Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm (читать книги без .TXT) 📗
– De quoi! dit le garcon, c'est comme ca que tu me remercies? retourne au cercueil!
Il le ceintura, et le jeta dans la biere en refermant le couvercle. Les six hommes arriverent alors et l'emporterent.
– Je ne reussis pas a frissonner, dit-il. Ce n'est decidement pas ici que je l'apprendrai.
A ce moment precis entra un homme plus grand que tous les autres et qui avait une mine effrayante. Il etait vieux et portait une longue barbe blanche.
– Pauvre diable, lui dit-il, tu ne tarderas pas a savoir ce que c'est que de frissonner: tu vas mourir!
– Pas si vite! repondit le garcon. Pour que je meure, il faudrait d'abord que vous me teniez.
– Je finirai bien par t'avoir! dit le monstrueux bonhomme.
– Tout doux, tout doux! ne te gonfle pas comme ca! je suis aussi fort que toi. Et meme bien plus fort!
– C'est ce qu'on verra, dit le vieux. Si tu es plus fort que moi, je te laisserai partir. Viens, essayons!
Il le conduisit par un sombre passage dans une forge, prit une hache et d'un seul coup, enfonca une enclume dans le sol.
– Je ferai mieux, dit le jeune homme en s'approchant d'une autre enclume.
Le vieux se placa a cote de lui, laissant pendre sa barbe blanche. Le garcon prit la hache, fendit l'enclume d'un seul coup et y coinca la barbe du vieux.
– Et voila! je te tiens! dit-il, a toi de mourir maintenant!
Il saisit une barre de fer et se mit a rouer de coups le vieux jusqu'a ce que celui-ci eclatat en lamentations et le suppliat de s'arreter en lui promettant mille tresors. Le jeune homme debloqua la hache et libera le vieux qui le reconduisit au chateau et lui montra, dans une cave, trois caisses pleines d'or.
– Il y en a une pour les pauvres, une pour le roi et la troisieme sera pour toi, lui dit-il.
Sur quoi, une heure sonna et le mechant esprit disparut. Le garcon se trouvait au milieu d'une profonde obscurite.
– Il faudra bien que je m'en sorte, dit-il. Il tatonna autour de lui, retrouva le chemin de sa chambre et s'endormit aupres de son feu. Au matin, le roi arriva et dit:
– Alors, as-tu appris a frissonner?
– Non, repondit le garcon, je ne sais toujours pas. J'ai vu mon cousin mort et un homme barbu est venu qui m'a montre beaucoup d'or. Mais personne ne m'a dit ce que signifie frissonner.
Le roi dit alors:
– Tu as libere le chateau de ses fantomes et tu epouseras ma fille.
– Bonne chose! repondit-il, mais je ne sais toujours pas frissonner.
On alla chercher l'or et les noces furent celebrees. Mais le jeune roi continuait a dire: «Si seulement j'avais peur, si seulement je pouvais frissonner!» La reine finit par en etre contrariee. Sa cameriste dit:
– Je vais l'aider a frissonner.
Elle se rendit sur les bords du ruisseau qui coulait dans le jardin et se fit donner un plein seau de goujons. Durant la nuit, alors que son epoux dormait, la princesse retira les couvertures et versa sur lui l'eau et les goujons, si bien que les petits poissons fretillaient tout autour de lui. Il s'eveilla et cria:
– Ah! comme je frissonne, chere femme! Ah! Oui, maintenant je sais ce que c'est que de frissonner.