Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (смотреть онлайн бесплатно книга txt) 📗
Lorsque Catherine y parvint, la porte etait entrouverte et la grosse fille, rouge et vigoureuse, qui remplissait les fonctions d'etuviste, se glissait tout juste au-dehors. Elle se trouva nez a nez avec la jeune femme, devint encore plus rouge.
-- Ou vas-tu ? demanda Catherine. On m'a dit que mon epoux se baignait. A-t-il donc deja fini ?
La fille, avec un coup d'?il inquiet a la porte, devint encore plus rouge. Avant de repondre, elle s'eloigna de quelques pas.
— Non, noble dame ! Il est la, tout au contraire.
— Alors ?
La baigneuse baissa le nez. Ses gros doigts tordaient nerveusement son tablier bleu trempe d'eau. Elle regarda Catherine en dessous, puis, tres vite :
— La demoiselle m'a donne une piece d'argent pour que je lui cede la place quand monseigneur se fait oindre d'huile.
Elle... elle s'etait cachee derriere le gros pilier du fond.
Le beau visage de Catherine rougit a son tour, mais de fureur, et la fille, apeuree, leva un bras d'un geste instinctif pour proteger sa tete contre les gifles eventuelles. La jeune femme se contenta de la chasser du doigt.
— Va-t'en... et tiens ta langue !
Elle fila sans demander son reste. Demeuree seule, Catherine s'approcha de la porte entrebaillee. A l'interieur, aucun bruit ne se faisait entendre hormis celui de l'eau s'ecoulant de la cuve. Catherine jeta un coup d'?il. Ce qu'elle vit lui fit serrer les poings, mais, au prix d'un violent effort, elle se contint, s'obligea au silence. Elle voulait voir ce qui allait se passer.
Arnaud etait etendu, a plat ventre, la tete enfouie dans ses bras croises. Debout aupres de lui, Marie versait sur son dos l'huile contenue dans une fiole de verre bleu, puis, lentement, commencait a enduire tout son corps. Il ne bougeait pas.
Les mains etroites et brunes de la jeune fille suivaient devotieusement le contour des muscles qui, a la lumiere rougeatre du quinquet, prenaient un relief etrange. La peau luisait comme du satin brun. Et Catherine, hypnotisee, ne pouvait en detacher ses yeux. Elle avait une conscience aigue, presque douloureuse, de ces mains caressantes se promenant sur le corps d'Arnaud. Les flammes de la torche faisaient briller les gouttes de sueur sur le visage et le cou de Marie. La respiration de la jeune fille devenait courte, haletante. La passion sensuelle que lui inspirait l'homme etendu devant elle eclatait si crument que Catherine, labouree par la jalousie, grinca des dents. Elle vit Marie humecter du bout de la langue ses levres dessechees...
Soudain, la jeune fille perdit la tete. Se penchant davantage, elle colla ses levres a l'epaule gauche d'Arnaud... Une flambee de fureur aveugle explosa dans la tete de Catherine a ce spectacle, la jeta en avant toutes griffes dehors. Arnaud, surpris, avait bondi, mais deja Catherine etait sur Marie, l'avait arrachee d'Arnaud et jetee a terre. Marie hurla, voulut se relever, mais Catherine se laissa tomber sur elle de tout son poids. Emportee par une frenesie primitive, venue du fond des ages, la jeune femme avait perdu tout controle d'elle-meme. Elle s'etait mise a marteler de ses petits poings le visage de sa rivale, visant les yeux, ou la gorge, cherchant a tuer. Une idee fixe possedait son cerveau surchauffe : detruire cette face insolente, eteindre ces yeux verts, ecraser la vipere une bonne fois. Mais Marie avait recupere et se defendait maintenant. La maigreur de la jeune fille cachait une force nerveuse reelle et, relevant ses jambes, elle parvint a donner un coup de genou si violent dans la poitrine de Catherine que celle-ci, le souffle coupe, dut lacher prise. D'un bond souple, Marie se releva, bondit a son tour sur elle...
Arnaud, en se redressant, avait d'abord observe avec stupefaction les deux femmes engagees dans une lutte farouche. Il se ressaisit rapidement, attrapa une serviette de lin jetee sur la table, la noua autour de ses reins. Puis, empoignant d'abord Marie, qui avait pris le dessus, il la rejeta derriere lui sans la lacher, releva assez rudement Catherine, qu'il remit sur pied.
La haine aveuglait tellement les deux furies qu'il dut employer toute sa force pour les maintenir eloignees l'une de l'autre, de toute la longueur de ses bras.
— En voila assez ! hurla-t-il. Qu'est-ce qui vous prend ? Et d'abord, Marie, que fais-tu ici ?
— Demande-le-lui ! ecuma Catherine. Cette trainee a achete le droit de te frotter d'huile a la baigneuse. Elle s'etait cachee ici pendant que tu te baignais...
L'idee parut si baroque a Montsalvy qu'il se mit a rire. C'etait la premiere fois depuis deux semaines que Catherine l'entendait rire et cela accusait l'amaigrissement de son visage. Le rire d'ailleurs ne montait pas aux yeux qui demeuraient tristes et ternes. Malgre tout, cela fit a Catherine l'effet d'une injure.
— Tu trouves cela drole ? Riras-tu encore quand tu sauras qu'aujourd'hui elle a tente de nous tuer, moi d'abord, puis Michel... Sans Gauthier, j'etais morte. Sans Sara, tu n'avais plus de fils.
Arnaud blemit, mais, sans lui laisser le temps de repondre, Marie vociferait.
— Si tu doutes encore que ta femme soit folle, voila qui doit t'eclairer ! Moi, j'ai tente de la tuer ? Je voudrais savoir comment ?
— Soyez tranquille, je vais le dire...
S'efforcant de retrouver un peu de calme, Catherine
fit le recit de ce qui s'etait passe depuis que le soldat etait venu la chercher dans sa chambre, sans rien oublier. Quand elle mentionna les aveux d'Escorneb?uf, Marie haussa les epaules et ricana.
— Cet homme a menti. Il aurait dit n'importe quoi pour sauver sa vie. Quant a l'affaire du donjon, vous feriez mieux de dire la verite.
— Quelle verite ? cria Catherine.
— Mais la seule, retorqua Marie avec un sourire plein de fiel : que vous aviez rendez-vous dans le donjon avec ce lourdaud. Tout le monde sait qu'il est votre amant !
Arnaud lacha Catherine pour agripper Marie a deux mains. Son visage etait devenu noir de fureur.
— Ne repete pas ca, Marie, grinca-t-il, si tu ne veux pas que je t'etrangle !
— Etrangle-moi, qu'est-ce que ca changera ! Je sais bien que la verite n'a rien d'agreable.
— Laisse-la-moi, vocifera Catherine hors d'elle. Je jure de lui faire rentrer ses mensonges dans la gorge, de l'etouffer avec ! Je vais...
— Assez ! coupa Arnaud. J'entends qu'on m'obeisse ! Je saurai la verite sur cette affaire. Il faudra bien que ce miserable Escorneb?uf avoue la verite, fut-ce sous la torture.
— Si tu veux la verite, jeta Catherine, mets Escorneb?uf a la question, mais n'oublie pas sa complice. Sur le chevalet, elle avouera !
— Et vous, glapit Marie. Si l'on vous y mettait... rien que pour savoir ce qui se passe dans votre chambre depuis que votre epoux delaisse votre lit ?
La voix hysterique de la jeune fille avait monte, monte jusqu'a un eclat de rire tellement strident qu'il en etait insoutenable. A toute volee, Arnaud la gifla par deux fois, si violemment qu'elle alla rouler contre la cuve de pierre, dans une flaque d'eau.
— Va-t'en ! gronda-t-il, les poings serres. Va-t'en si tu ne veux pas que je te tue ! Mais l'affaire n'est pas terminee, ne l'oublie pas !
Elle se releva peniblement, couverte de boue grasse, et tendit vers lui une main qui cherchait encore a s'agripper. Il la prit par un bras, lui fit gravir les trois marches et la jeta dehors sans plus de ceremonie. La lourde porte retomba en grondant derriere elle... Lentement, Arnaud redescendit vers Catherine qui s'etait assise sur le rebord de pierre de la cuve pour rajuster sa robe derangee par la bataille. Le traitement qu'Arnaud avait fait subir a Marie l'avait rasserenee et elle leva vers son mari un lumineux sourire. Elle avait pris un linge et l'avait trempe dans un seau plein d'eau froide pour tamponner une estafilade saignante que les ongles de son ennemie avaient faite a sa joue droite. Debout a quelques pas, l'air sombre, Arnaud l'observait, bras croises.