-brac; si vous voulez le voir, vous le trouverez encore chez lui; personne ne l'a achete, personne n'y a fait attention.

Au printemps, on demolit la vieille maison.» Ce n'est pas dommage qu'on fasse disparaitre cette antique baraque», dirent les imbeciles, et ils etaient nombreux comme partout. Et, pendant que les macons donnaient des coups de pioche, qui fendaient le coeur du petit garcon, on voyait, de la rue, pendre des lambeaux de la tapisserie en cuir dore, et les tulipes volaient en eclats, et les trompettes tombaient par terre, lancant un dernier schnetterendeng.

Enfin, on enleva tous les decombres et on construisit une grande belle maison a larges fenetres et a murailles bien lisses, proprement peintes en blanc. Par devant, on laissa un espace pour un gentil petit jardin qui, sur la rue, etait entoure d'une jolie grille neuve: «Que tout cela a bonne facon!» disaient les voisins. Dans le jardin, il y avait des allees bien droites, et des massifs bien ronds; les plantes etaient alignees au cordeau, et ne poussaient pas a tort et a travers comme autrefois, dans la cour de la vieille maison.

Les gens s'arretaient a la grille et regardaient avec admiration. Les moineaux par douzaines, perches sur les arbustes et la vigne vierge qui couvrait les murs de cote babillaient de toutes sortes de choses, mais pas de la vieille maison; aucun d'eux ne l'avait jamais vue: car il s'etait passe, depuis lors, bien du temps, oui, tant d'annees que, dans l'intervalle, le petit garcon etait devenu un homme, et un homme distingue qui faisait la joie de ses vieux parents.

Il s'etait marie et il habitait, avec sa jeune femme, justement la belle maison dont nous venons de parler.

Un jour, ils etaient dans le jardin, et la jeune dame plantait une fleur des champs qu'elle avait rapportee de la promenade, et qu'elle trouvait aussi belle qu'une fleur de serre. Elle raffermissait, de ses petites mains, la terre autour de la racine, lorsqu'elle se sentit comme piquee aux doigts.

«Aie!» s'ecrie-t-elle, et elle apercoit quelque chose qui brille. Qu'etait-ce? Devinez-vous? C'etait le soldat de plomb, que le vieux monsieur avait cherche vainement et qui etait tombe la pendant les demolitions, se trouvait sous terre depuis tant d'annees.

La jeune dame le retira, et, sans lui en vouloir de ce qu'il l'avait piquee, elle le nettoya avec une feuille humide de rosee, et le secha avec son mouchoir fin, qui sentait bon. Et le soldat de plomb etait bien aise, comme s'il se reveillait d'un long evanouissement.

«Laisse-moi le voir», dit le jeune homme, en souriant. Puis il hocha la tete et continua: «Non, ce ne peut pas etre le meme; mais il me rappelle un autre soldat de plomb que j'avais lorsque j'etais petit.»

Et il raconta l'histoire de la vieille maison, et du vieux monsieur, auquel il avait envoye, pour lui tenir compagnie, son soldat de plomb. La jeune dame fut touchee jusqu'aux larmes de ce recit, surtout quand il fut question du portrait qui avait ete achete chez le marchand de bric-a-brac.

«Il serait cependant possible, dit-elle, que ce fut le meme soldat de plomb. Je veux le garder avec soin; il me rappellera ce que tu viens de me conter. Tu me conduiras, n'est-ce pas, sur la tombe du vieux monsieur?

– Je ne sais pas ou elle se trouve, repondit-il; j'ai demande a la voir, personne n'a pu me l'indiquer. Tous ses amis etaient morts. Je sais seulement que c'est tres loin d'ici; au moment ou on a emporte le cercueil, je n'ai pas questionne; j'etais trop petit pour aller si loin y porter des fleurs.

– Oh! Comme il a ete seul, dans sa tombe egalement! dit la dame, personne n'en aura pris soin.

– Moi aussi, j'ai ete longtemps bien seul, se dit le soldat de plomb; mais, quelle compensation aujourd'hui; je ne suis pas oublie!»

Comme la dame l'emportait dans la maison, il jeta un dernier regard sur l'endroit ou il etait reste tant d'annees; que vit-il, ressemblant a de la vulgaire terre? Un morceau de la belle tapisserie. La dorure, elle, avait entierement disparu. Et, de sa fine oreille, le soldat entendit un murmure ou il distinguait ces paroles:

«La dorure passe, mais le cuir reste.»

S'il avait pu, il aurait volontiers hausse les epaules; chez lui, couleur et dorure etaient restees.

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