Les Aventures De Pinocchio - Collodi Carlo (книги онлайн без регистрации полностью TXT) 📗
Lors des veillees, il s’entrainait a lire et a ecrire. Pour la lecture, il avait achete au village, pour quelques centimes, un gros livre auquel il manquait les premieres et les dernieres pages. Pour l’ecriture, il utilisait une brindille en guise de plume, et comme il n’avait ni encre ni encrier, il la trempait dans un petit recipient rempli de jus de mures et de cerises.
Il en resulta que, grace a sa volonte d’apprendre, de travailler et d’aller de l’avant, non seulement il parvint a soigner son pere toujours maladif, mais il put aussi mettre de cote assez d’argent pour s’acheter un habit neuf.
Un matin, il dit a Geppetto:
– Papa, je vais au marche m’acheter une veste, un chapeau et des chaussures. Et quand je rentrerai, je serai tellement chic que vous me prendrez pour un grand monsieur.
Une fois dehors, il se mit a courir, tout content et joyeux quand, soudain, il entendit qu’on l’appelait par son nom. C’etait une belle Limace qui sortait d’une haie:
– Tu ne me reconnais pas? – demanda la Limace.
– C’est a dire…
– Tu ne te rappelles pas la Limace qui servait de femme de chambre a la Fee aux cheveux bleu-nuit? De cette nuit ou je suis descendue pour te donner de la lumiere alors que tu avais un pied coince dans la porte de sa maison?
– Oui, oui, je me rappelle tout – s’exclama Pinocchio – Reponds-moi vite, jolie Limace! Ou as-tu laissee ma bonne Fee? Que fait-elle maintenant? M’a-t-elle pardonne? Ne m’a-t-elle pas oublie? Est-ce qu’elle m’aime toujours? Elle est loin d’ici? Je pourrais la retrouver?
A toutes ces questions formulees par la marionnette dans la plus grande precipitation et sans meme reprendre souffle, la Limace repondit avec son flegme coutumier:
– Ah, mon pauvre Pinocchio! Ta bonne Fee git sur un lit d’hopital!
– Elle est a l’hopital?
– Malheureusement! Elle a eu bien des malheurs! Maintenant, elle est gravement malade et n’a meme plus de quoi s’acheter un morceau de pain.
– Oh, quelle peine tu me fais! Pauvre, pauvre Fee! Si j’avais un million, je volerais jusqu’a elle pour le lui donner. Mais je n’ai que ces quarante sous, juste de quoi m’acheter des vetements. Prends-les, Limace, et porte-les immediatement a ma bonne Fee.
– Mais tes vetements?
– Que m’importe de nouveaux habits! Je vendrais les haillons que je porte si cela pouvait l’aider. Va, Limace! Depeche-toi! Et d’ici deux jours, reviens a cet endroit! Peut-etre pourrais-je te donner encore un peu d’argent. Jusqu’a present, j’ai travaille pour aider mon papa. Desormais, je travaillerai cinq heures de plus pour ma maman. Au revoir, Limace! A apres-demain!
La Limace, contrairement a son habitude, fila comme un lezard sortant de son trou au plus fort de la canicule du mois d’aout.
Quand Pinocchio fut revenu chez lui, Geppetto lui demanda:
– Et cette veste neuve?
– Impossible d’en trouver une qui m’aille! Ce n’est pas grave: je l’acheterai une autre fois.
Et ce soir-la, au lieu de veiller jusqu’a dix heures, Pinocchio travailla jusqu’a minuit tapant. Au lieu de huit paniers, il en fit seize.
A peine couche, il s’endormit. Mais dans son sommeil, il vit en songe la Fee, souriante et eblouissante de beaute, qui lui dit ceci apres lui avoir donne un baiser:
– Bravo Pinocchio! Parce que tu as si bon c?ur, je te pardonne pour toutes les betises que tu as faites jusqu’a aujourd’hui. Les enfants qui s’occupent tendrement de leurs parents quand ils sont dans la gene ou qu’ils sont malades meritent toujours louanges et affection. Meme s’ils ne sont pas toujours des modeles d’obeissance et de bonne conduite. Si, a l’avenir, tu deviens raisonnable, tu trouveras le bonheur.
Le reve s’achevait ainsi. Mais, a son reveil, Pinocchio ouvrit de grands yeux.
Car, figurez-vous qu’en se reveillant Pinocchio decouvrit, emerveille, qu’il n’etait plus une marionnette en bois, qu’il ressemblait enfin a un enfant comme un autre! La piece aux murs nus de la cabane en paille etait devenue une jolie chambre meublee et decoree avec une elegante simplicite. Sautant du lit, il decouvrit aussi un costume neuf, un nouveau chapeau et une paire de bottines en cuir qui lui allerent parfaitement.
En mettant machinalement les mains dans les poches de ses nouveaux habits, il trouva un petit porte-monnaie d’ivoire sur lequel etait grave: «La Fee aux cheveux bleu-nuit rembourse ses quarante sous a son cher petit Pinocchio et le remercie pour sa generosite». Mais les quarante sous n’etaient plus de vulgaires pieces en cuivre. Le porte-monnaie contenait quarante sequins en or, flambant neuf et brillant de tous leurs feux.
Il alla se contempler dans le miroir et ne se reconnut pas. L’image familiere d’une marionnette en bois avait disparu. A sa place souriait joyeusement un beau petit garcon a l’air vif et intelligent, aux cheveux chatains et aux yeux bleus.
Tous ces evenements merveilleux se succedaient si vite que Pinocchio ne savait plus s’il etait vraiment eveille ou s’il continuait de rever les yeux ouverts.
– Et mon papa dans tout cela? – cria-t-il soudain.
Il entra dans la piece voisine et y trouva le vieux Geppetto en pleine forme, guilleret et de tres bonne humeur, comme autrefois. Retrouvant son metier de sculpteur sur bois, il etait en train de fabriquer un magnifique cadre orne de feuillages, de fleurs et de tetes d’animaux. Pinocchio lui sauta au cou et le couvrit de baisers:
– Comment expliquer tout ce changement, mon petit papa?
– Tout cela, c’est grace a toi – repondit Geppetto
– Grace a moi?
– Mais oui. Quand les sales gosses deviennent de bons petits, ils ont aussi le pouvoir de transformer toute leur famille.
– Et le vieux Pinocchio en bois, qu’est-il devenu?
– Il est la.
La grande marionnette etait contre une chaise, la tete penchant sur le cote, les bras ballants, les jambes emmelees et a demi repliees. A se demander comment elle pouvait tenir debout.
Pinocchio la regarda un moment avec attention puis poussa un grand soupir de satisfaction:
– Quel drole d’air j’avais quand j’etais une marionnette! Et comme je suis content d’etre devenu un vrai et bon petit garcon!
Fin