Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm (читать книги без .TXT) 📗
La reine savait que son miroir ne mentait pas. Furieuse, elle comprit que le garde l'avait trompee et que Blanche neige vivait encore.
Elle reflechit longtemps au moyen de s'en debarrasser, et decida de se rendre chez les sept nains. Apres s'etre bruni le visage et habillee en marchande, elle frappa a la porte de la maisonnette en criant:
– Belle marchandise a vendre, belle marchandise!
Blanche neige se pencha a la fenetre et demanda:
– Bonjour brave femme. Que vendez-vous?
– Des corsets, des rubans, et toutes sortes de colifichets.
«Je peux bien laisser entrer cette brave femme», pensa Blanche neige, et elle ouvrit la porte pour acheter quelques rubans pour son corselet…
– Comme ils vous vont bien! s'exclama la marchande avec admiration. Mais laissez-moi vous lacer, vous jugerez mieux de l'effet. Blanche neige, qui ne se doutait de rien, la laissa faire. La vieille serra si vite et si fort que la jeune fille tomba a terre comme morte.
– Et maintenant, ricana la reine, je suis de nouveau la plus belle femme au monde. Et elle quitta rapidement la maisonnette.
Le soir, en rentrant, les sept nains furent epouvantes a la vue de Blanche neige gisant a terre, sans vie. Apercevant le corselet tellement serre, ils couperent immediatement les lacets. Blanche neige peu a peu revint a la vie.
Dessin de Arthur Rackham
Elle leur raconta ce qui s'etait passe. Les nains lui dirent alors:
– Cette vieille marchande devait etre ta belle-mere. Fais bien attention desormais et ne laisse entrer absolument personne.
Cependant, la reine, revenue dans son palais, prit son miroir et le consulta. Elle apprit ainsi que Blanche neige etait toujours en vie, et entra dans une violente fureur. «Il faut pourtant qu'elle disparaisse» pensa-t-elle. Elle enduisit un peigne de poison, prit un autre deguisement, partit a travers la montagne et arriva a la maison des sept nains. Elle frappa a la porte et cria:
– Belle marchandise a vendre, belle marchandise!
Blanche neige se pencha a la fenetre, mais ne voulut pas la laisser entrer.
– Vous pouvez toujours regarder, lui dit-elle. Cela ne vous engage a rien. Et elle tendit le peigne empoisonne a la jeune fille. Il etait si beau que Blanche neige ne put resister a la tentation. Elle entrebailla la porte et acheta le peigne.
– Laissez-moi donc vous coiffer joliment, lui dit la marchande. Mais a peine avait-elle passe le peigne dans les cheveux de la jeune fille que le poison commenca a agir et que Blanche neige tomba a terre sans connaissance.
Par bonheur, ce jour-la, les nains revinrent plus tot que de coutume. En voyant Blanche neige etendue a terre, pale comme une morte, ils comprirent que sa belle-mere etait encore venue. Ils decouvrirent le peigne empoisonne, l'arracherent, rendant ainsi la vie a la jeune fille.
Puis ils lui firent promettre de ne plus ouvrir la porte sous aucun pretexte.
La reine, arrivee au palais, demanda a son miroir:
– Miroir, miroir en bois d'ebene, dis-moi que je suis la plus belle. Et le miroir repondit a nouveau que Blanche neige etait une merveille.
Cette reponse fit trembler la reine de rage et de jalousie. Elle jura que Blanche neige mourrait, dut-elle mourir elle-meme. Elle alla dans son cabinet secret et prepara une pomme empoisonnee. Celle-ci etait belle et appetissante. Cependant, il suffisait d'en manger un petit morceau pour mourir. La reine se maquilla, s'habilla en paysanne et partit pour le pays des sept nains. Arrivee a la maisonnette, elle frappa a la porte.
Dessin de Tuvia Kurtz
– Je ne peux laisser entrer personne, on me l'a defendu, dit Blanche neige.
– J'aurais pourtant bien aime ne pas remporter mes pommes, dit la paysanne. Regarde comme elles sont belles. Goutes-en une.
– Non, repondit Blanche neige, je n'ose pas.
– Aurais-tu peur? Tiens, nous allons la partager…
Dessin de Walter Crane
La reine n'avait empoisonne la pomme que d'un seul cote, le cote rouge, le plus appetissant: Elle la coupa en deux et tendit la partie empoisonnee a Blanche neige, tout en mordant dans l'autre. Rassuree, la jeune fille la porta a sa bouche. Elle ne l'eut pas plutot mordue qu'elle tomba comme morte. La reine eut alors un rire diabolique.
– Blanche comme la neige, rouge comme le sang, noire comme l'ebene, tu es bien morte cette fois et les nains ne pourront pas te redonner la vie.
De retour au palais, elle interrogea son miroir qui lui repondit:
– En cherchant a la ronde, dans tout le vaste monde, on ne trouve pas de plus belle que toi.
Et son c?ur jaloux fut apaise.
Quand les sept nains revinrent a leur demeure, ils trouverent Blanche neige etendue sur le sol. Cette fois, elle semblait bien morte. Desesperes, ils la pleurerent sans arret pendant trois jours et trois nuits. Ils voulurent l'enterrer, mais comme ses joues demeuraient roses et ses levres fraiches, ils deciderent de ne pas la mettre sous terre, mais de lui fabriquer un cercueil de cristal et de la garder pres d'eux.
Ils placerent le cercueil sur un rocher, a cote de la maisonnette, et ils monterent la garde a tour de role. Les annees passerent. Blanche neige semblait toujours dormir tranquillement dans son cercueil de cristal, fraiche et rose.
Un jour, un prince jeune et beau traversa la foret et s'arreta chez les sept nains pour y passer la nuit. Quand il vit le cercueil de cristal et la belle jeune fille endormie, il fut pris d'un tel amour pour elle, qu'il dit aux nains:
Dessinateur inconnu
– Faites m'en cadeau! Je ne peux plus vivre sans voir Blanche neige.
Les nains, emus, lui donnerent le cercueil de cristal. Le prince le fit porter a dos d'homme jusqu'a son palais. Chemin faisant, un des porteurs trebucha et la secousse fut telle que le morceau de pomme reste dans la gorge de la jeune fille en sortit. Elle ouvrit les yeux, souleva le couvercle du cercueil, et regardant autour d'elle, dit:
– Ou suis-je?
Tout joyeux, le prince lui repondit:
– Tu es en securite avec moi. Je t'aime plus que tout au monde, viens au palais du roi, mon pere et je t'epouserai.
Blanche neige consentit avec joie. Leurs noces furent celebrees avec une splendeur et une magnificence dignes de leur bonheur.